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Archéologie de la religion et de la philosophie grecques | | | Lorenz E. Baumer Mémoires de la religion grecque Cerf 2010 / 17 € - 111.35 ffr. / 179 pages ISBN : 978-2-204-09273-9 FORMAT : 12cm x 19cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Ce petit livre dune nouvelle collection des éditions du Cerf reprend le texte de quatre conférences présentées par Lorenz Baumer en tant que directeur détudes invité, en février 2009, par lEcole Pratique des Hautes Études, dans le cadre des chaires «Archéologie grecque» de François Queyrel et «Théologies et mystiques de la Grèce hellénistique et de la fin de lAntiquité» de Philippe Hoffmann. Archéologue classique formé aux universités de Berne et de Heidelberg, et actuellement professeur darchéologie classique à luniversité de Genève, lauteur traite ici de sujets qui intéressent lhistoire de la religion grecque et la philosophie de lAntiquité tardive. Il a dailleurs publié de nombreuses études sur la sculpture antique et sur sa réception moderne, ainsi que sur les sanctuaires et cultes ruraux en Grèce.
La première conférence présente un ensemble architectural et les sculptures qui y ont été associées, au sud de lAcropole dAthènes, à savoir la villa dite «de Proclus», construite au début du Ve siècle ap. J-C. Cette maison offre lexemple dune réutilisation intentionnelle de sculptures religieuses et funéraires classiques (notamment une statuette de Cybèle dans un naïskos, un relief votif dédié au dieu chthonien Pankratès, et une base funéraire sculptée sur trois côtés). Lune des pièces, décorée justement de ces sculptures, pourrait correspondre au lieu où Proclus et les autres membres de lAcadémie néo-platonicienne pratiquaient le culte destiné aux âmes des anciens philosophes, dans une Athènes où le culte païen était encore bien vivace au Ve s. ap. J-C. Lauteur de cet ensemble (et donc le fondateur du culte) ne semble pas avoir été Proclus, mais son prédécesseur Plutarque.
La deuxième conférence traite de manière plus générale de la survie ou de la reprise des lieux de culte, à partir de lexemple des petits sanctuaires ruraux de lAttique. Lauteur constate ainsi que la plupart de ces sanctuaires ont été abandonnés à lépoque impériale, tandis que lon a pu observer parfois un phénomène de déplacement des temples (qualifiés ainsi d«itinérants») en ville. En fait, létroite association des sanctuaires ruraux au système politique classique semble avoir été la raison de leur abandon ultérieur à des époques où le modèle dominant de gouvernement nest plus démocratique, sans quil faille imaginer une baisse drastique de la densité de population pour lexpliquer. Mais ces sanctuaires sont de nouveau fréquentés à la fin de lAntiquité. Après la revitalisation partielle des anciens sanctuaires ruraux classiques par des païens vers le milieu du IVe siècle ap. J.-C., la renaissance des lieux de culte à partir de la seconde moitié du siècle semble due à linfluence des Chrétiens.
La troisième conférence sintéresse aux collectionneurs de lAntiquité. En effet, la réutilisation de sculptures grecques originales existait dès les époques impériale et tardo-antique. En Italie, on ornait les propriétés privées dun grand nombre de copies daprès les célèbres chefs-duvre de lépoque classique. Devant la prédominance des copies, on sest interrogé sur le fait de savoir si lon vouait une admiration particulière aux originaux, beaucoup plus rares que les copies, et si on leur attribuait une fonction précise, notamment religieuse. Il semble que cela nait pas été le cas.
La quatrième et dernière conférence traite de la fermeture de plusieurs sanctuaires de Déméter en Grande Grèce et en Grèce propre. La documentation est ici essentiellement archéologique, et permet de voir que ces abandons ont fait lobjet de rituels particuliers, notamment de dépôts doffrandes céramiques bien ordonnés, précédant lenfouissement du sanctuaire (généralement un thesmophorion) sous un amas de pierres, qui trop souvent échappe aux archéologues voulant aller directement aux trouvailles espérées dans le niveau au-dessous.
Chaque conférence retranscrite dans ce livre nous introduit ainsi dans un travail de mémoire, où le passé est recréé dans un contexte différent. Lanalyse, très stimulante, sappuie à la fois sur des textes et sur des documents graphiques. Lauteur, dans sa prudence et son souci de rigueur, trace toujours les limites de linterprétation : le lecteur peut vérifier, preuves à lappui, aussi bien archéologiques (avec des plans, des photographies) que textuelles (avec une analyse fine des textes), les différentes affirmations énoncées. Lorenz E. Baumer montre ainsi que lAntiquité classique ressurgit dans lAntiquité tardive, mais quelle est évidemment modifiée dans sa perception. Il souligne également que les phénomènes religieux ne sont pas une fumée de lesprit mais sancrent dans la réalité institutionnelle.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 12/10/2010 ) Imprimer | | |
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