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Histoire & Sciences sociales  ->  Antiquité & préhistoire  
 

Saint Paul sans l’Église
Pierre-Marie Beaude   Saint Paul - L'oeuvre de métamorphose
Cerf 2011 /  29 € - 189.95 ffr. / 431 pages
ISBN : 978-2-204-09228-9
FORMAT : 13,5 cm × 21,8 cm

L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé d’histoire et docteur en histoire médiévale. Sa thèse a porté sur «Église, richesse et pauvreté dans l’Occident médiéval. L’exégèse des Évangiles aux XIIe-XIIIe siècles».
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Il est devenu courant, à la suite de Nietzsche (par exemple dans L’Antéchrist, 42 : «(…) en Paul, c’était encore le prêtre qui aspirait au pouvoir»), de faire de Paul le véritable fondateur du christianisme et ainsi de l’opposer à Jésus : celui-ci du côté de l’utopie, celui-là du côté de l’institution ; l’un tolérant, l’autre dogmatique ; l’un rêveur, l’autre homme de pouvoir et d’Église. C’est à une toute autre lecture que nous convie Pierre-Marie Beaude, professeur émérite à l’université de Metz, dans ce Saint Paul. L’œuvre de métamorphose.

Cet ouvrage propose de voir dans la figure de la métamorphose le fil conducteur de la pensée paulinienne. P.-M. Beaude ne part pas, après d’autres, à la recherche du thème central de cette pensée, mais il souligne la récurrence d’une démarche à la fois littéraire, intellectuelle et personnelle qui est celle de la métamorphose, c'est-à-dire qui connaît des évolutions radicales procédant par sauts ou par ruptures. À partir de cette clé de lecture, il revisite les grands thèmes pauliniens autour du corps, que ce soit le corps individuel (chap.2), le corps transfiguré ou converti (chap.3 et 4), le «corps mystique» ou le «corps du Christ» (chap.5), le corps communautaire (chap.7 et 8) ou le corps des Écritures (chap.9).

L’identification de cette figure de la pensée paulinienne comme «œuvre de métamorphose» a des conséquences importantes sur la compréhension de sa philosophie. Tout d’abord, il en ressort l’image d’une pensée en constant mouvement, d’une pensée qui, par la métamorphose, échappe au système et aux catégorisations, «une pensée d’antiphilosophie en quelque sorte, valorisant les itinéraires des sujets plus que les constructions de systèmes rationnels» (p.389).

De ce point de vue, Paul se rapproche de la mystique, mais P.-M. Beaude, qui discute de cette question dans le chapitre 4, renonce à l’emploi de ce terme dans la mesure où Paul est un des acteurs du désenchantement du monde, qui privilégie l’écoute de la parole et la transformation intérieure plutôt que les phénomènes extérieurs surnaturels. En revanche, il est tout aussi net que Paul ne s’intéresse pas à l’espace/temps de l’Empire romain (chap.6) et qu’il n’accorde pas d’importance aux pouvoirs temporels institués (pp.369-373), car sa pensée s’ancre dans l’expérience de conversion du sujet. Le temps qui importe n’est pas celui de l’histoire humaine mais le temps du sujet marqué par l’événement de la rencontre avec Dieu et tourné vers l’avenir – le temps de l’eschatologie.

Dans ces conditions Paul ne saurait être le grand ordonnateur de l’Église, l’homme des institutions. P.-M. Beaude l’annonce au début de son ouvrage : «La pensée de métamorphose paraît donc être réservée aux itinéraires individuels de convertis, d’errants, de mystiques, de francs-tireurs, plutôt qu’aux groupes sociaux et à leurs responsables» (p.31). Il y revient régulièrement : les règles de vie que Paul fixe aux communautés qui le suivent ne sont pas des normes strictes, leur institutionnalisation est «souple», usant d’un «langage plus spirituel que juridique» (p.229). Surtout, dans le chapitre 5, P.-M. Beaude se penche sur l’expression de «corps mystique» qu’il écarte de la notion d’Église mais rapproche de celle de «corps du Christ» par laquelle les sujets croyants sont enjoints à tenir un “rôle”. Ainsi l’Église paulinienne n’est-elle pas une institution mais «l’endroit privilégié où les croyants sont appelés à être corps du Christ» (p.389), ce qui, d’ailleurs, contribue à expliquer la faible pérennité des communautés qu’il a fondées, faute d’un cadre juridique strict.

En revanche, si Paul a pu devenir si important pour les Églises chrétiennes, c’est parce que sa pensée a été progressivement réintroduite dans un autre cadre qui a effacé l’œuvre de métamorphose. P.-M. Beaude étudie le premier jalon en montrant comment Luc, dans les Actes des Apôtres, livre une toute autre image de Paul bien plus intégré à l’histoire de son temps. Les jalons suivants demeurent à étudier…

Soulignons enfin que ce livre, s’il s’adresse évidemment aux spécialistes, est écrit avec un souci de clarté à la fois dans le style (qui évite tout jargon), dans la composition (avec des introductions problématisées et des conclusions récapitulatives) et dans le contenu (puisque sur chaque notion sont présentés les principaux éléments de débat historiographiques). Il peut donc constituer, pour tout lecteur, un parcours de lecture original à travers les épîtres pauliniennes.


Emmanuel Bain
( Mis en ligne le 01/05/2012 )
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