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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
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Absolument pas comme nous | | | John-R Clarke Le Sexe à Rome La Martinière 2004 / 35 € - 229.25 ffr. / 168 pages ISBN : 2-7324-3118-4 FORMAT : 23x28 cm
L'auteur du compte rendu: Michel Blonski, agrégé d'Histoire, travaille en doctorat sous la direction du professeur François Hinard, à l'université de Paris IV, sur les problèmes du rapport au corps dans la civilisation romaine. Imprimer
Dans ce livre généreusement illustré, traduction de son ouvrage Roman Sex, John R. Clarke cherche à relever le pari de la compréhension des pratiques romaines du sexe, à travers un commentaire appuyé de nombreuses références iconographiques. Comme il le précise avec raison, ces références éléments de céramique, fresques, sculptures, entre autres nont pas été assez étudiées dans leur contexte, et souvent seulement pour elles-mêmes ; de plus, leur examen doit être délivré des tabous hérités dune longue pudibonderie.
Lauteur soriente ainsi vers une analyse de la signification des images que nous appellerions pornographiques ainsi les fameuses fresques campaniennes à connotation sexuelle explicite et chasse un certain nombre de lieux communs, quune longue habitude a fini par graver dans lesprit du grand public. La présence dune fresque érotique dans une maison particulière ne signifie pas forcément quil sagit dun lupanar ; sa vision na rien de choquant en soi ; la présence de nombreux signes phalliques, aux carrefours, dans les thermes, sur les façades, ne doit pas être interprétée comme une obsession sexuelle particulière, mais comme le rappel de signes apotropaïques.
De la même manière, lauteur, sil rappelle que les Romains ne connaissaient pas les tabous judéo-chrétiens liés au sexe et pour cause , nen conclut pas à labsence de tabous dans labsolu. Ainsi de lexemple de la distinction hétéro- et homosexualité, dont nous faisons une pierre de touche de la sexualité contemporaine. Cette distinction nexiste pas, ou moins, en tant que telle à Rome ; un homme homosexuel nest pas nécessairement décrié. Mais il ne faut pas en conclure que lorientation de la sexualité est totalement libre. Ce qui compte pour lhomme, cest que laspect «actif» de sa sexualité ne soit jamais remis en question. Sil se met au service dune femme, sil se donne à un autre homme, il se dégrade ; aussi la pratique de la sexualité (que nous considérerions comme machiste) saccompagne dune hiérarchie des statuts sociaux (lhomme libre nest pas passif, ne se livre pas à des complaisances buccales ; mais laffranchi, lesclave, le font, pour ainsi dire par nature). La conscience du sexe, si elle nest pas sous lemprise du poids du péché, napparaît donc pas pour autant «libérée».
Ces justes constatations si elles napportent rien en soi de très novateur sont cependant contrebalancées par des défauts dapproche et dinterprétation. Passons sur quelques formules un peu journalistiques(«le féminisme» antique). Le principal problème soulevé par la lecture de cet ouvrage vient de ce que son auteur ne remplit pas exactement la tâche quil sest assignée : voulant replacer les images dans leur contexte, il les étudie seules, avec une comparaison textuelle minimale (quoique non inexistante), et sous-entend trop souvent des commentaires peu fondés (telle image est «gracieuse», ou fait une illustration «gracieuse» de réalités «sordides»). Lapproche semble trop fondée sur liconographie seule ; et même en en restant là, elle fait abstraction de discussions souvent importantes. Par exemple, le traitement réservé à la fameuse fresque de la Villa des Mystères, est dépassé sur bien des points (il nest pas certain quon y voie une «femme fouettée») ; lauteur fait comme sil ny avait quune lecture à en tirer ; les opinions diverses sont admissibles, mais alors pourquoi ne dire aucun mot des autres interprétations de cette uvre majeure, qui suscite toujours un débat intense ?
Autre contrariété : peu de renseignements sont donnés sur lévolution des pratiques sexuelles tout au long du temps. On fait comme si la sexualité du temps de Plaute était la même quà lépoque de Marc-Aurèle. Or cela nest pas du tout évident, et il est possible de retrouver des différences majeures pendant toute la période (tendance à une universalisation de la morale sexuelle, elle-même devenue plus stricte, au Ier et surtout au IIe siècle ap. J.-C., avant même larrivée du christianisme).
Il faut noter encore des erreurs portant sur la qualification des comportements ; pour prendre un exemple : lauteur admet comme chose évidente lacceptation de la passion, sinon sa valorisation. Ce nest pas si sûr - la pensée antique récuse la passion, en tant quelle rend sa victime esclave de ses impulsions, et non dirigée par sa pensée et le souci de ses concitoyens. Il admet la pratique sexuelle comme quelque chose de normal et qui ne pose pas de problème de conscience aux Romains. Mais il faudrait dire que la critique de la débauche existe, quoique nétant pas celle quon croit : en blâmant les dérèglements, on réprouve ce qui ne correspond pas à lidéal du citoyen dévoué en premier lieu à sa communauté. Donc il est insuffisant de parler dune sexualité pratiquée en toute simplicité et approuvée en tant que telle. Evitons encore (mais on retrouve ici le côté journalistique) les termes tels que «romantisme», qui nont pas leur place ici. On passera enfin sur quelques erreurs simples (ce nest pas Constantin qui a fait du christianisme la religion officielle de lEmpire).
Ne boudons cependant pas notre plaisir : on pourra feuilleter un livre clair, comportant de belles illustrations, dont certaines, du point de vue contemporain, seront en fait assez charmantes et non aussi scabreuses que la tradition a voulu le faire croire
et que le grand public utilisera malgré tout avec profit, pour en finir avec cette image très «Pierre Louÿs» que la suite des temps a accolée à la sexualité romaine.
Michel Blonski ( Mis en ligne le 23/04/2004 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Les Bas-fonds de l'Antiquité de Catherine Salles L'élégie érotique romaine de Paul Veyne A RECYCLER de Florence Dupont , Thierry Eloi | | |
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