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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| Stéphane Benoist Rome, le prince et la Cité PUF - Le noeud gordien 2005 / 32 € - 209.6 ffr. / 391 pages ISBN : 2-13-053909-2 FORMAT : 15x22 cm
L'auteur du compte rendu : Agnès Bérenger-Badel, maître de conférences d'histoire romaine à l'Université de Paris Sorbonne (Paris IV), est une spécialiste de lhistoire politique et administrative de la Rome impériale. Elle a rédigé plusieurs ouvrages liés au programme de l'agrégation et du CAPES (dont L'Empire romain au IIIe siècle après J.-C., Textes et documents, SEDES, 1998, et Rome, ville et capitale, de César à la fin des Antonins, Paris, Hachette, 2002). Imprimer
Ce livre est la version remaniée dun mémoire présenté en 2001 par son auteur pour obtenir lHabilitation à diriger des recherches. Il a pour ambition danalyser le rôle des grandes cérémonies publiques dans les rapports entre lempereur et la cité de Rome, par le biais dune étude qui embrasse une vaste période chronologique, de lépoque dAuguste à celle de Constantin, soit près de trois siècles et demi.
Louvrage est divisé en deux grandes parties, baptisées «étapes», dont la première, «Reconnaître le prince», examine deux types de cérémonies mettant en scène le prince, ladventus, ou entrée solennelle, et le funus, funérailles impériales. Dans la deuxième étape, intitulée «Identifier le prince», létude porte sur la cérémonie du triomphe et sur les jeux séculaires et jubilés de la ville de Rome.
Après avoir présenté une genèse de ladventus en recherchant ses antécédents à lépoque républicaine, Stéphane Benoist examine successivement les diverses attestations dadventus à Rome afin de dégager les étapes de la mise en place et de lévolution de cette cérémonie et de préciser les rapports entre légitimité et adventus. La sacralisation progressive, au cours du IIIe siècle, de la fonction impériale confère une nouvelle dimension à la cérémonie, qui devient une véritable épiphanie du prince dont les apparitions publiques sont de plus en plus rares. À lépoque de Constantin, ladventus est devenu une célébration liée à la personne du prince et il peut commémorer son accession au pouvoir. Les liens avec la ville de Rome tendent alors à disparaître.
Les funérailles impériales, dont les origines remontent aux funérailles nobiliaires sous la République, sont ensuite étudiées par le biais de lanalyse des cérémonies décrites par des sources littéraires (Auguste, Pertinax et Septime Sévère). Sous les Julio-Claudiens, la distinction entre les funérailles proprement dites et la divinisation de lempereur défunt, la consecratio, est encore très nette et cette dernière na pas encore de traduction rituelle précise. Par la suite se met en place un rituel calqué sur le modèle des funérailles. Selon lauteur, il y a donc dualité des cérémonies, avec le funus, de nature essentiellement privée, qui sachève par lensevelissement du cadavre ou le dépôt de ses cendres dans le mausolée impérial, et qui est suivi par la consecratio qui prendrait la forme dun funus, détaché des pratiques funéraires strictes. Ces deux types de cérémonies permettent à lempereur de sapproprier lespace urbain.
La célébration du triomphe, qui fait lobjet des chapitres suivants, est aussi envisagée dans son évolution chronologique. Lauteur souligne à la fois la permanence des procédures républicaines et lappropriation de la victoire par le prince, victoire qui se présente désormais comme perpétuelle. La célébration des triomphes diminue au profit de celle de ladventus, qui se pare de couleurs triomphales. Or ladventus nest pas lié à la ville de Rome comme lest le triomphe, et peut se dérouler dans dautres cités de lempire, ce qui souligne labandon progressif de la capitale. À partir du moment, daté du règne de Sévère Alexandre, où les salutations impériales sont renouvelées chaque année, le lien entre la salutation impériale et la célébration du triomphe se distend et tend à disparaître.
Lauteur analyse ensuite les célébrations des Jeux séculaires, sous Auguste, Domitien et Septime Sévère, et insiste sur les modifications introduites en 17 av. J.-C. dans le rituel archaïque par Auguste, qui ajoute des rituels diurnes aux rituels nocturnes antérieurs. En ce qui concerne les cérémonies célébrées en 47 ap. J.-C., sous le principat de Claude, Stéphane Benoist tranche en faveur dun rituel séculaire, mais organisé sur la base dun calcul de type jubilaire, et pense donc quil ne sagit pas là de la célébration dun anniversaire de la fondation de Rome. Létude porte ensuite sur les cérémonies jubilaires célébrées respectivement par Antonin et Philippe lArabe et insiste sur la place centrale dans la cérémonie du temple de Vénus et de Rome construit par Hadrien, concluant au glissement de cérémonies qui commémorent la cité à des célébrations exaltant le régime impérial. La proclamation de léternité place lempereur au centre de ce renouvellement des temps, lié à laccord entre les hommes et dieux et garanti par les vertus de lempereur. Lidentification du prince et de sa cité saffirme de plus en plus précisément et léternité de Rome devient éternité dAuguste, tandis que le prince se présente comme le refondateur perpétuel de Rome et de lempire. Le thème de léternité glisse des empereurs morts et divinisés aux empereurs vivants, dans la première moitié du IIIe siècle de notre ère. Lempereur finit par apparaître comme le «perpétuel triomphateur».
Lauteur ne se prive pas denfoncer des portes ouvertes. Pour donner un exemple, quand on lit «jai relevé, dès les premières années du règne dAuguste, la disparition des triomphes des généraux vainqueurs qui combattent désormais sous les auspices supérieurs du prince» (p.343), on ne peut sempêcher de remarquer que cette affirmation se retrouve désormais dans tous les manuels généraux et quil ny a donc là rien de très original. Cest une impression que le lecteur ressent à maintes reprises en parcourant cet ouvrage. On sinterroge également sur le public qui est ici visé : sil sagit détudiants ou dun public cultivé, il aurait été judicieux dexpliciter certaines allusions qui risquent de dérouter des non-spécialistes (par exemple, p.126, les centuries destinatrices). Si lauteur sadresse à des spécialistes dhistoire ancienne, certains développements sur des faits ou des notions bien connus peuvent sembler superflus. Enfin, le style, dont la limpidité et la simplicité ne sont pas les caractéristiques essentielles, naide pas à suivre dans toutes ses subtilités les raisonnements de lauteur, qui nemportent dailleurs pas toujours la conviction. En définitive, lensemble du livre ne paraît pas à la hauteur des ambitions affichées.
Agnès Bérenger-Badel ( Mis en ligne le 23/05/2005 ) Imprimer
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