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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Guillaume Gros Francois Mauriac Geste éditions - Portrait d'histoire 2011 / 18 € - 117.9 ffr. / 158 pages ISBN : 978-2-84561-743-8 FORMAT : 13,5cm x 21,5cm Imprimer
Romancier, essayiste, dramaturge, poète, journaliste, François Mauriac occupe une place à part dans notre panthéon littéraire. Précocité et longévité en littérature : il sillustre à vingt quatre ans avec un recueil de poésie et publie son dernier roman, Un adolescent dautrefois, en 1969. Barrésien et maurrassien au tournant du vingtième siècle quand il découvre la politique au moment de la séparation de lEglise et de lEtat, il devient un supporter inconditionnel de De Gaulle sous la Ve République. Après avoir fait ses premiers pas dans des revues confidentielles, il simpose comme une star du journalisme à LExpress, premier newsmagazine à la française.
Né en 1885 et mort en 1970, François Mauriac a été un témoin, souvent engagé, des crises majeures de la IIIe République jusquau début de la Ve République. Issu dune famille bourgeoise, catholique et conservatrice, lécrivain cherche à dépasser Charles Maurras et Maurice Barrès en souvrant aux idées de la démocratie chrétienne portée par le Sillon de Marc Sangnier au début du siècle.
A côté dune brillante carrière de romancier couronnée par une élection à lAcadémie française dès 1933, lauteur de Thérèse Desqueyroux surinvestit le domaine du journalisme, dabord dans une presse de droite, Le Gaulois, lÉcho de Paris, Gringoire ou encore Le Figaro. A partir de 1935, à cinquante ans, lhéritage sillonniste de sa culture politique le conduit à dénoncer lintervention italienne en Éthiopie avant de prendre position en faveur des Républicains espagnols après le bombardement de Guernica. Un tournant majeur dans son itinéraire qui trouve un prolongement dans son adhésion, pendant lOccupation, au Front National et au Comité national des écrivains. Il devient alors «Forez», une figure majeure de la résistance littéraire avec la publication de son célèbre Cahier noir, en août 1943. A la Libération, il retrouve Le Figaro de son ami Pierre Brisson où son journalisme connaît un second souffle aux côtés de Raymond Aron comme éditorialiste.
Prix Nobel de Littérature fin 1952, lécrivain, toujours attiré par la nouveauté, bifurque vers le tout jeune Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Mauriac y apporte son fameux «Bloc-notes». Il y dénonce les crimes de la colonisation. Mais quand Charles de Gaulle en qui il avait tant espéré à la Libération, revient au pouvoir en 1958, Mauriac retrouve son «grand homme» quil suit contre vents et marées jusquà la fin de sa vie.
Le portrait de François Mauriac par Guillaume Gros ne prétend pas se substituer aux biographies de Jean Lacouture (1980) et plus récemment de Jean-Luc Barré (2010). Au lecteur curieux ou pressé, il propose un court ouvrage de synthèse qui décline successivement litinéraire engagé de Mauriac, puis le journaliste et enfin le romancier catholique. Trois champs détudes qui sont souvent cloisonnés dans lhistoriographie de lécrivain. De façon très précise, Guillaume Gros resitue brillamment lécrivain au fil de ses différents engagements qui nont rien de linéaire. Ainsi, la culture antiparlementaire de lécrivain forgée au temps du Bloc des gauches sous la IIIe République, confortée par le 6 février 1934, constitue une clé dexplication du refus viscéral de la IVe république par Mauriac et de son choix définitif en faveur du Général en 1958 : «le retour du général de Gaulle fut la sanction et non la cause de la malfaisance dun régime, celui des gouvernements dassemblée, avec lequel toute une génération politique avait, pour son malheur, partie liée et dont elle doute de pouvoir jamais se dégager» (Bloc-notes, avril 1961).
De la même manière, si Guillaume Gros reprend la logique des engagements catholiques et moraux de lécrivain à partir de 1935, contre lintervention italienne en Éthiopie, contre lEspagne de Franco, contre lAllemagne nazie, puis contre la colonisation, il met en évidence une période souvent éclipsée dans lhistoriographie à savoir lengagement anticommuniste et antisoviétique de François Mauriac au Figaro entre 1946 et 1953. Sur la base dun dépouillement systématique de ses éditoriaux, au nombre de trois par semaine, Guillaume Gros montre que durant cette période de guerre froide, les écrits de François Mauriac, aux côtés de ceux de Raymond Aron, sinscrivent très nettement dans une logique atlantiste. Loin du polémiste brillant et facétieux du «Bloc notes», à LExpress, que lon a coutume de mettre en avant, lécrivain met alors tout son talent et son énergie contre le Bloc soviétique et ceux qui le soutiennent à linstar dun Louis Aragon qualifié par Mauriac «dapôtre du régime concentrationnaire».
Avec la dimension politique, journalistique, est également abordée la question du romancier catholique et provincial dont toute luvre, au-delà du poids de lhéritage dune culture familiale souvent oppressante, est une tentative de se libérer des contraintes religieuses et catholiques. Le roman fut la planche de salut de François Mauriac qui sut créer des personnages réfractaires à la société comme Thérèse Desqueyroux dont il écrivait : «Beaucoup sétonneront que jaie pu imaginer une créature plus odieuse encore que tous mes autres héros». Romancier catholique, Mauriac ne faisait pas de littérature avec de bons sentiments ce qui lui fut vertement reproché par toute une critique catholique.
Organisé en dix questions, dans lesprit de la collection «Portrait dhistoire» dirigée par Éric Alary, ce livre sur François Mauriac propose également vingt-six encadrés, contenant des extraits duvres analysés et de courtes mises au point sur des questions aussi diverses que «François Mauriac et le théâtre», «André Gide et François Mauriac», «Le Cahier noir», «François Mauriac et la question coloniale», «La géographie de François Mauriac». Accompagné dune bibliographie thématique de lécrivain, dune brève chronologie et de quelques pistes pour approfondir le sujet, cet ouvrage constitue une excellente introduction à François Mauriac.
Jean-Baptiste Bruneau ( Mis en ligne le 26/04/2011 ) Imprimer
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