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Histoire & Sciences sociales -> Moyen-Age |
| Eric Jager Le Dernier duel - Paris, 29 décembre 1386 Flammarion - Au fil de l'histoire 2010 / 21 € - 137.55 ffr. / 312 pages ISBN : 978-2-08-123111-5 FORMAT : 13,6cm x 21cm
Traduction de Laurent Bury
L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat est agrégé d'histoire. Enseignant dans le secondaire, il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
Le 29 décembre 1386, en présence du roi de France Charles VI, Jean de Carrouges affronte en duel Jacques Le Gris quil accuse davoir violé sa femme Marguerite. Si lacte est aussi la conclusion dune longue rivalité qui oppose les deux nobles normands depuis plusieurs années pour la faveur de leur suzerain commun, il est aussi le dernier duel judiciaire autorisé par le parlement de Paris, comme le rappelle une citation de Jean-Alexandre Buchon en exergue dune édition des chroniques de Froissart, justement citée par Eric Jager
Il est malheureux que ce dernier nait pas compris que limportant dans la remarque de léditeur de Froissart nétait pas que ce fut le dernier duel, sous-entendu judiciaire, mais que ce fut la dernière fois que le parlement de Paris prit une telle décision. Par la suite, signe des progrès du pouvoir royal, cest le roi de France qui accorde la possibilité à deux hommes de régler par les armes plutôt que dans le prétoire ; il est vrai que ce dernier lieu nest pas jugé digne par la culture nobiliaire pour y résoudre les affaires dhonneur. Le 10 juillet 1547, les sires de la Châtaigneraie et Guy Chabot vident par les armes leur querelle de diffamation : ce qui reste un appel à une justice providentielle et cest bien ce à quoi ressemble le coup de Jarnac de 1547.
Quun professeur, spécialiste de littérature médiévale, appartenant au département danglais de la prestigieuse Université de Californie, Los Angeles, ne connaisse pas le coup de Jarnac, nest pas gênant en soi, même sil cite plusieurs duels judiciaires postérieurs tenus hors de la juridiction du parlement de Paris (p.242). Ce qui lest davantage est quil ne tire pas de conclusions de laffaire quil a choisi de reconstruire. En effet, si la méthode suivie par Eric Jager pour récolter des informations sur le duel Carrouges-Le Gris est une démarche tout à fait historienne, comme le prouvent les notes de fin, la restitution ne sinscrit pas dans le même esprit : tout en sappuyant sur les sources parfois très précises, lauteur explique quil a utilisé son imagination pour combler certaines lacunes quand les documents sont muets.
Le résultat est un récit bâtard à mi-chemin entre lhistoire et le roman historique. Eric Jager multiplie les présomptions quil tend souvent, au nom de la probabilité, à considérer comme étant la véracité historique, une pratique ponctuelle chez les historiens qui savent quil ne faut pas en abuser, surtout quand elle ne sert quà donner du corps au récit en casant des informations qui ne lui apportent rien, comme dans la relation du mariage de Carrouges (p.44). Il en va de même quand sont ajoutées des digressions sur lhistoire de lépoque à linstar de lexpédition de Jean de Vienne en Ecosse et en Angleterre à laquelle participe Carrouges, racontée sur plusieurs pages sans que pour autant elle contribue à laffaire.
Eric Jager fait uvre romanesque quand il étoffe son propos par la relation des allées et venues des protagonistes dans la campagne normande en décrivant tant le chemin suivi que létat de celui-ci et de la nature qui lentoure en fonction de la saison. Pour autant, il ne verse jamais tout à fait dans le roman alors quil dispose dune trame qui figurerait, avec du travail, sans déroger aux côtés dautres romans médiévaux. Le roman est un rubicond que nombre dhistoriens ont déjà franchi sans avoir à en rougir dans des genres très divers à limage dun Alessandro Barbero ou dun Paul C. Harding.
Justement, il manque au livre dEric Jager un Hugh Corbett ou un frère Athelstan. Même s'il est luvre dun passionné du Moyen Age, francophile, compétent en paléographie médiévale qui plus est, ce qui nest pas rien, Le Dernier duel rate ce quil aurait pu être : une étude sur les mentalités de la noblesse médiévale ou un roman policier digne de figurer dans la collection de poche «Grands détectives» fondée par Jean-Claude Zylberstein.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 18/05/2010 ) Imprimer | | |
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