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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Millions d'anonymes
Laurent Joly    Collectif   La Délation dans la France des années noires
Perrin 2012 /  23.50 € - 153.93 ffr. / 376 pages
ISBN : 978-2-262-03481-8
FORMAT : 15,6 cm × 24,1 cm
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«Peut-être ne s’agit-il que de bavardages, d’imprudences, j’hésiterai toujours à croire un homme capable d’une dénonciation… Vous me trouverez naïf, mais les dénonciateurs me paraitront toujours tellement plus rares que les meurtriers que je n’en reviendrais point d’en avoir approché un». C’est en ces termes quelque peu idéalistes que Paul Nizan considérait, en 1938, la délation. Loin d’être moralement concevable, la dénonciation en tant que telle serait quasi-impossible. C’est-à-dire que, la plupart du temps, on ne dénoncerait pas sciemment, mais en quelque sorte par «erreur». La «véritable» délation serait, quant à elle, très rare. Néanmoins dans de tels cas, elle constituerait un forfait bien pire que le meurtre lui-même.

Pourtant, la réalité de la Seconde Guerre mondiale alla à l’encontre de cette vision. En effet, de nombreux Français dénoncèrent avec un sombre acharnement leurs compatriotes sous l’Occupation allemande, ainsi que le rappelle La Délation dans la France des années noires, ouvrage conçu sous la direction de Laurent Joly et dernièrement paru aux éditions Perrin. Cette enquête découle pour partie d’un colloque organisé au Mémorial de Caen en 2008, auquel de nombreux chercheurs renommés participèrent.

Le thème de la délation durant la guerre est à la fois «sensationnel et douloureux». Il ne laisse pas de susciter la mauvaise conscience nationale, mais également les passions les plus vives et les «clichés demi-savants». Par exemple, on rappelle régulièrement que, sous l’Occupation, «trois à cinq millions de lettres anonymes» furent envoyées et que les Juifs furent les principales victimes de ces pratiques ignobles.

Si les Français n’ont jamais autant écrit qu’entre 1939 et 1945, ce ne fut pas toujours pour dénoncer. Il s’agissait souvent de correspondre avec les deux millions de prisonniers français stationnés en Allemagne et avec les parents séparés par l’exode et la ligne de démarcation ainsi que de demander des renseignements à l’administration pendant cette période de bouleversements majeurs. La voie postale a, par ailleurs, suppléé aux difficultés de circulation et de transmission téléphonique. Dans ce contexte, d’aucuns prirent la plume pour «dénoncer au pouvoir des voisins, des rivaux ou des déviants, selon les normes du moment». Il parait donc difficile d’estimer rigoureusement le nombre de lettres anonymes visant à dénoncer. Il existait, par ailleurs, d’autres moyens de dénoncer, qu’il est encore plus malaisé de quantifier : brèves publiées dans la presse, renseignements donnés par téléphone et communiqués à l’Occupant, etc.

Les auteurs précisent d’emblée qu’«en l’état actuel des connaissances, on peut considérer que plusieurs centaines de milliers d’interactions assimilables à la dénonciation se sont nouées sous l’Occupation». Les conséquences humaines en ont malheureusement été terribles. Nombre d’individus périrent du fait de la délation. Ces tristes pratiques découlèrent notamment du dérèglement tous azimuts du pays faisant suite au «choc de la défaite et (aux) perturbations de la guerre, (à) l’occupation allemande et (à) l’avènement du régime de Vichy (qui) ont bouleversé, quand ce n’est pas perverti, les relations entre la société et le pouvoir».

C’est à l’aune de ces considérations que les auteurs de cet ouvrage collectif se penchent sur le phénomène de la délation durant l’Occupation, laquelle n’a pourtant pas fait l’objet d’une politique d’Etat ou d’une institutionnalisation aussi poussée qu’en URSS, en Italie et en Allemagne. Pour ce faire, douze chapitres sont notamment consacrés aux délits d’opinion, à la traque des communistes et des Juifs, à la répression du marché noir et des réfractaires du STO ainsi que des déviances morales.

Remettant en cause certains poncifs, cet ouvrage scientifique et rigoureux tend à renouveler l’intelligence de la délation durant la Seconde Guerre mondiale.


Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 26/06/2012 )
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