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L’argent, sous toutes ses formes | | | Françoise Hildesheimer Collectif L'épargne sous l'Ancien Régime Economica - Economie et sociétés contemporaines 2004 / 15 € - 98.25 ffr. / 118 pages ISBN : 2-7178-4802-9
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
Voilà un propos qui pourrait, de prime abord, sembler bien sévère, tant, de nos jours lidée d«épargner» traîne après soi de besogneuse mais pourtant indispensable nécessité. Ce thème, proposé à la réflexion des dix universitaires réunis en colloque le 24 octobre 2001 sous légide de lAssociation pour lhistoire des Caisses dÉpargne (réunion dont le présent ouvrage constitue lédition des actes), sest révélé en fait plus large que lhistoire du remplissage du bas de laine, la question posée étant en définitive celle de savoir qui dispose de numéraire, pour quoi faire et comment le conserver.
Comme toujours, il fallait partir du sens des mots et des réalités que recouvre leur évolution, au long dune période allant du XVIe au début du XIXe siècle, mais surtout centrée sur les XVIIe et XVIIIe. Et l'on découvre ainsi, avec F. Hildesheimer, que lépargne entre dans lhistoire sous la forme dune institution, celle du Trésor de lÉpargne, créé en 1523 pour centraliser les ressources de la monarchie. On est loin alors de la notion qui, avec les Physiocrates, fera de lépargne un programme économique et social, et aussi une vertu, avant daboutir à la création, en 1818, de la première Caisse dÉpargne.
Alors, si le mot au sens où nous lemployons na pas de réalité sous lAncien Régime, quen est-il de la nécessité de la chose ? M. Bimbenet-Privat nous montre, dans le geste spectaculaire répété à plusieurs reprises de Louis XIV envoyant à la fonte la totalité de sa vaisselle et de son mobilier en argent, une forme finalement plus ostentatoire que de réel profit dun souverain se dépouillant dune certaine richesse pour faire face aux nécessités de ses dépenses. Dailleurs, pour F. Bayard, thésauriser, stoker des espèces en vue de lavenir peut constituer un vrai problème, quon résout par lachat de bijoux, dobjets de collections. Un procédé qui concerne les riches.
Les classes moyennes parisiennes, explique S. de Dainville-Barbiche, confient principalement leur épargne aux «fabriques». Et en campagne, selon A. Follain et J. Jambu, lépargne se fait par la thésaurisation dobjets divers que lon cache, ce qui nexclut pas lexistence dune circulation monétaire (fût-ce pour payer limpôt) ; on sadresse en cas de besoin aux prêteurs naturels que sont les gros laboureurs, les curés, et on pratique troc et paiement en nature. Quant aux finances royales difficilement alimentées, même par un Sully dont la réputation de gestionnaire modèle, à en croire L. Avezou, nest quun mythe créé a posteriori elles font largement appel au «don gratuit» auquel le clergé ne saurait se soustraire analyse C. Michaud. Les communautés de prêtres elles-mêmes ont du reste su, démontre S. Gomis, trouver des subsides en contournant linterdiction du prêt à intérêt.
Itinéraire à travers des institutions financières ? Réflexion sur des comportements face à largent ? Cette traversée de lAncien Régime sous le signe de lépargne apporte aussi un éclairage original et concret sur deux siècles dhistoire de France. C. Guirlinger et A. Gueslin ont bien su montrer le chemin parcouru.
Jacqueline Marin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 19/11/2004 ) Imprimer
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