| Laure de Chantal Panthéon en poche - Dieux et déesses de l'Antiquité Les Belles Lettres - Signets 2007 / 13 € - 85.15 ffr. / 352 pages ISBN : 978-2-251-03001-2 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Les éditions Les Belles Lettres lancent une nouvelle collection de poche, «Signets», dont le premier titre est consacré aux dieux et déesses de lAntiquité. Il sagit en fait dun recueil de textes réunis et présentés par Laure de Chantal, précédé dun entretien avec Pierre Brunel, professeur de littérature comparée à lUniversité Paris-Sorbonne Paris IV, qui précise les notions de panthéon et de mythe (bien que son acception de la mythologie comme «discours dans lequel le divin et la divinité sont présents» (p.VIII) soit un peu restrictive ; ainsi, il névoque pas lidée dun discours sur lorigine qui semble toujours présent dans le mythe).
La première partie, «La naissance du monde», nous met en présence des dieux des origines. La Théogonie dHésiode (vers 700 av. J.-C.) est aussi une cosmogonie, car les premiers dieux se confondent souvent avec des réalités physiques (La Terre, la Nuit, le Ciel, le Flot marin, les Montagnes
). La Terre, Gaïa, a aussi été chantée dans un hymne homérique comme la «mère universelle aux solides assises, aïeule vénérable qui nourrit sur son sol tout ce qui existe». Mais il existait aussi dautres versions de la naissance du monde, notamment chez les Orphiques (Aristophane en donne une parodie dans Les Oiseaux), les Pythagoriciens ou les philosophes. Ainsi, pour Platon (Timée), cest un Démiurge (en grec : artisan, ouvrier), divinité unique, qui a façonné lunivers. Pour Lucrèce (De la Nature), héritier de Démocrite, au contraire, le monde sest constitué sans intervention divine, par une combinaison physique datomes. Sont ensuite présentées quelques divinités apparues avant la naissance de Zeus : Aphrodite (assimilée à la Vénus des Romains, née du sperme issu du sexe tranché dOuranos tombé dans la mer) ; Eros (le Cupidon des Romains, puissance originelle comme Chaos et Gaïa chez Hésiode, considéré plus tard comme le fils dExpédient et Pauvreté par Platon dans Le Banquet, et plus généralement comme celui dAphrodite-Vénus, par exemple dans le célèbre conte dAmour et Psyché raconté par Apulée dans LÂne dor) ; les Erinyes (Furies), déesses de la vengeance nées du sang dOuranos mutilé tombé sur la terre ; Iris (déesse de larc-en-ciel, messagère des dieux) ; Hécate (déesse ancienne aux multiples attributions qui sintègre à lordre olympien chez Hésiode, devenant ensuite une puissance inquiétante liée aux carrefours, à la magie et aux apparitions nocturnes), et pour finir les enfants du Ciel (Titans, Cent-Bras et Cyclopes) et quelques-uns de leurs descendants, notamment Prométhée, bienfaiteur (et créateur selon certaines versions) des hommes. Les textes suivants évoquent la mise en place de lordre de Zeus, à travers léviction de son père Cronos et la victoire sur les Titans rebellés.
La deuxième partie, «Le domaine des dieux», présente dabord lorganisation du séjour des Immortels, lOlympe, lieu de réunion des dieux dès lIliade. Par comparaison aux mondes marins et souterrains (apanages respectifs de Poséidon et dHadès, les frères de Zeus), les descriptions en sont rares (la plus précise ne date que du Ier siècle de notre ère ; il sagit dun passage de la Thébaïde de Stace). Elles interviennent à loccasion des grandes cérémonies, des conseils, des banquets, des assemblées ou des mariages, où Zeus réunit les siens. Il nest même pas sûr que lOlympe se confonde avec la montagne du nord-est de la Grèce qui porte ce nom, car ce domaine semble être au-dessus de toutes les montagnes, sorte de hauteur surplombant le monde, doù les dieux peuvent observer à loisir les humains. Mais des dieux habitent aussi les fonds marins, comme Nérée et ses filles. Dautres ont les Enfers pour séjour : Hadès (Pluton), Perséphone (Proserpine), Charon, Cerbère, ou les fleuves infernaux comme Achéron ou Styx.
La troisième partie présente les principaux dieux Olympiens : Zeus (Jupiter), le roi des dieux ; ses frères Poséidon (Neptune) et Hadès (Pluton) ; son épouse (et sur) Héra (Junon) ; ses surs Déméter (Cérès) et Hestia (Vesta) ; ses enfants Athéna (Minerve), les Moires (Parques), les Muses, Héphaïstos (Vulcain ou Mulciber), Arès (Mars), Apollon, Artémis (Diane), Hermès (Mercure), Dionysos (Bacchus) et Perséphone (Proserpine), sans oublier sa maîtresse Létô (Latone). La quatrième partie, «Les dieux dici-bas», traite des divinités des bois (Pan, les Nymphes, Silène(s), les Satyres, Priape
) et, de manière plus inattendue, de quelques divinités spécifiquement latines : le bicéphale Janus et les Mânes (âmes des ancêtres). On aurait pu en mentionner bien dautres : Palès (divinité des troupeaux), les Lares ou les Pénates, pour ne citer que les plus connus.
La cinquième partie donne quelques exemples de relations entre les dieux et les hommes : visite dun Songe à Agamemnon (Iliade) ; apparition des trois déesses Héra, Athéna et Aphrodite à un jeune prince berger troyen (le célèbre Jugement de Pâris, décrit notamment dans LEnlèvement dHélène de Collouthos, uvre tardive peu connue du VIe siècle ap. J.-C.) ; invocation dHécate par une jeune femme avide de reconquérir son amant (Idylle 2 de Théocrite). La dernière partie, «La fin des dieux ?», nuance la portée du discours mythique, en soulignant que tous les degrés de croyance et dincroyance se retrouvaient chez les Anciens. Ainsi, lépicurien Lucrèce, sans nier lexistence des dieux, les retranche du monde des mortels (ils existent, mais ne se soucient pas des hommes). Les mythes où ils interviennent sont en fait à interpréter dans un sens symbolique. Lucien donne souvent une image ironique et volontiers ridicule des dieux. Trop humains dans leurs attitudes, ils feraient mieux de se conduire de manière plus divine, sous peine de se retrouver sans adorateurs, comme le suggère Momos (le Sarcasme) dans Zeus tragédien. Plutarque, dans le dialogue Sur la disparition des oracles, raconte comment le brillant sanctuaire de Delphes tombe peu à peu en désuétude.
Louvrage présente lintérêt doffrir un accès direct aux textes (on pourra regretter quils ne soient pas bilingues, mais on peut toujours se reporter aux volumes de la Collection des Universités de France ou de la Collection «Classiques en Poche»). On trouve, à la fin, des notices biographiques sur les différents auteurs anciens dont les textes ont été mobilisés, un tableau synthétique et très classique des Olympiens (avec leurs fonctions, symboles et attributs, sanctuaires et lieux de culte), une courte bibliographie (deux pages) pour aller plus loin, et un index des auteurs et des uvres.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 11/01/2008 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Mythes de la Grèce archaïque de Timothy Gantz | | |