L'actualité du livre Vendredi 26 avril 2024
  
 
     
Le Livre
Histoire & Sciences sociales  ->  
Biographie
Science Politique
Sociologie / Economie
Historiographie
Témoignages et Sources Historiques
Géopolitique
Antiquité & préhistoire
Moyen-Age
Période Moderne
Période Contemporaine
Temps Présent
Histoire Générale
Poches
Dossiers thématiques
Entretiens
Portraits

Notre équipe
Littérature
Essais & documents
Philosophie
Beaux arts / Beaux livres
Bande dessinée
Jeunesse
Art de vivre
Poches
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Camps, famine, tueries
Timothy Snyder   Terres de sang - L’Europe entre Hitler et Staline
Gallimard - Bibliothèque des histoires 2012 /  32 € - 209.6 ffr. / 705 pages
ISBN : 978-2-07-013198-3
FORMAT : 14,0 cm × 22,5 cm

Pierre-Emmanuel Dauzat (Traducteur)
Imprimer

«Voici l’histoire d’un meurtre politique de masse». C’est en ces termes que l’historien Timothy Snyder conçoit sa récente et érudite étude sur les innombrables exactions commises, en Europe centrale et orientale, par les Soviétiques et les Allemands de 1933 à 1945. Intitulé Terres de sang. L’Europe entre Hitler et Staline, cet ouvrage d’une très grande qualité a été publié aux éditions Gallimard.

Il faut d’ores et déjà rappeler qu’il y a, malheureusement, beaucoup à dire sur ce tragique «siècle de fer»… Certes l’Union soviétique défit le IIIe Reich sur le front de l’Est durant la Seconde Guerre mondiale, ce qui valut au «Petit Père des Peuples» la reconnaissance de millions d’individus ainsi qu’un rôle de premier plan dans la mise en place de l’ordre européen d’après-guerre, mais «le bilan des massacres de Staline était presque aussi important que celui de Hitler».

En temps de paix, écrit Timothy Snyder, il est même «bien pire». Prétendant œuvrer à la défense ainsi qu’à la modernisation de l’Union soviétique, Staline contribua directement à la mort de faim de millions d’individus et à l’exécution de quelques 750.000 personnes au cours des années 1930. «Staline tua ses propres citoyens non moins efficacement que Hitler ceux des autres pays», si bien que, «sur les 14 millions de personnes délibérément tués sur les terres de sang entre 1933 et 1945, un tiers sont à mettre au compte des Soviétiques». Ces individus furent «tous victimes d’une politique de tuerie soviétique ou nazie, souvent de l’interaction de l’Union soviétique et de l’Allemagne nazie, mais jamais victimes de la guerre qui les opposa».

Cet espace où Allemands et Soviétiques rivalisèrent de cruauté et de sauvagerie, Timothy Snyder les appelle symboliquement les «terres de sang». Ces terres sont celles où demeuraient la plupart des Juifs du continent et où les visées impérialistes hitlérienne et stalinienne se chevauchèrent. Autrement dit, il s’agit de la Pologne, des pays baltes, de la Biélorussie, de l’Ukraine et de la frange occidentale de la Russie. Les armées américaines et britanniques ne parvinrent jamais jusqu’à ces «terres de sang». Il fallut, donc, attendre la fin de la Guerre Froide avant que les historiens puissent véritablement y enquêter.

Le professeur Snyder, qui enseigne outre-Atlantique à l’Université de Yale, défend l’idée que «ce n’est pas dans des camps de concentration que la plupart des victimes du nazisme et du stalinisme trouvèrent la mort». Ce double «malentendu» à propos des sites et des méthodes de ces meurtres de masse empêcherait d’en saisir pleinement toute l’horreur. Certes il n’est pas possible de distinguer de façon radicale (voire caricaturale) entre les camps de concentration et les autres sites de carnage, car nombre de personnes furent hélas exécutées et moururent de faim dans les camps, mais il existerait bel et bien «une différence entre une condamnation au camp et une condamnation à mort, entre le travail et le gaz, entre l’esclavage et les balles».

Si horrible soit-elle, l’histoire des camps n’est pas toute l’histoire des tueries de masse des années 1930 et 1940. «En Europe, écrit à cet égard l’auteur, on associe habituellement les massacres de masse à l’Holocauste, et l’Holocauste à une tuerie industrielle rapide». Toutefois, «l’image est trop simple, trop propre». Comme l’indique Timothy Snyder, «sur les sites de tuerie allemands et soviétiques, les méthodes de meurtre étaient passablement primitives». Plus de la moitié des quatorze millions de civils et de prisonniers de guerre disparus durant cette sombre période moururent faute de subsistances. Organisant la famine, Staline, puis Hitler contraignirent des millions de personnes à mourir de faim. Les Allemands et les Soviétiques exécutèrent aussi par balles.

Suivant d’une certaine façon la poétesse Anna Akhmatova, laquelle prétendait vouloir «citer tous les noms un par un» des victimes de cette folie meurtrière, Timothy Snyder laisse une grande place aux témoignages de ceux qu’Allemands et Soviétiques assassinèrent. Pour réaliser cette enquête, l’historien s’est en outre penché sur les dossiers des bourreaux allemands (récupérés par les vainqueurs de 1945) et soviétiques, dont les archives ont été ouvertes à la fin de la Guerre Froide.

Dans ce brillant ouvrage, l’historien américain réunit l’histoire des régimes nazi et soviétique, mais aussi l’histoire juive, l’histoire européenne et celle des nations du Vieux Continent.


Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 05/06/2012 )
Imprimer
 
SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

 
  Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
Site réalisé en 2001 par Afiny
 
livre dvd