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Quand Dieu règle le monde
Jean-Pierre Gutton   Dévots et société au XVIIe siècle - Construire le ciel sur la terre
Belin - Histoire & société 2004 /  20 € - 131 ffr. / 219 pages
ISBN : 2-7011-3158-8
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu : Rémi Mathis est élève à l'Ecole Nationale des Chartes. Il prépare une thèse sur Simon Arnauld de Pomponne sous la direction d'Olivier Poncet (ENC) et Lucien Bély (Paris IV).
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C’est un lieu commun d’appeler le XVIIe siècle le «Siècle des saints» : François de Sales, Jeanne de Chantal ou Vincent de Paul font partie de ces grandes figures qui marquent la spiritualité française jusqu’à nos jours. Il est vrai que si la religion sert de socle à la société d’Ancien Régime tout entière, elle prend durant le Grand Siècle des formes plus diverses et originales. Surtout, une partie de ces personnes marquées par la religion tentent d’infléchir la politique suivie par le roi puis d’avoir une action plus directe sur la société : ce sont les dévots.

Héritiers de la Ligue, proches de l’Espagne, tentant d’acclimater les réformes du concile de Trente en France, les dévots perdent rapidement une grande partie de leur influence politique car, malgré les mariages espagnols, Louis XIII a décidé de conserver les alliances traditionnelles de la France lors de la Guerre de 30 ans et de rompre avec sa mère lors de la Journée des dupes. Pourtant, des associations – la plus connue est la compagnie du Saint-Sacrement – regroupent ceux qui placent Dieu au premier rang et s’émeuvent autant devant les audaces des libertins que devant l’idée de raison d’État, jugée machiavélienne sinon machiavélique. Leur influence sur la société du XVIIe siècle est primordiale : les associations recrutent dans toutes les strates sociales (jusqu’au ducs et aux princes du sang) et elles se montrent particulièrement actives dans nombre de villes, partout en France. Les dévots soutiennent fermement la monarchie en lutte contre le duel, ils mettent en œuvre leur charité au bénéfice des pauvres ou de l’enseignement élémentaire qui se développe réellement sur leur instance mais surveillent également la population afin de connaître les personnes de mauvaise vie. Cette action a bien sûr des effets directs sur la société mais les dévots sont aussi à l’origine de modifications plus profondes qui apparaissent sur la longue durée. L’idée de prison comme peine à signification morale (et non seulement pour le prévenu en attente de procès) tire son origine de la répugnance des dévots pour le sang versé et de leur volonté de renfermer les «filles débauchées». Leur rapport rigoureux à l’argent et leurs réflexions sur le prêt à intérêt n’ont pas été sans influence. D’une manière plus générale, la civilisation classique, faite de contention, d’ordre, de maîtrise et de libre arbitre doit finalement beaucoup à ces hommes qui, paradoxalement, prennent leurs distances par rapport au monde mais s’y montrent très actifs.

L’ouvrage est partagé en quatre grandes parties thématiques qui tentent d’englober l’ensemble du sujet. Le premier chapitre présente, en revenant aux bases, le contexte politique et intellectuel, les hommes et les groupements qui se créent pour agir dans le siècle. Dans les deux chapitres suivants, l’accent est mis sur l’action de ces dévots à travers la question de la «sécurité», c'est-à-dire par leur action dans les domaines de la justice ou des hôpitaux généraux, en France et Outre-mer et la question de l’éducation.

Enfin, il ressort de cela une morale sociale fondée entre autres sur la valeur du travail, ce qui a des répercussions sur le comportement des dévots envers les domestiques ou les prostituées et met déjà en place une «morale économique» du juste salaire qui préfigure la doctrine de l’Église face à la Révolution industrielle de la fin du XIXe siècle. Peut-être doit-on regretter que l’accent ne soit pas plus mis sur la diversité des conceptions de ces dévots qui peuvent être aussi bien jansénistes que jésuites, artisans que théologiens mais là n’est pas tout à fait le propos de l’auteur.

La dizaine d’ouvrages de ce dernier, Jean-Pierre Gutton, professeur d’Université à Lyon, l’ont en effet amené à s’intéresser à divers aspects de l’histoire sociale, en particulier au problème de la pauvreté et de la protection sociale. Ses recherches sont ici mises en valeur d’une manière transversale, à travers les conceptions d’un groupe donné, en étudiant de quelles manières ces conceptions sont mises en pratique et se diffusent jusqu’à sourdre dans la société tout entière.

Du côté de la présentation, on se réjouira de l’effort graphique des éditions Belin qui nous offrent un ouvrage esthétiquement réussi quant à sa couverture et à sa typographie. Ces éloges se tarissent toutefois bien vite quand le lecteur se rend compte que les notes sont renvoyées en fin de volume, ce qui les rend à peu près inconsultables. On regrettera de même l’absence d’index et de bibliographie, pourtant primordiaux pour effectuer une recherche ponctuelle et pour approfondir sa lecture. Ces annexes ne devraient pas être réservées aux livres savants, elles sont particulièrement utiles, même à l’étudiant en DEUG ou à l’amateur éclairé, et sont trop souvent sacrifiées. En revanche les quinze pages de documents, inédits ou non, sont les bienvenues : ils reprennent les principaux thèmes du texte et donnent un bon aperçu de ce qui peut apparaître dans les textes d’époque.

Dévots et société est donc un ouvrage de synthèse, clair et bien écrit, qui ne cherche pas tant à apporter des analyses foncièrement nouvelles qu’à présenter de manière organisée et assez complète l’influence de ces personnes qui se retrouvent autour d’une même idée de la religion et de la société pour «construire le Ciel sur la Terre».


Rémi Mathis
( Mis en ligne le 14/04/2005 )
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