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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
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Commentaires argonautiques | | | Guy Lachenaud Scholies à Apollonios de Rhodes Les Belles Lettres - Fragments 2010 / 45 € - 294.75 ffr. / 578 pages ISBN : 978-2-251-74208-3 FORMAT : 13,6cm x 21cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Après les scholies aux Grenouilles et au Ploutos dAristophane, la collection ''Fragments'' des Belles Lettres nous livre celles au poème hellénistique dApollonios de Rhodes (295-240 av. J.-C.), les Argonautiques. Luvre retraçait laventure des héros compagnons de Jason, qui allèrent jusque dans la lointaine Colchide (la Géorgie actuelle) conquérir la fameuse Toison dOr. Elle décrit aussi leur retour en Grèce, accompagnés de la magicienne Médée que Jason épouse dans une grotte de Phéacie. Le poème épique imite par bien des aspects Homère, tout en introduisant des éléments étiologiques, à travers lesquels lauteur affirme son attachement à lhellénisme face aux mondes barbares traversés par ses héros. De nombreuses cités de la côte nord de lAsie Mineure, de Cyrénaïque ou dOccident rattachent ainsi leur mythe de fondation à la geste argonautique.
Dès lAntiquité, le poème a fait lobjet de commentaires, ce quon appelle justement les scholies. Les papyri prouvent lexistence déditions assorties de gloses, scholies et variantes dès les deux premiers siècles de notre ère. Au Ier siècle av. J.-C., Théon dAlexandrie compose un commentaire portant sur la critique du texte, lexplication des termes difficiles et les légendes relatives aux toponymes. Au IIe siècle de notre ère, Lucillus de Tarrha édite le texte, accompagné dun commentaire qui sintéresse essentiellement aux sources dApollonios. Un certain Sophocleios, peut-être vers la fin du même siècle, remanie le commentaire de Théon ; cest à lui que nous devons la documentation géographique et mythologique. Le corpus des scholies nous livre donc la substance des commentaires de ces trois auteurs. Mais il faut prendre aussi en considération lactivité des grammairiens et des lexicographes byzantins (Oros, Étienne de Byzance, Methodios, Eustathe et Jean Tzetzès). Les scholies citent abondamment Hésiode (surtout la Théogonie), Homère, Pindare et les Lyriques, Acousilaos, Phérécyde, Hérodote, les Tragiques, mais aussi les historiens de la Mer Noire.
Les scholiastes sont confrontés à la diversité des traditions légendaires et géographiques ; ils rencontrent des points de vue inspirés par des considérations locales, des jugements dordre esthétique ou moral, mais aussi lérudition des «antiquaires», lexicographes et grammairiens. Leur démarche a peu à voir avec celle dun historien qui voudrait établir la datation, lorigine, et préciser comment les légendes se sont diffusées, avec celle dun poète moraliste qui écarterait les versions jugées scandaleuses, ou avec celle dun allégoriste qui proposerait des interprétations philosophiques. Ils sont tributaires des recueils généalogiques et des récits de fondation. Mais les scholiastes ont tendance à humaniser les Argonautes et à privilégier les explications évhéméristes ou rationalisantes. Les noms géographiques et les noms de héros fournissent souvent loccasion de digresser, dinsérer des notations ethnographiques, ou de sinterroger sur lancienneté des peuples. Les scholiastes communiquent même des éléments de savoir technique et pratique, comme le vocabulaire de la marine, ou les types de charrue. Les constellations, la flore et la faune retiennent également leur attention. Souvent, ils commentent des points de détail, notamment grammaticaux, plus quils ne proposent un commentaire proprement littéraire. Mais grâce à leur travail, il ajoutent du sens au poème en le commentant, et font accéder luvre dApollonios de Rhodes au patrimoine classique.
Lédition par Carl Wendel des Scholia in Apollonium Rhodium vetera navait pas été remplacée depuis sa parution à Berlin en 1935. On sait donc gré à Guy Lachenaud, agrégé de Lettres, ancien élève de lEcole Normale de la rue dUlm, et docteur dEtat en littérature grecque, davoir relevé le défi de cette importante mise à jour, avec le bénéfice, en plus du texte grec, dune traduction précise et fluide. Le volume est enrichi dune introduction dune trentaine de pages et dune bibliographie de neuf pages. En annexe, on trouve également des synthèses et des tableaux sur les généalogies mythiques, un index des noms dauteur et un index des noms antiques. On ne peut donc que saluer une telle entreprise, en espérant que le mouvement se poursuivra et que dautres scholies (Homère, Hésiode
) deviennent également plus accessibles.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 19/10/2010 ) Imprimer
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