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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
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Somme d'une passion d'historien | | | Jean-Claude Hocquet Venise et la mer - XIIe-XVIIIe siècle Fayard 2006 / 26 € - 170.3 ffr. / 508 pages ISBN : 2-213-63089-5 FORMAT : 15,5cm x 24,0cm
L'auteur du compte rendu : agrégé dhistoire, Nicolas Plagne est un ancien élève de lEcole Normale Supérieure. Il a fait des études dhistoire et de philosophie. Après avoir été assistant à lInstitut national des langues et civilisations orientales, il enseigne dans un lycée de la région rouennaise et finit de rédiger une thèse consacrée à lhistoire des polémiques autour des origines de lEtat russe. Imprimer
Professeur des universités de Venise et Charles-de-Gaulle-Lille III puis directeur de recherche au CNRS et directeur de laboratoire à Lille III, J.-C. Hocquet est historien de lItalie médiévale et moderne, spécialiste du sel dans lhistoire et excellent connaisseur de lhistoire maritime de lEurope. Il est le conseiller historique de la grande exposition présentée par lInstitut du Monde Arabe à Paris doctobre 2006 à avril 2007 sur «Venise et la mer», thème de ce recueil édité au même moment. Il vaut donc sûrement la peine pour les plus motivés de préparer et de prolonger la visite de lexposition par la lecture de cette somme dhistorien passionné de son sujet.
Passion dhistorien et pas seulement desthète amoureux de lItalie et de ses arts (Canaletto en couverture, seule touche de couleur). Cest en observateur et analyste de ses affaires politiques intérieures et extérieures, de ses intérêts économiques, de sa puissance géopolitique et maritime que lauteur suit sur six siècles laventure vénitienne, de son décollage commercial et de son indépendance de république marchande émancipée de Byzance à son élimination comme Etat, en passant par lapogée de sa puissance : la thalassocratie du XIVe siècle. Pendant cette existence pluriséculaire, la fastueuse et ambitieuse cité oligarchique sactive en Adriatique aussi bien que sur la mer Ionienne, sur les côtes des Balkans, à Chypre et en Crète, au Levant, jusquau Pont en mer Noire, mais aussi en Méditerranée occidentale, malgré lhostilité de Gênes. Puissance méditerranéenne mais aussi européenne, car la ville rayonne par son commerce et sa richesse dans la chrétienté et lEurope continentale, à la défense de laquelle elle participe face aux Turcs. Puissance militaire maritime aussi depuis les Croisades, qui transporte et arme les troupes chrétiennes au nom de la religion et de la liberté, mais contribue à lécroulement de Byzance ; cité cupide qui noublie jamais ses intérêts économiques et place habilement les pions dun impérialisme dynamique, dans le but de rester lintermédiaire obligé entre Occident et Orient.
Du point de vue thématique de cette histoire du rapport de la république à la Méditerranée (les prolongements indirects vers lAtlantique sont absents) comme en général pour lhistoire économique et sociale pré-industrielle, il serait inutile et discutable, explique J.-C. Hocquet, de tenir compte de la prétendue charnière de la fin du Moyen âge et de la Renaissance, car lhistorien ne note aucune rupture majeure du XIIe siècle à la chute de la Sérénissime, lorsque Bonaparte mit fin à son indépendance et la vendit à lAutriche.
Les divers aspects et ressorts de la puissance et de la fortune de Venise font la matière de ce livre : de la construction des bateaux au financement des voyages, des marchandises transportées aux contrats des équipages, des tarifs douaniers, de la fiscalité et du crédit aux questions monétaires, de la formation et de la perpétuation dune noblesse marchande aux compétitions politiques et aux entreprises guerrières (traduisant les conceptions militaires de lEtat vénitien de lembauche des condottiere au choix des capitaines de la flotte), sans oublier les relations du public et du privé. Louvrage est divisé en quatre parties : (I) «Léconomie marchande au XIVe siècle» - consacrée exclusivement à un tableau détat initial ; (II) «Ports, bateaux et marins», étudiant armateurs, chantiers navals et équipages, mais aussi la structure et lévolution du port, la politique daménagement dun site mouvant et hostile de lagune ; (III) «Venise et les îles» ; (IV) «La mer et largent» sur les finances publiques et le cas dun marchand drapier doutre-mer, manieur de poids et mesures et de monnaies étrangères à Constantinople, exemple emblématique du rôle stratégique de Venise. Rappelons que J.-C. Hocquet est lauteur dune somme sur Le Sel et la fortune de Venise (1978-79).
Ces études thématiques ont été publiées séparément dans des revues ou des ouvrages collectifs et sont rassemblées pour la première fois en un volume densemble. Elles constituent les éléments dune synthèse pratique, bien structurée, érudite et de lecture aisée. Les illustrations en noir et blanc (des reproductions de vues du port, des graphiques, des cartes pas toujours très claires
) ainsi que des tableaux de données chiffrées accompagnent utilement le texte, qui se termine par un riche index. Manquent peut-être une conclusion et une bibliographie raisonnée sur le thème, outre celle des publications de lauteur. Le lecteur cherchera dans les nombreuses et riches notes de bas de page des idées de lectures complémentaires ou de relectures
Mentionnons en particulier les excellents livres de Frederick C. Lane : Venice A Maritime Republic (John Hopkins University Press, 1973) et Venitians Ships and Shipbuilders of the Renaissance toujours passionnants et disponibles. Venise : une passion européenne et américaine.
Nicolas Plagne ( Mis en ligne le 06/04/2007 ) Imprimer
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