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Un roi réhabilité
Georges Minois   Charles VII - Un roi shakespearien
Perrin 2005 /  26 € - 170.3 ffr. / 850 pages
ISBN : 2-262-02127-9
FORMAT : 15,5cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art.
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C’est une biographie en forme de réhabilitation que propose, à travers ce gros ouvrage érudit, Georges Minois. À part les spécialistes de l’histoire du XVe siècle, qui saurait créditer de quelque succès le long règne (1427-1461) d’un souverain dont l’historien avoue lui-même avec quelque humour que nombre de ses interlocuteurs (on espère qu’il ne s’agit pas de collègues !) ne le connaissent que comme le roi que Jeanne d’Arc est allée chercher à Bourges pour le faire sacrer?!…

On pourrait, c’est vrai, raconter l’histoire de ce Charles, devenu roi par le seul hasard de la disparition accidentelle de ses deux frères aînés, à travers celle de quelques figures féminines qui ont traversé sa vie. Sa mère, Ysabeau de Bavière, sans excuse devant l’Histoire bien qu’épouse d’un violent dément, traîne derrière elle une telle réputation de mauvaises mœurs que Charles lui-même en arrivera à douter de sa propre légitimité. C’est auprès de sa belle-mère, Yolande d’Aragon, que le jeune homme trouvera conseils et une sorte d’affection, même si, remplissant son devoir conjugal avec constance, il ne manifeste guère d’attachement envers l’épouse dont elle l’a dotée. Jeanne d’Arc aussi, mais G. Minois prend bien soin de replacer l’épisode dans un contexte général de prophétisme féminin dont il ne serait qu’une manifestation parmi d’autres. Et puis Agnès Sorel, la maîtresse bien-aimée, jeune et jolie, en qui l’auteur de cet ouvrage reconnaît, à défaut de qualités politiques personnelles, l’intelligence d’avoir su pousser dans l’entourage du souverain des conseillers compétents.

Autre face de la personnalité du roi, celle que G. Minois analyse, non à travers la surabondance des chroniques et sources écrites le concernant, toutes partisanes à dire vrai, mais en détaillant le portrait que nous a laissé de lui le peintre Fouquet. Il y voit le visage d’un homme d’une cinquantaine d’années, solitaire, mélancolique, traînant derrière lui un ennui existentiel, spectateur plus qu’acteur de sa propre existence ; d’où l’idée qu’il en donne à ses lecteurs d’un «roi shakespearien», tel que le dramaturge anglais a fait revivre bon nombre de ses personnages. La vie et le règne de Charles VII ne pouvaient à première vue qu’accentuer les aspects négatifs d’une personnalité par nature méfiante : une enfance sans réelle éducation, la peur omniprésente du poison, la répétition de meurtres politiques, un pays rendu exsangue par un siècle de guerre, les révoltes des grands féodaux (Bourgogne, et les autres), les trahisons, la présence d’un roi anglais qui se dit de France, et la véritable haine mutuelle que finissent par se porter le roi et son héritier, futur Louis XI, lequel ne prendra même pas la peine de se faire représenter aux obsèques de son père.

Pourtant, c’est à travers ce règne méconnu, ignoré de la plupart des amateurs d’histoire – auxquels s’adresse cette solide biographie, tout autant qu’aux historiens érudits – que se mettent en place les cadres d’une France véritablement moderne. On laissera les lecteurs les découvrir au fil d’un récit mené de façon à la fois chronologique et thématique, pour en dresser un bilan nécessairement rapide et partiel. C’est en 1453, à la victoire française remportée à Castillon sur les armées anglaises, que les historiens postérieurs estimeront que prend fin ce qu’on nomme la Guerre de Cent Ans. Mais c’est aussi sous Charles VII que prend forme dans les mentalités quelque chose qui va donner naissance à un sentiment patriotique : un roi anglais ne saurait prétendre régner en France, et c’est l’Anglais qu’on accuse de tous les maux qui frappent le pays. Plus concrets, car il s’agit souvent d’événements que l’on peut dater, l’ordonnance de 1439, complétée par celle de 1445, institue une armée royale permanente, et son corollaire, la création d’un impôt tout aussi permanent pour la payer. Lors des derniers affrontements avec les Anglais, une artillerie française moderne a été créée. En 1438, la Pragmatique Sanction de Bourges avait réorganisé, sur des bases gallicanes, l’Église de France. Un cercle, malheureusement fluctuant au gré des intrigues et luttes d’influences (Jacques Cœur, pour ne citer qu’un des plus célèbres, en fera les frais), d’hommes politiques et de techniciens compétents, de conseillers, entoure le roi et infléchit, souvent de façon positive, sa politique. Par contre, une page d’histoire médiévale est tournée, celle de la lutte contre le Turc : la chute de Constantinople ne semble guère avoir troublé le roi de France.

Bref, c’est à la fois le portrait d’un noble personnage, porté par hasard sur le trône, saisi dans toutes les contradictions de son humanité psychologique, de la foi chrétienne faite de contrastes qui était celle de son temps, de son tempérament, que propose ici Georges Minois. Ce travail érudit ne comporte aucune note, ce qui en facilite sans doute la lecture mais ne clarifie pas toujours la complexité des événements que traverse ce long règne. Index, bibliographie raisonnée, cartes et généalogies en font un instrument de travail pour le chercheur. Ce roi méconnu, en tous cas, a trouvé le biographe qui lui manquait.


Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 05/01/2006 )
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