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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
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Ainsi parle une presque reine | | | Madame de Maintenon Lettres de Madame de Maintenon - Volume 1. 1650-1689 Honoré Champion 2009 / 115 € - 753.25 ffr. / 898 pages ISBN : 978-2-7453-1882-4
Préface de Marc Fumaroli
Notes et présentation de Hans Bots et Eugénie Bots-Estourgie
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart, et, plus récemment, une biographie de Robert d'Arbrissel. Imprimer
Personnage unique dans lHistoire que celui de Françoise dAubigné, marquise de Maintenon, épouse secrète de Louis XIV, mais aussi personnalité controversée : honorée comme une quasi sainte par les Dames de Saint-Cyr, dénoncée comme une intrigante par des historiens dans la lignée de certains témoignages contemporains, parfois réputée inspiratrice des décisions les plus contestables de son époux royal, la petite-fille du poète huguenot Agrippa dAubigné a connu un destin exceptionnel jamais contesté. Et elle, que dit-elle delle-même et de son temps à travers ce quelle en écrit au jour le jour dans sa correspondance ?
Encore faut-il recueillir celle-ci de façon fiable. Certains sy étaient déjà essayés, non dépourvus darrière-pensées : La Beaumelle par exemple, quelques décennies après la mort de lintéressée. Puis dautres. Jusquà ce jour, seule lédition (1935-1939) de Marcel Langlois proposait une publication chronologique de ces lettres, quoique non exempte de choix mis au service da priori personnels, une série que la mort de léditeur arrêta dailleurs avant son terme. Un groupe de chercheurs, dont les membres se sont fait une spécialité déditions littéraires, livre ici le premier volume dune publication intégrale des lettres de Madame de Maintenon.
Du travail ainsi mis à la disposition des chercheurs, on ne saurait mieux parler quen soulignant le parti strictement scientifique de lédition. La préface de Marc Fumaroli constitue une utile mise en situation. Lexposition des principes dédition reflète la rigueur de la mise en uvre. La collecte des lettres, publiées par ordre chronologique, utilise les travaux des devanciers, mais en les passant au crible de la critique moderne. Elle intercale, après de soigneuses recherches dauthenticité, des écrits jusqualors inédits, tel cet émouvant billet d«appel au secours» adressé par une Françoise de 15 ans à sa tante Villette. De nombreuses lettres non datées ont fait lobjet de recherches qui permettent de les situer au mieux. Lédition livre avec les réserves qui conviennent des textes incertains et retient avec leur qualificatif dapocryphes des correspondances dont la teneur reste, malgré tout, significative.
Lapparat critique signe la qualité du travail. Lhistorien, même si lintéressent, avant la qualité de lécriture, les événements, le milieu, lidentité des personnalités et des événements, fait son miel de notes infra-paginales nombreuses, précises et documentées, concernant faits et personnages. Il dispose désormais dune source fiable sur cette actrice et témoin majeur de son temps. Lhistorien de la littérature trouve ici 671 textes représentatifs dun art épistolaire que lépoque a développé à un si haut niveau.
Simple introduction que ce premier volume dune publication qui en comportera sept ? Non, car il ne concerne pas moins que les 53 années au cours desquelles la fortune de Françoise dAubigné la conduite des sorts les plus misérables à sa plus haute destinée, en couvrant ces épisodes étonnants que furent sa vie conjugale avec limpertinent et invalide Scarron, plus tard sa curieuse position déducatrice des bâtards royaux. La longue durée représentée par le présent recueil concerne aussi ces périodes difficiles que furent les années du premier veuvage et une situation ambigüe de gouvernante puis dame dhonneur à la Cour, devenue amie très privilégiée de Louis XIV. De rares lettres reflètent lémoi discret dune épouse royale dont le ton et les actes vont saffirmant, pourtant plus sensible quon ne la dit aux persécutions subies par des protestants (une partie de sa famille) dont elle juge la cause perdue, et moins initiatrice unique de la fondation de Saint-Cyr quon ne la présente habituellement. La vingtaine dannées qui reste à couvrir par les autres volumes concerneront une femme au destin fermement établi.
La variété des documents publiés reflète celle de la vie quotidienne : billets occasionnels de quelques lignes côtoient épîtres savamment argumentées et composées. Quel dommage que ne soit conservé quasiment aucun écrit sur les années où, épouse de Scarron, Françoise dAubigné vécut au cur des mouvements littéraires du libertinage et de la préciosité ! On sait aussi que de nombreux documents ont été volontairement détruits par lintéressée elle-même. Les éditeurs ne désespèrent pas que leur travail puisse constituer un appel aux collectionneurs privés qui détiendraient quelque inédit
Le lecteur peut être tenté de chercher, à travers ses propos, lexpression de la psychologie de lécrivaine. Celle de Mme de Maintenon apparaît particulièrement complexe. Dautant que les propos ‑ nest-ce pas la loi du genre ?‑ ne sont pas toujours aussi spontanés quil y paraît. Reste que lépistolière sy révèle tour à tour parente soucieuse des intérêts de sa famille, éducatrice attentive au développement des corps autant que des esprits, femme dautorité, catholique sincère et parfois tourmentée, épouse solide. La qualité de la femme ne se révèle pas seulement dans le style de lécriture, mais aussi dans le souci de louvrage bien fait, des entreprises menées à leur terme, dans toutes leurs dimensions, même sil sagit, en matière de lettre, décrire lisiblement et de respecter lorthographe. On est tenté de rapprocher cette correspondance de celle de Mme de Sévigné, sa contemporaine ; la comparaison stylistique nest pas au désavantage de Françoise dAubigné, mais la nature de son courrier est autre : les lettres de celle-ci ne visent pas à donner une information mais elles réagissent à un événement ou attendent une réponse.
Les inévitables erreurs matérielles de publication sont rarissimes et le lecteur les corrige de façon évidente. Question aux éditeurs : le portrait «en sainte Françoise Romaine», qui ouvre le volume ne serait-il pas une copie de la version originale de la toile peinte par Mignard, qui figure lépouse du roi en position inversée, droite pour gauche ? Simple curiosité, qui nenlève rien à la signification de limage. Reste que cette édition constitue un document scientifique de valeur et de qualité exemplaires. La série quelle ouvre sera sans nul doute de celles qui font date dans lhistoire de lédition.
Jacqueline Martin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 19/01/2010 ) Imprimer | | |
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