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Histoire & Sciences sociales  ->  Antiquité & préhistoire  
 

Empire perçu, Cité vécue
John Ma   Antiochos III et les cités de l'Asie Mineure occidentale
Les Belles Lettres - Histoire 2004 /  35 € - 229.25 ffr. / 470 pages
ISBN : 2-251-38067-1
FORMAT : 16x23 cm

L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de l’I.E.P. de Toulouse, est titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne (mémoire sur Les représentations du féminin dans les poèmes d’Hésiode) et d’un DEA de Sciences des Religions à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (mémoire sur Les Nymphes dans la Périégèse de la Grèce de Pausanias). Ancien élève de l’Institut Régional d’Administration de Bastia, il est actuellement professeur d’histoire-géographie.
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«Il était une fois un roi, nommé Antiochos le Grand…». Début d’un conte de fées ? Il n’en est rien, bien au contraire. Il s’agit tout simplement, comme nous le rapporte Appien (Syr. 37), de l’adage qui courut après la bataille de Magnésie, qui mit fin aux rêves de gloire du souverain séleucide Antiochos III. La formule résume en fait la relégation de l’Asie Mineure séleucide dans les greniers de l’histoire.

L’américain John Ma rappelle ce triste constat dans l’ouvrage dense et érudit qu’il consacre au roi Antiochos III et à ses rapports avec les cités de l’Asie Mineure occidentale. L’ouvrage n’est pas une biographie et ne couvre pas tous les aspects du règne de cette intéressante figure historique. Il se concentre plutôt sur une région et sur un thème particuliers : la relation entre, d’une part, un empire hellénistique, avec ses structures de contrôle et d’exploitation, et, d’autre part, la polis hellénistique.

D’origine chinoise, élevé à Genève, l’auteur a été l’un des plus jeunes professeurs assistants d’études classiques à l’université de Princeton. Il est actuellement Fellow and Tutor en histoire ancienne à Corpus Christi College, à Oxford, et nous offre ici une version révisée et augmentée de son travail de thèse. Son étude s’appuie sur des sources littéraires (Polybe, Tite-Live…) mais surtout sur un important corpus épigraphique, dont les inscriptions les plus utiles sont reproduites et traduites en annexe (49 documents). Les notes, regroupées à la fin, mentionnent les recherches les plus récentes, et plusieurs index permettent de retrouver facilement la mention d’une source littéraire ou d’un document du dossier épigraphique. On trouve encore sept appendices et des «réflexions complémentaires» ajoutées par l’auteur à l’occasion de la réédition de l’ouvrage.

Les cités d’Asie Mineure auxquelles s’intéresse John Ma regroupent des communautés de dimensions fort différentes : à un bout de l’échelle, de grandes, anciennes et prospères cités comme Milet et Mylasa ; à l’autre bout, de petites communautés reculées. Il faut en effet étendre la catégorie jusqu’aux communautés qui avaient adopté la langue et les formes grecques de la vie civile (une assemblée décisionnaire, un conseil, des magistrats). On trouve encore les communautés fondées ou rebaptisées par les rois, ainsi que des localités de garnison. La documentation épigraphique, déjà riche, s’accroît chaque année au gré des découvertes et des publications.

L’ouvrage est construit comme une série d’études thématiques, qui se développent autour d’un motif commun : la confrontation entre Antiochos III et les cités de l’Asie Mineure occidentale. Le premier chapitre analyse le passé séleucide en Asie Mineure, largement reconstruit par la propagande royale. C’est l’occasion de préciser les composantes géographiques et politiques de l’Asie Mineure. Le chapitre 2 développe une histoire narrative, avec le récit de la conquête (présentée comme une reconquête) de l’Asie Mineure aux IIIe et IIe siècles av. J.-C. Le troisième chapitre s’attache à explorer les structures, réelles (administratives et fiscales) ou idéologiques, du pouvoir impérial. Il présente également une typologie des statuts des cités, qui va de l’autonomie à la sujétion, en passant par les cités juridiquement soumises au roi, mais qui ne se trouvent pas intégrées dans la terre royale. Le quatrième et dernier chapitre envisage l’exercice du pouvoir comme une interaction entre gouvernants et gouvernés, qui se manifeste essentiellement par le discours stéréotypé des lettres royales et des décrets civiques. L’évergétisme est ainsi conçu comme un langage et un instrument politique.
Chaque chapitre utilise les mêmes sources de manière différente, suivant son propre angle d’approche. Néanmoins, cette variété ne mène pas à des interprétations divergentes ou contradictoires, mais plutôt complémentaires : elle reflète les différentes façons de comprendre le même matériau documentaire et de l’exposer.

La conclusion vise à définir l’époque hellénistique comme un âge où les cités, loin d’être tuées par le développement des empires et des monarchies, demeurent importantes. John Ma livre donc une appréciation nuancée de la relation entre le roi et la polis, en attirant l’attention sur le pouvoir des empires hellénistiques, la capacité du langage politique à modifier les relations de pouvoir, et les efforts de la polis hellénistique pour préserver son sens de l’identité et son honneur civique, si ce n’est son indépendance politique. En face des ressources matérielles et de la puissance idéologique d’un empire hellénistique, les cités n’étaient donc pas dépourvues de pouvoir et de dignité.

Dans ses «réflexions complémentaires», l’auteur regrette de ne pas avoir traité les deux domaines de l’histoire de l’art (mais il n’y a guère d’images conservées d’Antiochos III, même si les sources littéraires et surtout épigraphiques y font référence) et de la numismatique (la monnaie pouvant apparaître comme un indice du degré d’autonomie des communautés civiques). Il reste néanmoins que l’ouvrage permet d’aborder deux vues perspectives du monde hellénistique, différentes et cependant complémentaires : vu d’en haut, comme le récit guerrier d’une conquête et, concomitamment, l’histoire d’un empire ; vu d’en bas, comme une histoire des communautés locales, dont la diversité eut une influence sur les vicissitudes de la haute politique. L’étude d’Antiochos III et de ses relations avec les cités de l’Asie Mineure occidentale est donc aussi un exercice et une réflexion sur les problèmes que pose l’écriture de l’histoire quand il s’agit de l’époque hellénistique.


Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 14/12/2004 )
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