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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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De la complexité d'un conflit épique | | | Paul Kennedy Le Grand tournant - Pourquoi les Alliés ont gagné la guerre. 1943-1945 Perrin 2012 / 25 € - 163.75 ffr. / 462 pages ISBN : 978-2-262-03708-6 FORMAT : 15,4 cm × 24,0 cm
Antoine Bourguilleau (Traducteur) Imprimer
Historien britannique, Paul Kennedy détient la chaire dhistoire des relations internationales de la London School of Economics and Political Science. Il enseigne également à lUniversité de Yale, aux Etats-Unis. Paul Kennedy est lauteur de nombreux ouvrages de référence, dont Naissance et déclin des grandes puissances ainsi que Le Grand tournant. Pourquoi les Alliés ont gagné la guerre. 1943-1945, qui vient dêtre publié aux éditions Perrin.
Dans le présent ouvrage, lhistorien britannique se penche sur la Seconde Guerre mondiale quil analyse à partir dun angle tout à fait inédit. En effet, ainsi que le relève demblée lauteur, cet ouvrage «ne traite pas de la guerre dans son ensemble, pas plus que dune campagne ou dun chef de guerre en particulier ; il sintéresse à la résolution des problèmes posés au cours du conflit ainsi quà ceux qui en eurent la charge, et choisit délibérément de se concentrer sur la période charnière souvrant de lannée 1942 et terminant à lété 1944».
Lhistorien se refuse à toute simplification excessive, comme cest pourtant souvent le cas dans les ouvrages sur le sujet. Paul Kennedy nentend pas expliquer la victoire Alliée par la seule force du nombre, par lutilisation de quelques armes particulièrement sophistiquées, ou bien encore par le recours à un ingénieux système de décryptage. Cette étude vise, au contraire, à rendre compte de linfinie «complexité» de ce «conflit épique» à bien des égards.
Pour ce faire, Paul Kennedy sintéresse tout spécialement à la façon dont des petits groupes dindividus, civils et militaires, ont fourni les moyens de la victoire aux dirigeants des puissances Alliées contre le Reich, lItalie et le Japon. Les problèmes opérationnels des premiers pays sont étudiés, de même que les nombreuses modalités de leur résolution. Il sagit ici de leur donner le «retentissement» qui doit être le leur dans la défaite des forces de lAxe.
Cette histoire débute avec la conférence de Casablanca, laquelle eut lieu en janvier 1943, et se clôt quelques dix-sept mois plus tard avec la chute de lAxe. Lors de cette réunion, les puissances Alliées sefforcèrent de remanier et de refondre rationnellement leur plan stratégique en un tout nettement plus cohérent. Ce nouveau plan daction devait, in fine, assurer la protection des convois de navires marchands à travers locéan Atlantique.
Il était par ailleurs question des combats à mener dans le ciel européen, de surmonter les mécanismes de la guerre mécanisée imposée par le IIIe Reich, de débarquer des troupes sur des côtes tenues par lennemi ainsi que de défaire le Japon. Toutefois, prévient lhistorien britannique, la concrétisation de ces objectifs stratégiques définis à Casablanca navait naturellement rien dinéluctable. Après la conférence, la situation se dégrada dans de nombreux domaines, mais la victoire finale de 1945 vint effacer le souvenir de toutes les difficultés auxquelles se heurtèrent les belligérants. Pis, à tort, elle tend à donner lillusion rétrospective dune marche à la fois providentielle et irrésistible vers le succès.
Les défis auxquels durent faire face les Alliés étaient interdépendants, leur échec dans un domaine conditionnant négativement leurs chances de succès dans dautres secteurs. Par exemple, la réussite dun débarquement impliquait la maîtrise des mers ainsi que celle des airs. Autrement dit, tant que les U-boote allemands faisaient rage dans les mers, linvasion de la France était impossible. Dautre part, les intenses bombardements anglo-saxons sur le Reich devaient faciliter grandement les mouvements de lArmée Rouge, en conduisant les Allemands à affecter nombre de soldats dans la défense antiaérienne, dans la défense passive et dans la reconstruction.
La victoire Alliée navait donc rien dinévitable, bien au contraire. Plus précisément, elle aurait pu intervenir bien plus tardivement quen mai-juin 1945, tant les incertitudes étaient nombreuses. Cette approche multifactorielle originale, qui sinscrit tout à fait dans la lignée de lHistoire de la Seconde Guerre mondiale de Sir Basil Liddell Hart, restitue finement les éléments contingents de la défaite des forces de lAxe et tend à renouveler les études historiographiques sur le sujet.
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 04/12/2012 ) Imprimer | | |
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