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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Bicentenaire d’une occupation
Marie-Pierre Rey   1814 : un Tsar à Paris
Flammarion - Au fil de l'histoire 2014 /  22 € - 144.1 ffr. / 330 pages
ISBN : 978-2-08-129035-8
FORMAT : 15,4 cm × 24,0 cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est responsable des collections de monnaies et médailles du musée Carnavalet après avoir été adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié, entre autres titres, Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Louis XIV. Homme et roi (Tallandier, 2012), Fontainebleau. Mille ans d'histoire de France (Tallandier, 2013).
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L’année 1814 est familière aux amateurs d’histoire militaire : c’est l’année de la campagne de France, qui passe, aux yeux des tacticiens, pour la plus brillante de Napoléon. Marie-Pierre Rey a choisi de ne pas refaire les ouvrages de Thiers, d’Albert Sorel ou d’Henry Houssaye, qui donnent une place prépondérante au récit des opérations, pour retracer l’histoire politique de cette année de guerre. Le livre renouvelle le sujet grâce à l’apport de sources imprimées et manuscrites en langue russe à peu près inconnues en France. Nous découvrons ainsi la campagne de France, la sanglante bataille de Paris des 30-31 mars et l’occupation de la capitale non seulement à travers les témoignages français mais aussi à travers ceux du tsar Alexandre, de ses conseillers et des officiers de son armée.

Cette documentation inédite montre une nouvelle fois, s’il en était besoin, combien le Napoléon des dernières années a accumulé les fautes politiques. On découvre ainsi que, parmi les conseillers d’Alexandre Ier, plusieurs n’étaient pas convaincus de la nécessité d’abattre l’«ogre de Corse» et songeaient déjà aux confrontations futures avec l’Autriche, la Prusse et la Grande-Bretagne. Mauvais diplomate, l’empereur n’a pas su exploiter les tensions latentes entre ses ennemis. Quant au tsar, balançant entre sa nature profonde d’autocrate, ses tendances libérales et sa pose de «sauveur de l’Europe», il mêle inextricablement idéologie et realpolitik. Aller à Paris, c’est chercher la revanche de l’entrée des Français dans Moscou ; c’est aussi prendre des gages pour assurer l’annexion de la Pologne à son empire lors des prochaines négociations de paix. Pour le reste, Alexandre n’était nullement décidé à remettre les Bourbons sur le trône.

Il faudra pour ce faire une ultime faute de Napoléon, cette fois de politique intérieure. Alors que les Alliés s’approchent de Paris, l’empereur en fait sortir l’impératrice, le roi de Rome et les principaux dignitaires, leur ordonnant de gagner Blois. Il décapite ainsi lui-même son gouvernement, laissant s’installer dans la capitale, où depuis 1789 se font et défont les régimes, une dangereuse vacance du pouvoir. Dans la suite des événements, Alexandre finit par se rallier à la solution Louis XVIII, non pas, comme on le dit trop souvent, en se laissant berner par Talleyrand, mais parce que cette solution est, sur le moment, la moins mauvaise. Le ralliement est cependant sans enthousiasme, tant les Russes sont conscients du faible charisme de la dynastie restaurée et de son aversion pour les idées libérales.

On l’a dit, les Russes considèrent l’occupation de Paris comme une revanche sur la destruction de Moscou. C’est à un double titre : il s’agit d’humilier l’envahisseur de 1812 mais aussi de lui démontrer – et en même temps à toute l’Europe – la supériorité morale de son adversaire. «Je viens rendre le bien pour le mal», déclare Alexandre. Paris connaît de ce fait un sort privilégié. Tandis que l’est de la France a subi pendant la campagne toutes les horreurs de la guerre – meurtres, viols, incendies, pillages – la ville est épargnée. Les cosaques campent sur le Champ-de-Mars et sur les Champs-Élysées mais sont astreints à une sévère discipline.

De part et d’autre, on se découvre non sans quelque appréhension. Les Parisiens trouvent les Cosaques moins féroces qu’annoncé et se livrent avec eux à toutes sortes de trafics : c’est le début d’une première russophilie. Les officiers russes, souvent francophones et francisés, visitent «la capitale de l’univers», ses musées, ses restaurants et ses maisons de plaisir du Palais-Royal. Déçus par la campagne française, qui leur a paru pauvre et sale, ils ne le sont pas par la ville dont leur culture leur ouvre les codes. La troupe, tenue de près, astreinte à des exercices et des défilés constants – «paradomanie» impériale oblige – trouve le cantonnement moins agréable. Quant à Alexandre, toujours posant, il rêve à une réorganisation de l’Europe autour d’une alliance chrétienne des souverains.

L’ouvrage est doté d’un intéressant cahier d’illustrations en couleur – qui donne à voir quelques objets inédits, comme un verre à champagne de fabrication russe célébrant l’entrée d’Alexandre à Paris –, d’une bibliographie, d’un index général et d’un important apparat critique. Dans la bibliographie comme dans les notes, les titres des ouvrages en langue russe sont donnés en transcription et en traduction. Avec ce 1814, Marie-Pierre Rey conclut en beauté une trilogie ouverte en 2009, avec sa biographie d’Alexandre Ier et poursuivie en 2012 avec l’histoire de la campagne de Russie. On attend avec impatience qu’elle nous livre d’autres pages d’une histoire franco-russe renouvelée par l’exploration des archives.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 02/12/2014 )
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