| Nathalie de Chaisemartin Rome. Paysage urbain et idéologie, - des Scipions à Hadrien (IIe siècle avant J-C - IIe siècle après J-C) Armand Colin - "U" 2003 / 23 € - 150.65 ffr. / 269 pages ISBN : 2-200-26384-8 FORMAT : 16x24 cm
Lauteur du compte rendu : Agnès Bérenger-Badel, maître de conférences d'histoire romaine à l'Université de Paris Sorbonne (Paris IV), est une spécialiste de lhistoire politique et administrative de la Rome impériale. Elle a rédigé plusieurs ouvrages liés au programme de l'agrégation et du CAPES, dont L'Empire romain au IIIe siècle après J.-C., Textes et documents (SEDES, 1998), et Rome, ville et capitale, de César à la fin des Antonins (Hachette, 2002). Imprimer
Cet ouvrage entend présenter une synthèse sur la ville de Rome, qui tienne compte des récentes recherches et en présente un bilan. En effet, des recherches archéologiques de grande ampleur ont été menées au cours des dernières années, dans plusieurs secteurs du Palatin, au Champ de Mars, sur le Pincio et dans la zone des forums impériaux. Ces fouilles ont conduit à remettre en cause un certain nombre daffirmations. Ainsi, le temple du divin Trajan, construit par Hadrien, était jusque là localisé au nord du forum de cet empereur, mais les sondages effectués sous le palazzo Valentini, à lemplacement présumé de ce temple, nont révélé aucune structure qui permette de confirmer sa présence.
Cet exemple permet de montrer limportance dune présentation actualisée des diverses données dont disposent les historiens sur lespace urbain de Rome, afin de les mettre à la portée dun public étudiant, mais aussi de toutes les personnes intéressées par ces thématiques, et en particulier de celles qui envisagent un voyage dans cette ville. La bibliographie abondante présentée en fin de volume permet dailleurs de prendre conscience de limportance des débats actuels et par conséquence de leffort de synthèse effectué par lauteur.
Les problèmes de localisation des divers monuments, certes souvent épineux, sont accompagnés dune réflexion sur leur fonctionnalité, mais surtout sur leur rôle dans une politique de propagande qui vise à relayer et à diffuser un certain nombre de valeurs. Tant leur structure que leur programme décoratif peuvent être analysés de ce point de vue. Bien évidemment, lidéologie qui veut être ainsi imposée varie selon les périodes envisagées et les membres des grandes familles républicaines nont pas les mêmes préoccupations que les empereurs, de même que la politique de Néron na pas grand chose à voir avec celle de Trajan, par exemple.
Cette volonté de distinguer les différentes variations des programmes monumentaux en fonction des thèmes mis en valeur amène logiquement lauteur à adopter un plan résolument chronologique. Après un premier chapitre consacré au IIe siècle avant J.-C., qui insiste sur les éléments de renouveau liés aux victoires de certains généraux (arcs, temples ex voto, portiques), Nathalie de Chaisemartin analyse les répercussions des crises de la fin de la République et la quête du pouvoir par les imperatores, qui se livrent à une surenchère dans loccupation de lespace urbain et la manipulation de lopinion. Le programme monumental de Pompée, avec son ensemble théâtre-portique, fait ainsi lobjet dune analyse serrée. Les chapitres suivants sont centrés sur la figure dun personnage de premier plan : dabord César (chapitre 3), ses grandioses projets durbanisme et son forum, puis Auguste (chapitre 4), qui consacre son attention à la restauration et à la construction de temples, ainsi quà la transformation du centre civique. Les idées-forces du princeps sont diffusées par le biais de thèmes simples et aisément compréhensibles, que lon retrouve dans tout lempire, comme la victoire et le retour à lordre. Par la suite, luvre de deux dynasties, les Julio-Claudiens et les Flaviens, fait lobjet de deux chapitres, qui montrent à la fois lévolution et la diffusion de limage impériale, ainsi que les attitudes divergentes des empereurs par rapport au modèle augustéen : contestation de la part de Caligula ou de Néron, imitation qui savère en fait un détournement, voire une perversion, de la part de Domitien. Enfin, les derniers chapitres présentent successivement luvre de Trajan, avec un accent particulier sur son forum, et celle dHadrien, en insistant sur lambiguïté de son rapport avec Rome.
Cet ouvrage présente donc une étude fort bien informée sur les dernières tendances de la recherche, présentée de façon claire et synthétique, et rendra sans doute de grands services. On peut néanmoins relever quelques confusions : ainsi, lauteur semble ne pas faire de distinction entre les patriciens et les nobles (p.54-55), alors que ces deux termes ne sont pas synonymes. Par ailleurs, le lecteur regrette parfois que tel portrait, commenté dans le texte, ne soit pas reproduit en illustration (ainsi, le portrait du Louvre décrit p.60-61, ou les reliefs de la Chancellerie, abondamment commentés p.185-186), et plus largement que lillustration ne soit pas de meilleure qualité pour un ouvrage centré sur liconographie, mais il est très vraisemblable que la responsabilité en incombe à des contraintes éditoriales.
Agnès Bérenger-Badel ( Mis en ligne le 08/03/2004 ) Imprimer
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