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Taux et confiance
Romain Le Gendre   Confiance, épargne et notaires - Le marché du crédit à Saint-Maixent et dans sa région au XVIe siècle
Ecole nationale des chartes - Mémoires et documents 2020 /  45 € - 294.75 ffr. / 480 pages
ISBN : 978-2-35723-147-4
FORMAT : 16,0 cm × 23,0 cm
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. «Pas de document, pas d’histoire», proclamaient en 1898 Charles Victor Langlois et Charles Seignobos dans leur célèbre Introduction aux études historiques. Quant à Lucien Febvre, un demi-siècle plus tard, il complétait cette caractérisation des sources historiques en affirmant qu’il s’agissait de «leur faire dire ce qu’elles ne disent pas d’elles-mêmes sur les hommes, sur les sociétés qui les ont produites» (Combats pour l’histoire, 1953) autrement dit, d’opérer avec elle un détournement de finalité qui leur ferait dire autre chose que ce pourquoi elles avaient été créées. Telle est bien la destination des archives conservée à des fins historiques, au premier rang desquelles figurent les archives des notaires, actes dont la fonction première est la preuve, peu à peu mis au service de l’histoire économique et sociale et plus largement des «mentalités».

En 1880, l’inspecteur des archives Eugène de Rozières s’en était fait le chantre enthousiaste : «L’indifférence qu’on avait témoignée jusqu’à ces derniers temps aux documents de cette nature tenait à la fausse opinion qu’on s’était formé de leur contenu…». Le pionnier de cette découverte fut l’archiviste des Bouches-du-Rhône, le chartiste Louis Blancard qui avait reconnu dès 1884 l’intérêt de cette documentation pour l’histoire économique (Documents inédits sur le commerce de Marseille au Moyen Age : contrats commerciaux du XIIIe siècle, 2 vol., 1884-85). Or, précédemment, en 1858, Blancard avait effectué un passage éclair à la tête des Archives des Deux-Sèvres, où, si les archives notariales n’ont pas l’ancienneté médiévale des fonds provençaux, elles n’en constituent pas moins, comme on va le voir, une importante ressource pour l’époque moderne.

Le XXe siècle a ainsi vu «le dépôt des secrets des familles» se muer en un gisement historique largement exploité, auquel historiens de l’économie, de la société, mais aussi du droit et des institutions ont consacré une somme remarquable et diverse de travaux. À côté des archives judiciaires plus conflictuelles, les archives notariales, plus consensuelles, sont devenues des sources fondamentales de l’histoire moderne, qu’il s’agisse d’études ponctuelles ou d’enquêtes chères à l’histoire dite quantitative. Or il suffit de feuilleter les registres de minutes pour prendre conscience de la place qu’y tiennent les actes de crédit ; en l’absence d’un système bancaire couvrant l’ensemble des provinces, le notaire prend le relais et chacun de ses registres en contient un nombre considérable touchant à tous les aspects de la vie économique locale. Certes le sujet de recherche est austère, mais on en perçoit rapidement le caractère essentiel, ainsi que la nécessité de la multiplication comme de la diversification géographique de ses applications.

C’est dire combien est bienvenue la publication de la thèse d’École des chartes de Romain Le Gendre, qui nous transporte en Poitou, à Saint-Maixent, au XVIe siècle, au temps des Guerres de Religion, une petite ville où officiaient une douzaine de notaires royaux. Saisis à travers les opérations de prêt, ceux-ci n’ont assurément pas la grande allure que pouvaient avoir les titulaires des offices parisiens de la seconde modernité, ces agents de l’emprunt public, dont le «notariologue» Jean-Paul Poisson a naguère dévoilé le travail des grandes études. C’est la présentation de leur plus modeste communauté qu’est consacré le premier chapitre de la présente thèse qui en comporte quatre : les outils du crédit notarié (II), les dynamiques du marché (III), le crédit dans la société (IV). «Les notaires au travail» apparaissent essentiellement comme des greffiers qui enregistrent quotidiennement le fonctionnement d’un système qui irrigue l’ensemble de la société et dont ils sont les garants ; à tous les sens du mot, il s’agit bien d’hommes de crédit.

Mettre au jour un tel système suppose le goût de l’archive, du travail de dépouillement des documents dans la masse desquels il s’agit de définir des ensembles à la fois exploitables et représentatifs du marché sans pour autant négliger les cas individuels ou surestimer la source. Comme le laissaient pressentir un certain nombre d’autres travaux, le cas de Saint-Maixent relativise l’importance du taux d’intérêt dans un marché du crédit dominé par une recherche de sécurité qui concerne toute une société constituée de prêteurs et d’emprunteurs affrontés à des temps de bouleversements politiques et religieux. «Le notaire et l’écrit notarié deviennent alors, dans un contexte de délitement des rapports sociaux et d’affaiblissement de l’État, de puissants garants qui inspirent confiance face à un avenir trop incertain» (p.342).

On le constate avec de tels travaux : il n’est point de «petite» région, et l’étude fine de chacune montre, s’il était encore besoin, tout ce que l’histoire locale apporte comme nuances et comme pierres à la construction d’une histoire générale qui ne peut plus se limiter à des généralités concernant la médiocrité provinciale et l’endettement paysan. C’est à travers la constitution de quelque 50 tableaux, graphiques et cartes que Romain Le Gendre a solidement ancré son étude à la fois minutieuse (également assortie de 16 pièces justificatives) et ambitieuse qui, à travers la mise en œuvre rigoureuse des méthodes de la pure érudition, s’élève par ses conclusions, de l’aveu même de son préfacier, au statut de «véritable travail d’historien» réussissant, à partir d’une documentation éclatée en actes particuliers, à faire émerger un tableau du marché du crédit ainsi que des réseaux qui se forment à son entour. Ainsi, par sa méthode et ses résultats, un tel ouvrage ouvre de nouvelles perspectives tant aux historiens du Moyen Poitou et du notariat qu’à ceux de l’économie de l’époque moderne.


Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 01/02/2021 )
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