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Maurras : un nationalisme esthétique en héritage | | | Michel Leymarie Olivier Dard Jeanyves Guérin Collectif Le Maurrassisme et la littérature - L’Action française, Culture, société, politique (IV) Presses universitaires du Septentrion - Histoire et civilisations 2012 / 26 € - 170.3 ffr. / 314 pages ISBN : 978-2-7574-0401-0 FORMAT : 16,0 cm × 24,0 cm
L'auteur du compte rendu : Chargé d'enseignement en FLE à l'Université de Liège, Frédéric Saenen a publié plusieurs recueils de poésie et collabore à de nombreuses revues littéraires, tant en Belgique qu'en France (Le Fram,Tsimtsoum, La Presse littéraire, Sitartmag.com, etc.). Depuis mai 2003, il anime avec son ami Frédéric Dufoing la revue de critique littéraire et politique Jibrile. Imprimer
Après avoir consacré un volume à lhéritage maurrassien en matière de culture, les Éditions Septentrion ont pris le parti denvisager les rapports privilégiés entretenus par LAction française avec la littérature. Un vaste programme quand on sait combien de grands écrivains adhérèrent au mouvement, ou du moins saffichèrent comme compagnons de route ou sen revendiquèrent comme les héritiers.
Au centre de la féconde triangulation que définissent lesthétique, la littérature et le nationalisme, on rencontrera en tout premier lieu la figure tutélaire de Frédéric Mistral, à qui Martin Motte consacre une substantielle étude. Il y montre notamment à quel point le poète provençal, chef de file du Félibrige, sera le véritable maître à écrire comme à agir dun Maurras qui sera complètement ébranlé lors de sa mort en 1914. Ladmiration était telle que Motte en vient à émettre lhypothèse que Maurras sest identifié à Mistral «au point de reproduire son existence et comme si la littérature, matrice commune de leurs destinées, avait été pour eux le substitut dune impossible politique, le dernier bastion de lHarmonie dans un monde en proie au chaos». La fascination envers lauteur de Miréio perdurera puisque, vingt ans après sa disparition, presque jour pour jour, cétait encore en sa mémoire que le Martégal composait un poème pendant que linsurrection du 6 février battait son (et sang) plein.
À travers une étude à lallure académiquement irréprochable, il demeure perceptible que Jean El Gammal rend un hommage discret à limmense talent de Léon Daudet, dont on ne perçoit pas encore aujourdhui sans doute parce que cela nest pas de bon ton limportance de lenvergure de critique. Daudet le fils avait la plume féroce que lon sait, et entre les mains du médecin quil était, le scalpel se transformait souvent en couteau de boucher. Trois noms sont associés à la postérité de Léon Daudet, et ce sont ceux de trois géants : Proust, qui naurait peut-être pas reçu de si bonne grâce le Goncourt en labsence de lauteur des Morticoles dans le jury ; Bernanos, que Daudet remarqua en 1926 avec le long ébranlement quest Sous le soleil de Satan ; Céline enfin, dont il prononça un éloge enflammé dans les colonnes de lAF, ce qui ne fit pas que des heureux. Mais Daudet navait-il pas rétorqué un jour à Pol Neveux, que le Voyage avait scandalisé : «La patrie, je lui dis merde, quand il sagit de littérature» ?
Le dialogue littéraire au sein de lAF ne se crée pas quentre individualités, même sil est particulièrement intéressant de replonger au cur des polémiques qui éclatèrent, par exemple entre Maurras et Claudel. Limplication est également collective, soit quelle concerne des groupes un tant soit peu structurés (La Jeune Droite) soit quelle relève de tenants dune même génération, non-revendiquée et identifiée de lextérieur (les Hussards, par exemple). Chez la Jeune Droite, représentée par Maxence, Fabrègues, Maulnier et Brasillach, lempreinte maurrassienne est indéniable, mais Olivier Dard a tenu à affiner les liens entre esthétique et politique pour aboutir à ce quil nomme un bilan «en demi-teinte», marqué à la veille du conflit de 1940, non pas à un total désaveu de Maurras, mais à un retour de balancier vers Barrès ; certains personnalistes verront en effet dans le chantre du «Culte du moi» une réponse plus pertinente à la crise de leur temps. Marc Dambre recentre quant à lui linfluence littéraire de Maurras parmi les Hussards sur Roger Nimier, via le truchement de Pierre Boutang. Les Laurent, Déon et autres Blondin auront envers leur grand aîné une révérence lucide, qui les rendra sensibles au poète, à lhomme de culture et de civilisation, mais fort peu au polémiste prônant le «politique dabord».
Maintes autres divergences et convergences sont à découvrir dans ce volume, où aucun nom nest omis, de Bourget à Gide, de Blanchot à Laudenbach, et dont le champ de réflexion dépasse les frontières hexagonales pour transporter le propos dans le Portugal de Pessoa ou la Roumanie de lentre-deux-guerres. Un seul regret : celui de voir se clore une passionnante série de recueils où les principaux axes de lhéritage maurrassien auront été envisagés avec toute la scientificité requise. À moins que, dici deux ans
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 18/12/2012 ) Imprimer
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