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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Kenneth Pomeranz La Force de l'empire - Révolution industrielle et écologie - Ou pourquoi l'Angleterre a fait mieux que la Chine ERE - Chercheurs d'ère 2011 / 15 € - 98.25 ffr. / 157 pages ISBN : 978-2-915453-57-7 FORMAT : 13,5cm x 20cm
Préface de Philippe Minard
Lauteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé dHistoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur lhistoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif. Imprimer
Jusquà présent, on constatait que la Révolution industrielle était anglaise et quelle ne pouvait être quanglaise. Tous les autres cas de développement étaient alors jugés à létalon anglais, modèle définitif de développement industriel sur lequel le monde allait saligner sous peine de déclassement.
Kenneth Pomeranz renouvelle profondément la vision de ce processus et de ces divergences en constatant quà la fin du XVIIIe siècle les régions les plus avancées de Chine et dAngleterre se ressemblent étrangement. Or, si lAngleterre a connu ensuite un développement foudroyant, la Chine a semblé condamnée à la stagnation jusquil y a peu de temps. Évacuant les hypothèses «civilisationnistes», racistes ou divines, Kenneth Pomeranz réfute toute fatalité à cette évolution différenciée. Si dautres facteurs ont pu avoir leur rôle, deux atouts ont pour lui été déterminants au profit de lAngleterre : du charbon abondant et peu cher ; un empire, réservoir de matières premières. Ce dont na pas disposé lembouchure du Changjiang (Yangzi).
Ce faisant, Pomeranz rompt avec une abondante historiographie, aux problématiques bien évidemment évolutives, mais qui ignore largement les contraintes environnementales. Quintègre Kenneth Pomeranz dans son raisonnement ? Lévidence même. Les sociétés humaines vivent au sein dun environnement et interagissent avec lui : elles sont contraintes ou favorisées par lui ; elles ladaptent à leurs besoins ; elles le façonnent par leur culture. Avec le charbon, lAngleterre dispose dune énergie qui ne concurrence plus une agriculture de plus en plus spécialisée dans lalimentaire, voire qui lui permet daugmenter ses rendements. Le coton américain, associé à la machine à vapeur, est une seconde étape essentielle car lui aussi dégage lagriculture dune production concurrente de lalimentaire, celle des fibres textiles désormais importées de lempire. Exit la spirale malthusienne du manque de terre et des rendements décroissants. En Chine, cest linverse qui se produit : forte pression démographique ; développement intensif en travail ; hausse des prix du coton et du riz ; chute des revenus de la proto-industrie ; déforestation. La force de lAngleterre pour Kenneth Pomeranz est bien davoir réussi à «externaliser ses problèmes environnementaux».
Dans le droit fil dune histoire environnementale de plus en plus légitime, même en France, Kenneth Pomeranz nous livre ainsi un essai réjouissant. Cette réflexion historique permet de sinterroger sur le présent : consommation en forte croissance des matières premières par une Chine en plein essor ; finitude de ces mêmes matières premières ; suspicion sur la pertinence et la durabilité du modèle de développement mondial...
Rémi Luglia ( Mis en ligne le 31/08/2010 ) Imprimer | | |
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