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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Deux héros de la Révolution | | | Alexandre Cousin Philippe Lebas & Augustin Robespierre - Deux météores dans la Révolution française Bérénice 2010 / 15 € - 98.25 ffr. / 192 pages ISBN : 978-2-911232-84-8
Gilles Candar (préface)
L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin. Imprimer
"La mort est pour le juste une palme immortelle ;
En mourant il vécut pour la postérité,
Bon citoyen, bon père, époux, ami fidèle,
Apôtre de nos droits et de la liberté,
Son triomphe est complet, il simmola pour elle» (cit.p.151).
Vantant les mérites de Philippe Lebas, cet acrostiche date du 16 Messidor de lan V. On doit ces quelques vers à un dénommé Gabriel, comme lindique Alexandre Cousin dans son livre intitulé Philippe Lebas & Augustin Robespierre. Deux météores dans la Révolution française. Au cours de cet ouvrage, à la fois bien écrit et passionnant, lauteur revient sur lexceptionnel parcours de ces deux jeunes députés montagnards de la Convention.
Leur histoire revêt un intérêt singulier, dans la mesure où Philippe Lebas (1762-1794) et Augustin Robespierre (1763-1794) furent deux figures de la Révolution française certes importantes, mais à légard desquels la postérité ne fut pas particulièrement clémente. Preuve en est que ces deux proches de Maximilien Robespierre et de Saint-Just sont demeurés relativement peu connus jusquà nos jours. Mais, comme le suggérait naguère Marc Bloch, «plutôt que de consulter sans cesse ces grands premiers rôles de la pensée, lhistorien trouverait peut-être plus de profit à fréquenter les auteurs de second ordre» (p.5). Dans cette perspective, la démarche dAlexandre Cousin consistant à sinterroger sur des acteurs quelques peu méconnus de la Révolution française fait tout à fait sens.
Se fondant sur un travail de recherche universitaire, mais prenant garde de ne point sy limiter, comme le précise Gilles Candar au cours de la préface, lauteur entend contribuer à ce que «notre démocratie renoue le contact avec une histoire révolutionnaire». Dans ce livre, dont le lecteur ne peut que regretter la concision, tant lintérêt de lentreprise parait essentiel, Alexandre Cousin séchine à montrer «finement, mais sûrement, (
) que ces deux amis sont plutôt les ancêtres dune gauche modérée, progressiste, prudente». Ils concevaient en effet la Terreur comme «rendue nécessaire par des circonstances exceptionnelles, mais équilibrée par la recherche et la pratique de la clémence» (p.6).
Au fil des pages, Alexandre Cousin suit avec précision les trajectoires fulgurantes et souvent analogues de Philippe Lebas et dAugustin Robespierre, et ce de lArtois jusquà Paris, même si ceux-ci ne rompirent jamais définitivement les divers liens qui les unissaient à leur province natale. Dans une belle langue, lauteur sévertue à plonger le lecteur dans latmosphère de leurs demeures, dans leurs soucis personnels et familiaux ainsi que dans les affres de la sensibilité du XVIIIe siècle, dont ces ardents Révolutionnaires étaient très imprégnés. Si Augustin ne mena pas la vie monacale et presque purement intellectuelle de son grand frère Maximilien, Philippe Lebas épousa quant à lui lune des filles Duplay. Toutefois, brutalement happé par la Révolution, dont Danton disait quelle «dévore ses propres enfants», il ne put guère voir son fils grandir, lequel devint par la suite archéologue et membre de lInstitut.
Avec brio, A. Cousin restitue toute leur épaisseur humaine à ces deux figures de la Révolution, dont la fin fut ô combien tragique. En effet, lengagement politique de Philippe Lebas et dAugustin Robespierre en faveur de la république les conduisit finalement à la roche tarpéienne. Lorsque la Convention décréta larrestation de Robespierre, Saint-Just et Couthon, Augustin se dressa. Robespierre jeune intervint en effet pour partager le terrible destin de son frère. «Je suis aussi coupable que mon frère, déclara-t-il sans ambages : je partage ses vertus ; je veux partager son sort. Je demande aussi le décret daccusation contre moi». Faisant lui aussi montre dhéroïsme, Philippe Lebas ne se désolidarisa point de ses amis. Prenant la parole, il sécria : «je ne veux pas partager lopprobre de ce décret, je demande aussi larrestation» (pp.142-143). Ce qui revenait in fine à demander la mort. Larrestation fut votée. Toutefois, à la suite dimprobables péripéties, les frères Robespierre, Saint-Just, Couthon et Lebas se retrouvèrent à lHôtel de Ville.
Les frères Robespierre et Philippe Lebas burent donc la cigüe. Ils le firent délibérément afin de disparaître dans la dignité de celui qui se sait pur et nhésite pas à se sacrifier pour une noble cause, mais la fortune de ces acteurs légendaires de la Révolution française fut diverse. La destinée météore de Philippe Lebas sacheva dun coup de pistolet dans la nuit du 9 Thermidor. Mutilés, Maximilien et Augustin périrent quant à eux sur léchafaud au cours de laprès-midi du 10 Thermidor. A la fois semblables et à bien des égards exceptionnelles, les vies de Philippe Lebas et dAugustin Robespierre furent parallèles jusquà leur fin tragique.
Alexis Fourmont ( Mis en ligne le 27/09/2011 ) Imprimer
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