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L’Afrique avant les conquêtes européennes | | | François-Xavier Fauvelle-Aymar Le Rhinocéros d’or - Histoires du Moyen-Age africain Gallimard - Folio histoire 2014 / 8,90 € - 58.3 ffr. / 384 pages ISBN : 978-2-07-045455-6 FORMAT : 10,9 cm × 17,7 cm
Première publication en février 2013 (Alma)
L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de lInstitut dEtudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, chez LHarmattan, de Dialogue sur les aléas de lhistoire (2010). Imprimer
Il y a ceux qui croient que lAfrique a «oublié» de rentrer dans lhistoire pendant des millénaires, comme dautres pensent que les villages français, les classes populaires en Europe, et plus largement tout ce qui ne laisse pas de traces dans la culture lettrée, sont restés «immobiles», figés dans la routine du cycle des saisons. Et puis il y a ceux qui démontrent le contraire. François-Xavier Fauvelle-Aymar, grand historien spécialiste de lAfrique fait partie de ceux-là.
Son livre Le Rhinocéros dor est un beau livre, à la fois par sa présentation formelle, son iconographie, lélégance de son écriture, mais aussi par lintelligence qui sy déploie. Fauvelle-Aymar nous fait voyager dans un univers qui évoque le conte de Zoumourroud et Noureddine dans les Mille et une nuits de Pasolini, un monde de royaumes noirs et de marchands africains, qui couvre la bande sahélienne, la corne de lAfrique, la côte de la Tanzanie, pendant la période allant entre le VIIIe et le XVe siècles. Il prend le lecteur par la main, en partant dans chacun de ses 34 chapitres dune anecdote ou dun objet et du petit monde quils reflètent : un récit de voyage dun Chinois, une fresque nubienne, une visite dun roi du Sahel à Marrakech, un trésor dans un monastère d'Éthiopie. Au passage, lhistorien décrit les flux déchanges qui sy révèlent, ceux des biens (de lor notamment, abondant en Afrique), des hommes (entre autres les esclaves), et des idées (la conversion progressive à lIslam, les rivalités de ses différentes composantes), leurs mutations au fil des siècles.
Au fil de ces évocations, les palais, les royaumes, leurs murs et leurs croyances, sortent de terre et y retournent. Fauvelle-Aymar sollicite finement tout ce que les vestiges peuvent nous enseigner sans rien dissimuler des immenses points dinterrogation que la pénurie de sources soulève. Il écorne les certitudes et les clichés coloniaux (sur le royaume du Ghana par exemple ou sur les origines du trésor de Grand Zimbabwe). A sa lecture, on découvre ce que le continent africain doit au déplacement des Berbères vers le désert et aux routes commerciales arabes le long des comptoirs de langue swahilie. Louvrage devient ainsi presque involontairement une ode libérale aux vertus du négoce. Une invite en tout cas à quitter le regard ethnocentrique pour se plonger sans préjugé dans lhistoire subtile de ces mondes engloutis qui, du Sénégal au Mozambique, furent pendant des siècles les poumons dune activité économique dynamique
dont la découverte par les Portugais, puis la colonisation franco-britannique allaient par la suite faire basculer complètement la géopolitique au profit de lextrémité australe du continent et du Golfe de Guinée.
Notons que ces derniers sont les grands absents du livre de Fauvelle-Aymar. A titre de réserve finale on peut le regretter : même sil nen reste que très peu de traces, eux aussi étaient dans lhistoire, à leur manière, à cette époque.
Christophe Colera ( Mis en ligne le 11/11/2014 ) Imprimer | | |