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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
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Un numéro des Sources Chrétiennes exemplaire | | | Cyprien de Carthage L'Unité de l'Eglise Cerf - Sources chrétiennes 2006 / 34 € - 222.7 ffr. / 334 pages ISBN : 2-204-08132-9 FORMAT : 13,0cm x 19,5cm
L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé dhistoire ; il est actuellement allocataire-moniteur à lUniversité de Nice Sophia-Antipolis, où il prépare une thèse en histoire médiévale sur «les fondements bibliques du discours ecclésiastique sur riches et pauvres aux XII-XIIIe siècles». Imprimer
Les Sources Chrétiennes ont visiblement voulu faire de leur 500e numéro un volume exemplaire et presque un manifeste. Le choix du titre LUnité de lÉglise de Cyprien est déjà à lui seul symbolique et audacieux. Symbolique car il vient rappeler le premier centre dintérêt des fondateurs de cette collection les Pères Fontoynont, de Lubac et Danielou , qui visaient un renouveau de lÉglise. Symbolique aussi par laccent mis sur lunité : même si les Sources Chrétiennes ont été fondées par des catholiques, elles ont dès lorigine eu pour intention de dépasser les clivages confessionnels et doffrir éventuellement un lieu de dialogue oecuménique.
Mais de ce point de vue, le choix de ce texte de Cyprien est particulièrement audacieux ! Tout dabord parce que, dès son époque, Cyprien a été contesté. En effet, son élection au siège dévêque de Carthage, vers 249, a déplu à une partie du clergé qui provoqua un schisme alors que Cyprien préférait se cacher pour éviter les persécutions. Au même moment un autre schisme apparaissait à Rome. LUnité de lÉglise est donc un texte polémique, par lequel Cyprien entend défendre sa position. Malgré ce que pourrait laisser accroire le titre retenu, ce nest donc absolument pas un traité ecclésiologique écrit dans la sérénité. Mais surtout, la réception de ce texte a été objet de polémiques, notamment entre protestants et catholiques. En effet, le chapitre 4, qui est un passage crucial de luvre, a été transmis en deux versions différentes qui peuvent modifier radicalement la conception ecclésiologique : alors que lune semble affirmer la primatie romaine, lautre marque davantage lindépendance des évêques. Dès lors il est facile dimaginer les interminables débats qui ont fait de ce texte un facteur de discorde plus que dunité.
Toutefois, le choix dun tel texte sujet à polémique vient conforter les postulats méthodologiques des Sources Chrétiennes, et manifeste lintérêt de cette entreprise. En effet, dès sa fondation, cette collection a pris le parti de la rigueur scientifique, ce qui permet justement de dépasser les polémiques. Le texte de Cyprien, qui est relativement court, est entouré dun paratexte dune très grande richesse. Dabord il saccompagne dun apparat de «notes critiques» et «notes complémentaires» qui permettent den approfondir létude, et de replacer les notions clés développées dans le contexte de lensemble des oeuvres de lévêque de Carthage. Ensuite on peut noter la présence dun recueil de testimonia, c'est-à-dire de citations de cette oeuvre par des auteurs postérieurs, instrument de travail quil est rare de trouver dans ce type de publications. Mais surtout, comme cela est habituel dans cette collection, lédition est précédée dune longue introduction, due en loccurrence à Paul Mattei et Paolo Siniscalco, qui replace le texte dans son contexte historique, en présente une analyse littéraire, puis théologique, et traite bien sûr du problème de la double rédaction du chapitre 4. Les éditeurs ont fait le choix de reprendre le texte latin du Corpus Christianorum, mais après avoir relu les principaux manuscrits. Quant au chapitre 4, l'ouvrage donne en parallèle, sur deux colonnes, les deux textes. Globalement cette édition montre bien le souci de dépasser les querelles en replaçant loeuvre dans sa dimension historique, et en questionnant le sens des mots à lépoque de la rédaction.
Ce 500e volume fournit donc une édition en tous points exemplaire, fondée sur la rigueur scientifique, et le croisement des approches. Il en ressort une publication susceptible dintéresser certes théologiens et ecclésiastiques comme le souligne dailleurs le choix de faire préfacer le livre par un évêque mais aussi les historiens ou les spécialistes de littérature.
Emmanuel Bain ( Mis en ligne le 04/10/2006 ) Imprimer | | |
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