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Histoire & Sciences sociales -> Poches |
| Collectif Les Premiers temps de l'Eglise Gallimard - Folio histoire 2004 / 13.50 € - 88.43 ffr. / 844 pages ISBN : 2-07-030204-0 FORMAT : 11x18 cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
Un livre rare par sa qualité et sa forme que ce dernier volet dun triptyque rassemblant des contributions de spécialistes des origines du christianisme. Il sagit ici de rappeler des données concernant les premiers siècles de lhistoire de lEglise, de saint Paul à saint Augustin ainsi que lindique le sous-titre du recueil, soit du Ier au Ve siècles. Les textes, remis à jour pour la présente édition, avaient été publiés dans la revue Le monde de la Bible. Ils ont tous en commun brièveté (4 à 6 pages), accessibilité (on trouverait difficilement plus de 5 ou 6 notes infrapaginales pour lensemble du volume), facilité de lecture pour le non-spécialiste. Néanmoins, les quelque soixante signataires, présentés en quelques mots in fine et que nous renoncerons à citer nommément, constituent la fine fleur de la recherche dans chacun des domaines traités ; tous sont publiés ici en langue française malgré la diversité de leurs origines nationales. Repères chronologiques, cartographie (reprise de divers ouvrages, de qualité moyenne malheureusement), bibliographie (raisonnée et récente) sont destinés au lecteur qui veut compléter son initiation, alors que lindex, de consultation facile, rendra service à tous. Un glossaire, peut-être, aurait enrichi le côté pédagogique du livre
Le regroupement des textes par grandes plages thématiques donne limpression dune présentation logique, qui conduit de lexistence dune poignée de sectateurs juifs à linstallation de lEglise dans un Etat qui met au ban de lempire ses rivaux les cultes païens. Quelques redites et doublons étaient inévitables dans une uvre écrite à tant de mains. Toutefois les tout premiers siècles de lhistoire chrétienne se taillent la part du lion (environ les deux tiers du volume). Faut-il déceler là un effet de lengouement du public pour cette période, celui-là même qui arrêta ce printemps bon nombre de téléspectateurs devant la série présentée par MM. Mordillat et Prieur ? Ces téléspectateurs retrouveront dans ce livre nombre des exégètes et historiens quils auront appréciés à lécran. Ou plutôt cet intérêt porté aux origines nest-il pas le double fruit dune actualité de la recherche dune part, portée dautre part par la levée des tabous sur des questions longtemps considérées comme relevant de la sola fidei ?
Quoi quil en soit, les sujets traités ici font lobjet dune approche parfaitement pluridisciplinaire : contexte historique, événementiel, théologie, exégèse, archéologie, morale, littérature, histoire de lart même sont tour à tour appelés à prendre la parole au fil des diverses contributions. Si la plupart des thèmes font le point sur des recherches actuelles, avec dailleurs une scrupuleuse honnêteté (ainsi ne peut-on encore que poser des points dinterrogation sur le fameux ossuaire à linscription de «Jacques frère de Jésus»), dautres sont moins neufs. Et on ne pourrait justifier leur présence par un éventuel souci dexhaustivité quand on aura noté sans acrimonie, puisque louvrage navait pas la prétention dêtre une histoire complète et générale des premiers siècles quil ny a rien sur lItalie, la Gaule, lEspagne, la Grèce.
En bonne méthode historique, la présentation, chronologique, part de lévénement fondateur, en loccurrence la Résurrection, et au fur et à mesure du développement de lHistoire, interroge les sources. Or, on le sait bien, il ny a aucune source directe sur lévénement/résurrection ; les plus proches, plus récentes de quelques décennies, nétant que des réponses à des questions dactualité du moment, parlent le langage de la foi et non celui de lhistoire. Et là où même les sources indirectes et postérieures manquent il en va ainsi sur les origines du christianisme en Afrique, en Egypte, voire en Asie il faut bien se contenter du «vraisemblable» fourni par les textes dits «apocryphes». Les auteurs des contributions nont pas craint, toutefois, de poser des questions qui auraient paru «iconoclastes» il y a peu. Même si elles interpellent peut-être plus le croyant que le scientifique, elles dérangent. Ainsi : quelle autre fin aurait-elle été possible pour la mission de Jésus ? Quel pouvait être létat desprit du Crucifié qui ne savait pas quil allait ressusciter ?
De façon générale, le regroupement des articles en quatre grandes parties (fondation de lEglise ; lEglise, le Temple et la synagogue ; Eglises et identités culturelles ; lEglise et lEtat), divisées elles-mêmes en chapitres, amène souvent à juxtaposer trois ou quatre contributions thématiques sur un même sujet, dues à un même auteur (exemple : les textes consacrés à saint Augustin) ou à des contributeurs différents (exemple : les sujets traitants des Pères du Désert, du christianisme en Cappadoce, etc.). Le parti-pris général adopté ne va pas sans quelque incongruité ; ainsi devra-t-on attendre la page 346 pour disposer dune présentation des grands courants du judaïsme du Ier siècle. Par contre, de brillantes démonstrations, concernant des régions souvent peu ou mal connues du grand public (Cappadoce, Arménie, Egypte et Syrie des premiers siècles même) justifient précisément par la diversité des données culturelles, sociologiques, linguistiques, géographiques et historiques la façon dont un christianisme vivant et original a pu simplanter, et peut-être surtout survivre à la désagrégation de lempire romain.
Reste, et cest peut-être limpression globale qui se dégage à la lecture de ce livre plein de richesses et denseignements, que si son événement fondateur demeure en dehors de lhistoire, le christianisme primitif a su faire preuve dune inculturation remarquable, dans des milieux et des contextes divers, dont il a su utiliser et développer, et non réduire, les particularismes. Ceci tout en cultivant les puissants facteurs de cohésion quont été lunité de la liturgie, du credo et très vite du canon des écritures reconnues saintes.
Jacqueline Martin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 29/06/2004 ) Imprimer
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