| |
Un empereur à redécouvrir | | | Pierre Cosme Auguste Perrin - Tempus 2009 / 9 € - 58.95 ffr. / 345 pages ISBN : 978-2-262-03020-9 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en août 2005 (Perrin)
L'auteur du compte rendu : Yann Le Bohec enseigne lhistoire romaine à la Sorbonne. Il est lauteur de plusieurs ouvrages adressés tant aux érudits quau grand public. Il a notamment publié LArmée romaine sous le Haut-Empire (Picard, 3e édit., 2002), LArmée romaine sous le Bas-Empire (Picard, 2006, prix Millepierres de lAcadémie française), César, chef de guerre (Éditions du Rocher, 2001), La Bataille du Teutoburg (Les Éditions Maisons, 2008) et LAfrique romaine (Picard, 2005). Imprimer
Fondateur de lEmpire romain, Octave devenu Auguste en 27 avant J.-C., a suscité beaucoup de travaux pour au moins trois raisons : il a eu un long règne, il a su marquer son époque de son empreinte (on peut parler dun «siècle dAuguste», comme il y eut un «siècle de Louis XIV») et il a créé un nouveau régime, une monarchie qui mettait fin à un siècle de désordres et de guerres civiles. Parmi les derniers auteurs qui ont écrit sur ce prince, il est possible de mentionner J. Williams, Augustus (2003) et surtout W. Eck, The Age of Augustus (2003 également). Il faudra désormais tenir compte de P. Cosme qui nous donne un livre personnel, très biographique donc très attaché à la chronologie (remarque qui, pour nous, est un compliment) et qui privilégie la période antérieure à lempire, à laquelle il consacre la moitié des pages qui lui ont été imparties.
Octave appartenait à une famille originaire de Vélitres, dans le Latium, et il venait dun milieu aisé, sans plus. La chance de sa vie fut davoir été remarqué par son oncle, César, qui en fit son héritier. Ce nest quaprès lassassinat du dictateur que la désignation fut connue. Elle lui permit dêtre consul à vingt ans. Mais il devait dabord régler le problème des meurtriers de César et ensuite éliminer ses concurrents du clan césarien, notamment Marc Antoine. Contre les premiers, il sentendit avec les seconds en un premier temps. La proscription lui permit de faire disparaître une partie des partisans de laristocratie sénatoriale, en même temps quelle canalisait une violence qui risquait de déborder ; les deux batailles de Philippe vinrent à bout des dernières forces ennemies encore en place. Une fois débarrassé des républicains, il ne lui restait quà se débarrasser des autres césariens. Il eut lhabileté de demander la direction de lOccident à un Marc Antoine qui navait dyeux que pour lOrient et ses richesses (et pas pour Cléopâtre, comme le croient certains : la reine dÉgypte ne présentait dintérêt que pour sa puissance). Il se posa alors en recours de lItalie contre les prétentions dune monarchie orientalisante, qui ne pourrait quêtre tyrannique. Sa victoire dActium, en 31 avant J.-C., fut présentée comme une victoire de lItalie sur lÉgypte et dOctave sur Cléopâtre, ce qui permettait de faire oublier, au moins un peu, lhorreur que représentait pour les Romains la guerre civile. Au lendemain de ce succès, il sempara de lÉgypte et, par une fiction que tous acceptèrent, il fit comme si elle avait été un bien personnel de la défunte reine, dont il sétait emparé les armes à la main. En 27 avant J.-C., au cours de deux célèbres séances du sénat de Rome, il reçut de laristocratie la moitié des provinces et larmée, avec le titre dAuguste dont il fit son nouveau nom. Commence alors lEmpire.
Le métier de monarque nest pas facile. Il y faut de laide. Il faut aussi préparer la succession et, contrairement à ce quont écrit beaucoup dhistoriens, ce problème fut résolu très tôt par ladoption de la personne désignée et par son association au pouvoir. Auguste y ajouta le mariage avec sa fille et cest ainsi quAgrippa entra dans la famille impériale en épousant la pauvre Julie à qui lon ne demanda rien, surtout pas son avis. Auguste réorganisa les deux grands ordres de lÉtat, chevaliers et sénateurs, mais il fut victime des circonstances. Il avait fait célébrer des cérémonies religieuses très traditionnelles, les jeux séculaires, dont il espérait beaucoup.
Hélas, pour une raison que nous ignorons, les dieux, semble-t-il, ne furent pas très satisfaits et la suite du règne fut marquée par une série de tragédies et dabord de drames personnels. Des décès frappèrent lempereur : au nombre des morts, on compta Agrippa, puis Drusus, un prince bien doué, puis ses deux petits-fils, les «princes de la jeunesse». Il ne lui resta plus que Tibère, un homme compétent et dévoué à la cause publique, mais au caractère redoutable. Des difficultés militaires vinrent sajouter à ces difficultés personnelles. LIllyrie, qui correspondait approximativement à lex-Yougoslavie, entra en révolte, mobilisant toutes les énergies dun Tibère qui nen manquait pas, il est vrai. Et le pire survint en Germanie, en 9 après J.-C. : trois légions, les auxiliaires et les civils qui les accompagnaient, tombèrent dans une embuscade ; tous furent anéantis en un lieu qui vient dêtre découvert, à Kalkriese.
Les dernières années du règne furent assombries par ces événements. Quand Auguste se sentit mourir, il aurait eu le courage, selon les auteurs anciens bien sûr, de prononcer ces derniers mots que doivent prononcer tous les grands hommes dans son cas. À son épouse Livie : «Souviens-toi de notre union». À ses amis qui lentouraient : «Ai-je bien joué la comédie de la vie ? La pièce est terminée ; si elle vous a plu, applaudissez». Pierre Cosme ajoute quelques pages sur le succès quAuguste eut auprès de Napoléon Ier et de Mussolini qui prêtèrent au moins autant dintérêt au fondateur de la monarchie à Rome quà son oncle, le dictateur César.
Ce livre bien écrit se lit avec plaisir. Il comprend des cartes, des plans, une brève chronologie, une liste des sources et des livres importants, ainsi que des index. Un ouvrage qui peut être recommandé.
Yann Le Bohec ( Mis en ligne le 28/04/2009 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Rome, le prince et la Cité de Stéphane Benoist Empereurs et sénateurs. Une histoire politique de l’Empire romain de Yves Roman Rome, les Césars et la Ville aux deux premiers siècles de notre ère | | |