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Les métamorphoses de l'hystérique
Nicole Edelman   Les métamorphoses de l'hystérique - Des débuts du XIXe siècle à la Grande Guerre
La Découverte - L'espace de l'histoire 2003 /  29 € - 189.95 ffr. / 350 pages
ISBN : 2-7071-3454-6
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Face à la complexité des enjeux que recouvre l'hystérique, l'auteur nous convie à suivre pas à pas de manière chronologique et thématique ses différents louvoiements étiologiques et nosologiques au gré des découvertes médicales, notamment, en matière neurologique et psychologique.

Le corps médical semble, en effet, soumis aux mêmes bouleversements que les institutions politiques et l'individu, dans la lente mise en place d'un régime républicain favorisant l'émergence d'une bourgeoisie au sein de laquelle le médecin aura une place de choix. Le regard sur le corps et les maladies évolue, en même temps que le statut social du médecin, et l'hystérie dans son étiologie et sa nosologie dépend des mêmes évolutions sociales. Elle est dans son existence même intimement liée au contexte au sein duquel elle s'épanouie.

C'est ainsi qu'au début du siècle, tintée d'érotisme, transgressant règles et interdits, la crise d'hystérie se résout par le mariage. Menaçant alors, après la révolution, la stabilité de la famille, figure majeure et pilier des nouvelles institutions, une vision plus pathologique conditionne l'appréhension de l'hystérique à la suite des découvertes neurologiques, et neuro-génitales, des années 1830. Et si les années 1850 marquent l'avènement de la conception neuro-cérébrale de l'hystérie devenue alors "respectable", il faudra attendre le tournant du siècle pour voir contesté le modèle neurologique de Jean-Martin Charcot, et mise en place la pratique de la psychothérapie.

Tout au long de cette période va donc se mettre en place, et influer plus ou moins directement sur l'appréhension de l'hystérie, le contexte socio-politique d'une période aussi riche en régimes institutionnels qu'en découvertes scientifiques. Comment ne pas évoquer, par exemple, les luttes intestines entre médecins catholiques et leurs confrères athées, libres-penseurs ou anticléricaux, (souvent proches du pouvoir politique), en l'occurrence à propos des exorcismes pratiqués auprès de la population de Morzine dans les années 1850 ! Charcot développera à cet égard une pathologie de la possession, de l'extase et de tout phénomène préternaturel, contestant par là-même toute guérison miraculeuse. Car celui-ci entend bien donner à l'hystérie des lois et "la régularité d'un mécanisme".

Pour ce faire, va intervenir à point nommé une des plus importantes découvertes de ce siècle : la photographie. Celle-ci va permettre d'établir des critères de référence, ceux de la différence, et fonder en quelque sorte une "police scientifique". Albert Londe, directeur du Service photographique de la Salpêtrière dans les années 1880, ira jusqu'à comparer la plaque photographique à "la rétine du savant". Cette approche systématique, et quasi-statistique, permise par ce médium photographique, est d'autant plus importante à souligner qu'elle se généralise à cette époque sous l'influence de sociologues tels que Gustave Le Bon en France ou Francis Galton outre-Manche. La Préfecture de Police de Paris, sous l'impulsion d'Alphonse Bertillon, développera ainsi l'anthropologie criminelle et travaillera en étroite collaboration avec la Salpêtrière, en employant les mêmes procédés imageants, qui trouveront sous la plume d'Ernest Lacan la dénomination d'"image accusatrice".

Car, si ce livre n'est pas, à dessein, centré sur Freud et Charcot, comme le souligne l'auteur à titre liminaire, il ne faut pas oublier que l'oeuvre de ce dernier est tout à fait caractéristique dans l'utilisation qu'il fait de ces nouvelles techniques de reproduction. Celles-ci apportent à leur utilisateur la légitimité scientifique tant recherchée dans la classification de l'hystérie et sa définition clinique, malgré le paradoxe qui réside dans les moyens scéniques mis en oeuvre pour atteindre cette "vérité photographique". Le médecin, par sa posture de savant, n'a qu'à transcrire comme une vérité, la réalité qu'il perçoit. La camera obscura n'a jamais alors aussi bien porté son nom!

Plus récemment, William Friedkin adapte pour le Grand écran, en 1973, l'Exorciste de William Blatty. Dans une ressemblance confondante avec la célèbre Augustine, patiente de Charcot et icône de la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière de Paul Richer et Paul Régnard, le cinéaste met en scène une jeune adolescente possédée ­ ou atteinte d'une crise d'hystérie? Ce film témoigne encore aujourd'hui de la confusion qu'a pu engendrer l'hystérie ; obscurantisme ou obscurité que Nicole Edelman contribue à lever.


Laurent de Verneuil
( Mis en ligne le 04/03/2003 )
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