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Droit et justice
Jean Hilaire   La Construction de l'Etat de droit - Dans les archives judiciaires de la cour de France au XIIIe siècle
Dalloz - L'esprit du droit 2011 /  40 € - 262 ffr. / 355 pages
ISBN : 978-2-247-10337-9
FORMAT : 16cm x 24cm

L'auteur du compte rendu : Juriste de formation, Monique Morgat-Bonnet est ingénieur au CNRS (Centre d'étude d'histoire juridique) où elle travaille dans les archives du Parlement médiéval. Elle a notamment publié : De Paris à Poitiers, dix-huit années d'exil du Parlement au début du XVe siècle (1418-1436), dans Le Parlement en exil ou Histoire politique et judiciaire des translations du Parlement de Paris (XVe-XVIIIe siècle), Paris, Honoré Champion, 2007, pp.119-300.

A signaler également le recueil d'articles : Le Parlement en sa Cour. Etudes en l'honneur du Professeur Jean Hilaire (textes réunis par Olivier Descamps, Françoise Hildesheimer, Monique Morgat-Bonnet), Paris, Honoré Champion, 2012, 618 p., 75€.

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Qui, mieux que Jean Hilaire, pouvait entraîner son lecteur avec science et passion à la découverte du Moyen Âge à travers les Olim, ces premiers registres du Parlement de Paris, désignés par le premier mot de l'un d'entre eux ?

Professeur émérite à l'université de Paris II, Jean Hilaire a été directeur d'un Centre de recherche du CNRS, le Centre d'Étude d'Histoire Juridique, qui a pour objectif scientifique l'exploration des archives du Parlement. Au cours de ces années, il a analysé plus particulièrement les quatre premiers registres de la cour, dits Olim, (1254-1318) dont les actes ont été édités au XIXe siècle. Il en a opéré une indexation juridique et historique (en ligne sur le site : ihd.cnrs.fr).

À partir de cette immersion dans les premières archives judiciaires de la Cour suprême, il nous livre aujourd'hui une étude de synthèse de ces quelques 4600 actes judiciaires passés au crible de son érudition juridique, de l'époque de saint Louis à Philippe V Le Long et, au fil de ses analyses, il s'attache à brosser un tableau très vivant de la société médiévale, de son droit et de ses institutions.

Son ouvrage La Construction de l'État de droit dans les archives judiciaires nous plonge au coeur des premières archives de la Cour suprême de justice de la royauté, le Parlement, à une époque stratégique de l'histoire du royaume, le règne de saint Louis. Joinville a popularisé l'image allégorique du roi exerçant son office de justice sous un chêne à Vincennes ; Jean Hilaire nous démontre que cette représentation médiévale du roi justicier, loin d'être mythique, s'ancrait bien dans le réel.

C'est l'écriture sur rouleaux, puis sur registres de parchemin des arrêts de la Cour par les premiers greffiers à partir de 1254, qui nous a transmis ce passé judiciaire que l'auteur explore à la lumière de sa science juridique et historique. Les arrêts de ces premiers registres, véritable mémoire de la Cour et de la monarchie féodale, sont appréhendés pour la première fois dans leur globalité. Nombre d'entre eux font l'objet d'une analyse fine et détaillée qui nous conduit, par les chemins du droit et de la procédure, au coeur de la société bigarrée du Moyen Âge.

Est ainsi dévoilé par l'exploration d'archives purement judiciaires le processus d'apparition de l'État, voire de l'État de droit, fondateur pour la civilisation occidentale et déjà en gestation sous saint Louis. On apprend que c'est le Parlement qui, en parfaite osmose avec le roi-juge, met en place les mécanismes de la construction de l'Etat sous couvert de la souveraineté royale, du fait de l'unicité du pouvoir royal et de la justice. L'impulsion est donnée par le biais des ordonnances royales généralisant la procédure d'appel et d'enquête par écrit, que les hauts magistrats vont savoir utiliser et développer par la voie jurisprudentielle et coutumière pour affirmer les droits du roi et accompagner la montée en puissance de l'autorité royale.

Le Parlement, contrôlant les sources du droit et l'ensemble des autres juridictions laïques et ecclésiastiques par la voie de l'appel, titulaire au surplus d'une compétence universelle, régule la société féodale et domine toute la vie du royaume, tant politique qu'économique. À côté de l'affirmation des droits régaliens, l'autre marque de l'État de droit, c'est aussi l'instauration des droits et garanties des justiciables, qu'ils soient humbles ou puissants, dans leurs relations réciproques comme dans leurs rapports avec la puissance publique. Le Parlement y veille à travers l'application rigoureuse de la procédure aux parties en procès, y compris au roi lui-même. La cour y ajoute un contrôle de l'administration royale et de ses agents, dont la corruption et les exactions sont sanctionnées, et une défense du bien commun dont le roi est responsable vis-à-vis de ses sujets, lequel doit prévaloir sur les intérêts particuliers. À cette époque d'émiettement des prérogatives de puissance publique entre les mains des seigneurs féodaux, le Parlement veille aussi à ce que ces multiples détenteurs de l'autorité n'aient pas un comportement par trop contraire à l'intérêt général.

L'expression de «bien commun» apparaît dès 1260 lors d'un procès opposant le maire et les jurés de Senlis à l'évêque de la ville. Le maire et les jurés avaient interdit, pour le bien commun, la fabrication de pains autres que ceux d'une valeur d'un denier ; l'évêque estime, quant à lui, que cette décision est prise à son préjudice et à celui de ses manants qui résident autour de la ville et qui ont coutume d'aller y vendre des pains de toute valeur, jusqu'à quatre deniers. La Cour donne raison au maire de Senlis, car sa mesure évite la raréfaction des pains de faible valeur et protège ainsi l'approvisionnement de la population la plus pauvre, et donc le bien commun de la ville. Les arrêts faisant ainsi référence explicitement ou implicitement à l'intérêt général sont nombreux, manifestant l'émergence d'une notion qui est au centre de notre droit public contemporain et qui trouve ici ses origines.

Par tous ces traits, on découvre que le Parlement n'est pas confiné dans son rôle judiciaire, mais participe au gouvernement royal, ce qui n'est pas le moindre apport de ce livre à l'Histoire. A la fois au service du roi et au service du droit, sa jurisprudence créatrice prépare la législation royale et l'émergence d'un État fondé sur le droit. C'est aussi cette dynamique du droit qui favorisera par la suite le développement d'une monarchie aux tendances absolutistes dont on mesure ainsi combien les origines et les fondements sont éloignés de la conception communément admise.

Cet ouvrage, aussi remarquable par son érudition que par son style alerte et vivant est, à l'instar du Parlement lui-même, une véritable source où peuvent puiser historiens et juristes auxquels il offre de multiples pistes de recherche, de même que peut s'y référer l'honnête homme désireux de lumières sur les origines de notions faisant aujourd'hui figure de lieux communs et pourtant souvent méconnues.


Monique Morgat-Bonnet
( Mis en ligne le 01/03/2011 )
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