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Histoire & Sciences sociales -> Moyen-Age |
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Une mise en scène grandiose | | | Murielle Gaude-Ferragu D'or et de cendres - La mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au Moyen Age Presses universitaires du Septentrion - Histoire et civilisations 2005 / 24 € - 157.2 ffr. / 395 pages ISBN : 2-85939-878-3 FORMAT : 16x24 cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
Lauteur de cette thèse de doctorat a inscrit ses recherches dans un double courant de la recherche historiographique contemporaine, ouvert par des maîtres (Ph. Aries et R. Giesey) ayant étudié dune part la conception de la mort à la fin du Moyen Âge et dautre part le rôle politique joué par le rituel des funérailles royales. Quen est-il alors pour cette classe aristocratique constituée des parents du roi et/ou des détenteurs dune puissance territoriale, dans la période allant de la fin du XIVe au début du XVIe siècle où ils jouent un rôle politique et culturel essentiel ? Le cadre chronologique choisi offre une documentation riche, un milieu homogène, une durée assez longue et un espace assez large pour que lexploitation des sources conduise à des synthèses valables.
La présentation des résultats de la recherche se fait logiquement selon lordre chronologique des événements et rituels accompagnant la mort de tout homme : depuis lexpression de son choix pour le lieu de sa sépulture jusquaux diverses cérémonies mortuaires. En cours de route, on aura assisté à lélaboration du testament, au décès, aux expressions du deuil. Les récits fournis par les chroniques, les témoignages apportés par les uvres dart ont introduit lidée du luxe qui entoure ces moments importants dans la vie dune cour princière ; en témoigne aussi, lorsquils existent, les comptes des dépenses faites à ces occasions. M. Gaude-Ferragu en dévoile tous les aspects, parfois aussi étranges quinattendus, et surtout en établit la signification.
Car tout a un sens dans les cours princières. Un sens religieux dabord : il nest pas sans importance que les nécropoles se soient constituées, daprès les vux du premier de la lignée, dans une abbatiale ou dans une église séculière, desservie par des ordres anciens (bénédictins) ou plus récemment constitués, à moins quun édifice nait été spécialement fondé pour cette destination (la chartreuse de Champmol, près de Dijon en représente le modèle accompli). Le talent de lauteur nous convie aux derniers moments du prince, dont on saccordera à louer la «mort très chrétienne», à linstar de celle du pieux roi Saint Louis. Mais cest après le décès que commence vraiment la mise en scène de la mort. Le corps est exposé à visage découvert, pour attester la réalité du décès, avant dêtre embaumé, momifié, voire traité par ébullition si les circonstances conduisent à nen conserver que les os. Et lauteur na pas pu échapper à discuter du problème de leffigie en cire, parfois substituée sur le modèle de ce qui avait été fait la première fois au décès du roi Charles VI - au vrai corps pour les cérémonies ; parmi les diverses explications entre lesquelles disputent les chercheurs, elle prend parti pour ny voir quun simple substitut commode, sans signification symbolique particulière. Quant aux sépultures du cur et des entrailles, elles répondraient à des motifs divers, dordres religieux, dynastique, pragmatique
et purement aristocratique car la division du corps nest en principe pas autorisée par lÉglise pour les simples fidèles
Par contre, hautement significatif est lintervention, au cours des cérémonies funèbres, du décor héraldique et de tous les éléments (armoiries, armes, emblèmes) célébrant la valeur du défunt. Passée de mode pendant quelques années au début du XVe siècle, cette exhibition réapparaît ensuite, signe de la revalorisation des rites chevaleresques.
Quant à la place des femmes dans tout ce rituel, elle fait lobjet de développements dispersés au fil de louvrage. Alors quelles jouaient un rôle essentiel dans les gestes et cérémonies accompagnant la mort de lensemble des fidèles, chez les princes elles vivent le deuil en recluses, alitées dans leur chambre obscurcie de tentures noires ; une exigence dont la signification napparaît pas bien clairement. En ce qui concerne leurs propres obsèques, la pompe nen est généralement pas aussi fastueuse que pour les hommes ; lépoux veuf porte le deuil, mais nest pas reclus.
On appréciera, tout au long de létude ici publiée, la minutie des analyses, le souci du détail et la clarté de lexposé. On regrettera peut-être seulement que les documents iconographiques insérés en fin douvrage ne fassent pas lobjet dun commentaire qui renverrait à loriginalité du propos.
Jacqueline Martin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 11/09/2005 ) Imprimer | | |
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