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Histoire & Sciences sociales -> Moyen-Age |
| Martin Aurell Des chrétiens contre les croisades. XIIe-XIIIe siècle Fayard 2013 / 24 € - 157.2 ffr. / 407 pages ISBN : 978-2-213-66816-1 FORMAT : 15,3 cm × 23,5 cm Imprimer
Professeur dhistoire médiévale à lUniversité de Poitiers et membre de lInstitut universitaire de France, Martin Aurell dirige la revue Cahiers de civilisation médiévale. Après avoir écrit un ouvrage intitulé Chevalier lettré (2011), luniversitaire vient de consacrer un livre sur les Chrétiens qui sopposèrent aux croisades entre les XIIe et XIIIe siècles, paru chez Fayard.
Si la signification de lexpression «croisade» va aujourdhui de soi, cest-à-dire quelle renvoie aux expéditions militaires médiévales que les Chrétiens menèrent contre lIslam sur les terres sacrées dOrient, le terme na en soi rien dévident, ainsi que lexplique le professeur Martin Aurell. En effet, «ni ce substantif ni un autre similaire ne sont guère usités aux XIIe et XIIIe siècles». Tout au plus était-il parfois question de «croiserie».
Ce dernier vocable, apparu vers 1229-1231 sous la plume de Bernard, trésorier de Saint-Pierre de Corbie, dérive de lexpression latine cruce signati («ceux qui ont cousu le signe de la croix sur leurs vêtements»), laquelle fut peu à peu traduite en français par «croisé». A lépoque, il était davantage question diter («chemin»), de via («voie») ou passagium («passage»).
«Pour défendre leur religion, expliquait Saladin, les Francs nont pas hésité à prodiguer la vie et le courage et à procurer à leurs troupes toutes sortes darmes de guerre. Et tous ces efforts, ils ne les ont fournis que par pur zèle envers Celui quils adorent, pour défendre jalousement leur foi». Cest en ces termes que Saladin, dans une lettre de 1191, confessait son admiration pour leffort de guerre exigé par les croisades du côté des Chrétiens, à côté desquels les Musulmans lui paraissaient nettement plus tièdes.
En dépit de ce que laissait entendre Saladin, il nexistait pas une pleine et entière unanimité autour de ces «pèlerinages en armes», autour de la conquête et de la défense des lieux saints par les Chrétiens. Les croisades saccompagnèrent en effet de «critiques de détail», mais également de «contestations densemble». Celles-ci furent en effet décriées en raison de leur coût faramineux. Elles étaient de surcroît extrêmement meurtrières et leur issue demeurait des plus incertaines, comme lest toute opération militaire.
De vives tensions ne manquaient pas non plus de survenir entre les guerriers qui y prenaient part à propos des choix stratégiques et tactiques opérés par les chefs de larmée ainsi des échecs répétés des campagnes menées outre-mer. Ces divisions étaient reprises et amplifiées par les écrivains. En raison de leur idéal de droiture et de guerre sainte, les péchés des Croisés comme les pogroms en Allemagne, les violences contre les populations civiles et les sacs - furent interprétés comme autant de causes directes de leur défaite finale.
Parmi les causes plutôt «structurelles» des dissensions déchirant la Chrétienté à légard des croisades, lauteur évoque dautre part le message pacifique des Évangiles. Une doctrine de la guerre juste a donc dû être élaborée, ce qui fit constamment douter les Croisés du bien-fondé de leur démarche éminemment belliqueuse. Certes les critiques furent marginales et rarement vues dun bon il par les autorités, mais elles démontrent quen dépit des croisades un humanisme continua de régner chez les Chrétiens.
Une très belle enquête, originale et érudite !
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 26/02/2013 ) Imprimer
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