Michel Vergé-Franceschi - La politique du bon sens Payot - Petite bibliothèque 2005 / 10.40 € - 68.12 ffr. / 532 pages ISBN : 2-228-89965-8 FORMAT : 11x18 cm
Première publication en février 2003 (Payot).
L'auteur du compte-rendu : Hugues Marsat, agrégé d'histoire, est enseignant dans le secondaire. Il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
Parmi les grands commis, constructeurs de lEtat, les Sully, Richelieu, et autres Mazarin, qui surent uvrer au service de leurs souverains sans négliger leurs familles et leurs intérêts, Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) occupe une place à part que lui rend Michel Vergé-Franceschi dans une biographie voulue objective. Celle-ci se veut éloignée du Colbert héroïsé dépeint par Pierre Clément au XIXe siècle ou du "serpent venimeux" les armes des Colbert arborent une couleuvre, coluber en latin - vilipendé par Daniel Dessert (Colbert ou le serpent venimeux, Complexe, 2000).
Lhistorien «maritimiste» quest Michel Vergé-Franceschi fait remarquer avec justesse quavant dêtre le ministre en charge de la marine, Colbert est le fils dun marchand rémois, pas très fortuné, roturier de surcroît. Sa vie est donc dabord une ascension due à son acharnement au travail. En effet, loin dêtre un brillant élève du collège jésuite où il étudie, Colbert est un travailleur laborieux avant dêtre un serviteur acharné au travail, servant ses maîtres successifs, gravissant les échelons, passant de Michel Le Tellier, beau-frère de son cousin quil a aussi servi, à Mazarin. Car Colbert a su se placer. Le legs de Colbert à Louis XIV par Mazarin, image un peu surfaite, cest la récompense dune efficacité et dune fidélité préservée en dépit des vicissitudes politiques de la Fronde.
Sa prise en charge progressive des responsabilités ministérielles, dune intendance des finances en charge de la marine (1661) au secrétariat dEtat à la Maison du roi et la Marine (1669), en passant par la surintendance des bâtiments du roi (1664), celle du commerce (1665) et le contrôle général des finances, couronne la vie dun tâcheron efficace qui a su triompher des difficultés et de la rivalité de Nicolas Fouquet. Lauteur consacre dailleurs à celle-ci de longs et savoureux développements, confrontant les politiques divergentes des deux hommes (chapitres 4 et 5).
Installé dans lombre du soleil royal, sappuyant sur les nombreux membres de sa famille placés à des postes de confiance, Colbert peut dès lors travailler à la gloire de son maître, mettant en uvre la politique économique mercantiliste à laquelle son nom reste associé. Sil ne la pas inventée, cette politique nen correspond pas moins à sa personnalité, celle dun économe, et nul autre ne la menée avec autant de persévérance, de bonheur (chapitre 9) mais non sans soucis (chapitre 10).
La guerre de Hollande (1672-1678), voulue et préparée par le ministre, en constitue le paroxysme et laboutissement, dernière étape avant de prendre la mesure du chemin parcouru (chapitre 10), celui dun bilan mitigé sur le plan politique mais aussi celui dune réussite qui est celle dun homme considérablement enrichi, comme le prouve linventaire après décès qui clôt louvrage, mais aussi celle dune famille sortie de la roture et parvenue aux plus hautes fonctions.
Colbert. La politique du bon sens dresse donc finement, précisément et sans concession, le portrait dun homme ambitieux, travailleur mais dénué du panache de son rival Fouquet. Ouvrage scientifiquement sérieux, citant constamment, et parfois trop, les sources quil confronte, ce Colbert est doté des instruments à la hauteur de ses prétentions (notes, sources, bibliographie et tableaux généalogiques) et de celles dune collection encore jeune. A cet appareil critique ne manque quune chronologie récapitulative.
Le livre de Michel Vergé-Franceschi constitue donc une réponse sérieuse aux ouvrages de Daniel Dessert, Colbert ou le serpent venimeux et Fouquet (Fayard, 1987), tout comme le Tourville de ce dernier répondait à lAbraham Duquesne, huguenot et marin du Roi-Soleil (France-Empire, 1992) du premier.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 03/08/2005 ) Imprimer
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