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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| Jackie Pigeaud Folie et cures de la folie - chez les médecins de l’Antiquité gréco-romaine Les Belles Lettres - L'Âne d'or 2010 / 35 € - 229.25 ffr. / 266 pages ISBN : 978-2-251-42041-7 FORMAT : 15cm x 21,5cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Les éditions des Belles Lettres rééditent lun des maîtres livres de Jackie Pigeaud, professeur émérite de littérature latine à lUniversité de Nantes et membre de lInstitut universitaire de France, paru initialement en 1987, et consacré au concept de folie (mania, ou, comme le francise lauteur, manie) chez les médecins grecs et romains de lAntiquité. Cet ouvrage peut apparaître comme le complément dun autre livre du même auteur, La Maladie de lâme (1981, 3e édition 2006), qui sintéressait quant à lui plus particulièrement aux relations de lâme et du corps dans la tradition philosophique et médicale antique. On peut citer également, chez le même éditeur et dans la même collection ("LÂne dOr"), Politiques du corps : aux origines de la médecine, paru en 2008.
Le mot manie est le terme le plus général pour désigner la folie. Mais son sens a évolué au cours du temps, devenant une maladie bien définie dans lusage médical. Lauteur prend soin de resituer son objet dans le contexte de lépoque, rappelant que la manie est une maladie essentiellement somatique, même si elle a des incidences sur lâme. Contrairement à la phrénitis, maladie aiguë, la mania peut apparaître comme une maladie chronique. Lambition de lauteur est de fournir les traductions dun certain nombre de textes sur ce sujet, accompagnées de commentaires philologiques souvent très subtils.
La première partie, baptisée curieusement «Introduction», est consacrée à la Collection hippocratique, ces écrits attribués au célèbre Père de la médecine, mais qui comprenaient en fait plusieurs auteurs. Lauteur développe dabord sa réflexion sur lattitude dHippocrate à légard des troubles du comportement de la psyché. Il sintéresse ensuite aux différents sens et emplois du terme particulier de mania. Puis létude se centre de manière plus serrée sur un passage particulier du traité du Régime, avant daborder le traité sur la Maladie sacrée, qui nest pas consacré à la folie, à la mania en général, mais à une seule maladie, lépilepsie, qui est autant sinon plus physique que psychique.
La deuxième partie de louvrage traite plus spécifiquement de la manie comme concept médical. Elle aborde en premier lieu la question de la définition du terme, avant lexamen de quelques grands textes sur le sujet, comme ceux dArétée de Cappadoce ou de Caelius Aurélien. Un chapitre particulier développe également quelques remarques sur lhallucination et lillusion dans la philosophie stoïcienne, épicurienne et sceptique.
La troisième et dernière partie est consacrée aux traitements de la manie. La règle générale et commune semble être déviter au maximum lexcitation, tout en procurant lapaisement. Le malade doit ainsi reposer dans une pièce moyennement éclairée et chaude, et les serviteurs ont un véritable rôle thérapeutique à jouer. Jackie Pigeaud examine successivement les traitements relationnels (comme labsence de peintures aux murs, la musicothérapie ou la catharsis théâtrale) puis les traitements par les médicaments (notamment lellébore, dont il ne faut cependant pas abuser), les exercices ou le régime. Caelius Aurélien critique lusage de certains traitements, comme le jeûne épuisant, les saignées excessives, les diurétiques et les purgatifs, ou encore lamour, considéré comme une passion nocive.
Cet ouvrage pourra paraître fort technique, tant du point de vue philologique que du point de vue de la science médicale. Il montre néanmoins avec brio que le discours médical sur la manie évolue avec le temps. La manie ne désigne dabord quun comportement très général, assimilable à la folie. Il en va ainsi chez Hippocrate. Mais le même terme a été choisi par les médecins postérieurs pour définir une maladie délimitée dans son essence et ses manifestations, en lopposant au concept de phrénitis, ou en le comparant à celui de mélancolie. Ce livre permet aussi de se familiariser avec des auteurs encore peu connus, comme les médecins Arétée, Celse et Caelius, qui ont eu le mérite dessayer dorganiser un champ pathologique encore bien mal défini. Il nous plonge dans un environnement culturel qui nous est absolument étranger, et qui se modifie dailleurs avec le temps, du Ve s. av. au Ve siècle ap. J.-C.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 14/12/2010 ) Imprimer | | |
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