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De Wassy à l’édit de Nantes
Jean-Paul Barbier-Mueller   La Parole et les armes - Chronique des Guerres de religion en France. 1562-1598
Hazan 2006 /  55 € - 360.25 ffr. / 295 pages
ISBN : 2-7541-0094-6
FORMAT : 25,0cm x 29,0cm

L'auteur du compte rendu : Rémi Mathis est élève à l'Ecole Nationale des Chartes. Il prépare une thèse sur Simon Arnauld de Pomponne sous la direction d'Olivier Poncet (ENC) et Lucien Bély (Paris IV).
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S’il existe des «lieux de mémoire», on peut sans doute également déceler en France et en Europe une différenciation spatiale des mémoires. Ce ne sont pas les mêmes événements qui ont fondé les identités des divers pays. Il arrive même que certains pays influents parviennent à imposer leur mémoire aux autres, ou au contraire à les faire renoncer à une part de la leur, comme on l’a vu récemment à l’occasion de la commémoration de la bataille de Trafalgar. Or, la ville de Genève possède une histoire très particulière, ce qui la rend sensible à ses particularités et aux événements qui ont fondé son identité. Pourtant, jusqu’à récemment, la ville de Calvin, une des capitales du protestantisme européen et l'un des centres de rayonnement culturel majeur sous l’Ancien Régime, ne possédait aucune institution qui mît en valeur l’identité calviniste de la ville et la période fondatrice pour elle qu’a été le XVIe siècle. C’est désormais chose faite avec l’ouverture en 2005 du Musée international de la Réforme.

Le présent ouvrage, soutenu par cette institution, approfondit ainsi l'un des aspects traités dans le nouveau musée genevois. Ce fort volume traite comme on l’aura compris des conflits qui ont ensanglanté la France au cours de la seconde moitié du XVIe siècle. Il se veut un résumé clair de l’ensemble de ces guerres, étudiées d’un point de vue essentiellement politique, et s’adresse explicitement à un grand public intéressé mais pas forcément spécialiste de l’histoire.

L’auteur prend donc soin d’accompagner son lecteur dans sa découverte. Une introduction a le mérite de nous prévenir contre le péché d’anachronisme et de préparer ainsi notre plongée dans un monde qui n’est pas le nôtre. On a choisi un plan relativement classique, qui suit la trame des guerres qui se succèdent de 1562 à 1598. Après quatre chapitres qui reviennent sur la genèse de la Réforme et l’affaiblissement du pouvoir royal, les huit grandes parties dessinées par M. Barbier-Mueller correspondent au huit conflits armés. Cela a le mérite de la clarté et était sans doute nécessaire devant une trame événementielle aussi riche et complexe. La contrepartie est une approche sans doute moins problématisée que l’on aurait pu le souhaiter. Certains aspects sont volontairement laissés de côté. Mais répétons-le, il faut moins chercher dans ce livre un essai d’une grande originalité intellectuelle qu’un résumé habile, assez rigoureux et plaisant.

En ce sens, il répond tout à fait à son objectif : le texte est clair et accessible. La mise en œuvre de l’entreprise y concourt aussi grandement. Le soin apporté à sa réalisation matérielle attire l’œil et fait de la lecture un moment de plaisir. La typographie est élégante, la mise en page, claire et aérée. De très nombreuses cartes permettent de suivre le déroulement des guerres et les déplacements des troupes, éclaircissant singulièrement le texte. Enfin, des annexes sont encore là pour permettre au lecteur une meilleure appréhension des événements complexes qui se succèdent : chronologie, tableaux généalogiques, index. On peut seulement regretter qu’aucune bibliographie ne permette au curieux de poursuivre son initiation par des lectures plus savantes.

On connaît plutôt Jean Paul Barbier-Mueller pour sa collection d’art des XIXe et XXe siècle et surtout pour les deux musées de Genève et de Barcelone, qui présentent une partie de ses collections d’art africain et pré-colombien. Mais M. Barbier-Mueller est également un bibliophile, spécialiste de la poésie du XVIe siècle et fondateur de la «Fondation Barbier-Mueller pour l’étude de la poésie italienne de la renaissance». Ce genevois seizièmiste a fait don de nombreux ouvrages anciens, de manuscrits et d’estampes au nouveau musée de la Réforme de Genève. Il n’est donc pas historien mais traite son sujet en homme de culture et en pédagogue.

Ce beau livre est donc de ceux que l’on feuillette autant qu’on le lit. Il possède la clarté du manuel, en lui alliant le caractère agréable aux yeux et aux mains du livre d’art. Les portraits, les reproductions d’estampes et de tableaux, celles des livres et brochures de l’époque font entrer le lecteur dans le contexte de l’époque. Si la connaissance de l’histoire peut aider à penser le contemporain, la connaissance des Guerres de religion est sans doute de salubrité publique. Á l’heure où des intégrismes se font jour, où l’on peut risquer la mort pour avoir publié une caricature, comment ne pas s’intéresser aux luttes d’influences des clans catholiques et protestants, à la succession d’édits de tolérance incapables de faire cesser les hostilités et à la politique que doit mettre en œuvre Henri IV pour enfin se faire reconnaître par l’ensemble des Français ?


Rémi Mathis
( Mis en ligne le 19/09/2006 )
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