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Histoire & Sciences sociales  ->  Antiquité & préhistoire  
 

Fragrances égyptiennes
Marie-Christine Grasse   L'Egypte parfums d'histoire
Somogy 2003 /  38 € - 248.9 ffr. / 189 pages
ISBN : 2-85056-667-5
FORMAT : 26x29 cm

L'auteur du compte-rendu: Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez a été de nombreuses années rédactrice en chef adjointe de la revue Notre Histoire. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur l’histoire médiévale et l’histoire de l’art.
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Il se dégage, à la lecture de ce livre – qui doit son existence à la tenue d’une exposition au musée de Grasse – un parfum de mystères autant que de fragrances. Insistons sur le pluriel. Pourtant, ont oeuvré à sa rédaction une douzaine de collaborateurs, tous spécialistes des sujets sur lesquels ils s’expriment, sans oublier l’apport des photographes – des clichés le plus souvent aussi remarquables par leur qualité que par leur originalité et d’une mise en page impeccable. Une constatation de bon sens a présidé à l’élaboration de ce qui est tout autant un ouvrage d’art qu’une histoire de la technique : tout un chacun peut voir, dans les musées par exemple, une foultitude d’objets et d’images dont on voit bien qu’ils ont rapport au parfum. Mais pour qui ? Pour quoi ? Comment ?

A ces questions, et malgré l’abondance apparente de sources de toutes natures, il n’y aura souvent pas de réponse possible. Ainsi, les détails de certaines recettes de fabrication ne donnent que de pseudo-informations à l’analyse physico-chimique. Le fait qu’un même produit peut, selon les moments et les lieux, porter des appellations différentes, ne facilite pas les choses. Les spécialistes décryptent des procédés tels qu’exposés au temple d’Edfou… et avouent leur incapacité à tout comprendre. Alors pour une étude qui entend s’intéresser au sujet en partant de l’Ancien Empire, on en est réduit, bien souvent, à utiliser des sources gréco-romaines (Plutarque, Pline, souvent cités, et d’autres). Celles-ci permettent aussi de faire revivre le métier de parfumeur aux basses époques : mal vu mais lucratif, il est exercé par les esclaves ou affranchis des grandes familles romaines.

De nombreux chapitres s’intéressent aux matières premières utilisées, essentiellement végétales (encore qu’on entende parler de graisse de chat !). La plupart d’entre elles ne sont pas produites en Egypte et alimentent une véritable «course aux aromates» (p.37). La plus précieuse, la plus indispensable, dès les temps les plus reculés, c’est «l’ânti», la myrrhe. Avec parfois quelques redites d’un collaborateur à l’autre, le lecteur saura tout ce qu’on peut savoir des procédés de fabrication. La belle expression égyptienne de «noud» (= digestion) recouvre tout un ensemble de préparations dont le but est de fixer la fragrance sur une base, généralement d’huile, ancêtre des essences de parfum actuel. Tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de cette alchimie qu’est la fabrication de parfums végétaux trouveront leur compte dans des pages, parfois un peu techniques, utilisant au mieux la documentation disponible.

Mais l’amateur de l’histoire de la vie quotidienne, en Egypte ancienne, va en découvrir des aspects parfois étonnants. Que les soins corporels fassent l’objet d’une grande attention (propreté du corps, des mains, pour des raisons d’hygiène autant que de pureté rituelle), on s’y attend, et les onctions d’huile parfumée y jouent leur rôle. De même pour le maquillage des yeux au khôl, esthétique autant que protecteur. Mais on ne pense pas toujours que les Egyptiens pratiquaient l’art du tatouage (un domaine encore à explorer). Ils prenaient grand soin de leurs dents, avec l’antiseptique natron, mais c’est tout ce qu’on en sait. Quoi qu’en montrent les figurations, les coiffures élégantes et apprêtées ne sont que des perruques. On les parfume, et tel est le sens du petit cône symbolique qui en surmonte souvent les images, manière de concrétiser la présence de l’infigurable odeur. En cheveux naturels, elles sont fixées sur des sortes de bonnets que l’on attache sur sa propre chevelure, généralement portée court… quand des charges rituelles n’imposent pas un rasage complet.

Sentir bon – et sans doute la perception olfactive des anciens Egyptiens était-elle assez différente de la nôtre – n’est pas le seul usage des parfums. On pratique des onctions, de nombreuses fumigations, à des fins prophylactiques (gynécologiques notamment) et rituelles. On modèle des simulacres d’offrandes parfumées qui vont se consumer pour satisfaire la divinité. A contrario, on fuit les odeurs de sueur, de tannage, d’eau croupie et de corps en décomposition. Autant de détails du vécu quotidien qui jettent leur lumière sur la mentalité égyptienne.

Il était inévitable qu’une telle somme s’intéressât au problème récurrent chez les égyptologues de la localisation du Pays de Pount, grand fournisseur de l’ânti et que les bas-reliefs de Deir el-Bahari passent pour bien documenter. Contrairement aux idées généralement reçues qui le situent en Afrique noire, l’ensemble des contributeurs traitant ici de ce sujet tend à le voir dans une zone s’étendant du Sinaï à la péninsule arabique. On aurait apprécié une carte plus claire que celle fournie pour suivre la démonstration, avant que Pount ne soit devenu tout simplement un pays mythique.

Le cadre chronologique de ces Parfums d’histoire (il ne faut surtout pas manquer de jeter un œil sur l’échelle chronologique pleine d’humour de la page 6) conduit le lecteur jusqu’à l’époque contemporaine et nous apprend que 100 000 familles égyptiennes vivent toujours de la production des parfums. Mais on reste dans l’ignorance de ce qui s’est passé à l’époque musulmane. En Occident, l’égyptomanie du XXe siècle a sévi dans le domaine des flaconnages comme des contenus, et a embauché dans la promotion de ses senteurs Cléopâtre, Isis, et autres Ramsès.

Au total, cet ouvrage d’art original, au prix raisonnable compte tenu de la qualité de l’édition, bien documenté, d’une présentation impeccable, est capable de séduire l’historien, le scientifique, comme l’élégante.


Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 07/11/2003 )
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