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Entre Moyen Âge et Âge de la Raison
Pierre Birnbaum   Un récit de ''meurtre rituel'' au Grand Siècle - L'affaire Raphaël Levy, Metz 1669
Fayard 2008 /  23 € - 150.65 ffr. / 234 pages
ISBN : 978-2-213-63831-7
FORMAT : 15,5cm x 23,5cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Vauban : l'intelligence du territoire (2006, en collaboration), Les Ministres de la Guerre, 1570-1792 : histoire et dictionnaire biographique (2007, dir.).
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Le 25 septembre 1669, un enfant de trois ans, le petit Didier Le Moyne, disparaît dans le village de Glatigny, entre Boulay et Metz. Un marchand juif de Boulay, Raphaël Lévy, qui passait par là, est accusé d’avoir enlevé l’enfant et de l’avoir mis à mort. Le 25 novembre, les restes de Didier Le Moyne sont retrouvés dans un bois. Emprisonné en octobre, soumis à la torture, Lévy rejette les accusations dont il est l’objet et notamment celle d’avoir prêté la main à un meurtre rituel. Le 16 janvier 1670, il est condamné à mort par le Parlement de Metz et brûlé le lendemain.

Dans le même temps, un juif de Metz, Mayer Schwabe, est accusé d’avoir profané une hostie. La communauté de la Ville s’adresse alors au pouvoir royal, qui prend la défense des juifs. Le 18 avril 1670, un arrêt du Conseil du roi interdit la continuation des poursuites. Si les accusations de meurtre rituel continuent de se multiplier dans les années qui suivent, l’affaire Raphaël Lévy aura été la dernière du genre.

La légende du meurtre rituel est ancienne dans l’Occident chrétien – elle remonte au moins au XIIe siècle – et répandue à travers toute l’Europe. La spécificité de l’affaire Raphaël Lévy, c’est l’apparition d’une nette divergence entre un antisémitisme populaire, que certains membres des classes instruites reprennent à leur compte, et un premier rationalisme des élites, pour qui les imputations de meurtre rituel ou de profanation d’hostie ne sont que l’effet de la superstition ou le voile de conflits d’intérêts. «Metz couvre l’État» des menaces venues de l’Empire, et le désordre ne peut y être toléré. Les juifs de Lorraine, marchands de bestiaux et fournisseurs aux armées, sont d’utiles auxiliaires de l’État monarchique, et ce dernier les protège sans états d’âme.

Paradoxalement, l’affaire témoigne aussi des premiers pas de l’intégration des juifs en France. La communauté juive de Metz forme un corps séparé, avec son quartier, son costume, sa langue, ses lois, ses coutumes, mais elle est capable d’effectuer les démarches nécessaires pour en appeler au Conseil du roi des arrêts du Parlement de Metz. Elle trouve un interprète en un chrétien, l’oratorien Richard Simon, illustre exégète de la Bible et habitué de la fréquentation des rabbins, qui récuse les «faux rapports du peuple» et démontre l’absurdité des calomnies qui circulent au sujet des juifs.

L’affaire Raphaël Lévy n’a jamais été entièrement oubliée. L’abbé Grégoire en fait mention quelques années avant la Révolution. Les juifs émancipés du XIXe siècle célèbrent le martyre de Raphaël, dont la dernière déclaration a été : «je suis juif, je veux mourir juif». Pendant l’affaire Dreyfus, Édouard Drumont et Joseph Reinach reviennent, chacun de son côté, sur le drame de Metz, le premier pour reprendre à son compte les accusations de jadis, le second pour établir une première analyse scientifique du dossier.

À la lecture des pièces du procès, on reste frappé du contraste entre l’insignifiance des charges – des témoignages de voisins envieux qui se contredisent et que l’accusé lui-même n’a pas de peine à réfuter – et les minuties bureaucratiques et juridiques de la procédure. Comme le procès des diables de Loudun, celui de Metz témoigne de la lente métamorphose d’une société, entre Moyen Age et âge de la Raison.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 03/11/2009 )
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