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La France qui perd
Georges-Henri Soutou   La Grande illusion - Quand la France perdait la paix, 1914-1920
Tallandier 2015 /  21,90 € - 143.45 ffr. / 376 pages
ISBN : 979-10-210-1018-5
FORMAT : 14,5 cm × 21,5 cm
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Pour les journalistes ou les hommes politiques, le traité de Versailles de 1919 fut un diktat imposé à l’Allemagne, une disposition humiliante infligée au vaincu au mépris de tout réalisme, au nom de l’idée que, quoi qu’il arrive, «l’Allemagne paiera». C’est cette image volontiers simpliste qui est aujourd’hui examinée et discutée brillamment par Georges-Henri Soutou, dans un beau livre consacré aux enjeux qui ont présidé à la signature du traité de Versailles.

Grand spécialiste de la Première Guerre mondiale, auquel il a déjà consacré de nombreux ouvrages et d’articles, Georges-Henri Soutou analyse les conceptions des signataires de Versailles depuis le début du XXe siècle. Il présente avec brio les moments charnières de la Guerre, analysant successivement : les responsabilités dans la marche à la guerre, notamment la position française, fondée sur le droit, qui met en avant la violation de la neutralité belge par l’Allemagne ; l’action de Briand, plus dynamique que Viviani, et les succès qu’il remporte lors de l’offensive sur la Somme en 1916 ; les polémiques qui suivent l’échec de l’offensive Nivelle en 1917 et les manœuvres qui aboutissent à la nomination de Pétain ; les tentatives de paix puis les dernières négociations qui suivent l’entrée en guerre des États-Unis et précèdent immédiatement l’effondrement de l’Allemagne.

Le rappel des faits est l’occasion pour l’auteur de montrer une maîtrise consommée de la période mais il lui sert surtout à éclairer les ambitions, les conceptions, ce qu’il appelle les «buts de guerre» des milieux dirigeants français. Il s’agit du morceau de choix du livre. Georges-Henri Soutou connaît tout du caractère et des ambitions des personnalités politiques de l’époque, dont il a plaisir à détailler les intentions, les espoirs et les aspirations, pour livrer une magistrale histoire de la Grande Guerre vue d’en haut, c’est-à-dire de l’Élysée, de la présidence du Conseil et du Quai d’Orsay.

De façon frappante, Georges-Henri Soutou met en évidence l’extrême modération des dirigeants françaises, à rebours complet d’une opinion chauffée à blanc contre l’Allemagne et saignée par ses 1,3 millions de morts. À aucun moment, la France, focalisée sur le retour des «provinces perdues», l’Alsace-Lorraine, et quelques considérations sur le fonctionnement économique de l’Europe au lendemain des hostilités, ne se montre le stratège visionnaire qu’il aurait fallu, ni la prédatrice avide que certains lui reprocheront d’être.

Au contraire, hommes politiques et hauts fonctionnaires paraissent tout imprégnés d’un juridisme étroit, d’une honnêteté confondante, et des bons sentiments qui confinent souvent à la naïveté. Certes la situation est complexe, totalement inédite par l’ampleur absolument sans précédent dans l’histoire des destructions subies, mais aussi par le retrait de la Russie, depuis deux siècles un acteur majeur de la scène européenne. Mais Georges-Henri Soutou éclaire d’un jour cru les faiblesses intrinsèques de la position française : la France renonce d’elle-même à tous les précédents inspirés par l’expérience ou le bon sens, notamment la formule quelque peu punitive de l’indemnité de guerre, ou le principe du forfait, proposé par l’Allemagne moyennant une indemnité de 100 milliards de marks-or, qui aurait permis de purger d’un coup le contentieux franco-allemand. Quelle étrange idée que de préférer le paiement de réparations confiées à une commission dotée de pouvoirs flous et un obscur système de garantie, qu’on savait d’emblée inefficace, voire inapplicable ? Pas étonnant que le brillant Keynes ait décidé, devant l’absence totale de réalisme de ses interlocuteurs à la conférence de la paix, de jeter l’éponge…

Ce ne sont donc pas seulement les bizarreries de Clemenceau, les «belles idées» de Wilson et le refus des États-Unis de ratifier le traité instituant la Société des Nations qui ont conduit à l’échec de Versailles, c’est aussi la volonté française de négliger tant les méthodes du concert des Nations que l’idée même d’équilibre européen, qui avaient pourtant si bien fonctionné au XIXe siècle à la suite du congrès de Vienne. En rêvant à une possibilité de régler le conflit de façon juste, rationnelle, mathématique, suivant les idéaux de la IIIe République, la France s’est privée des recettes traditionnelles de la diplomatie. La vision décapante proposée par Georges-Henri Soutou ne laisse pas intacte toutes les figures de la diplomatie, notamment le célèbre Philippe Berthelot, l’éminence grise de Briand, à la réputation est encore grande aujourd’hui au Quai d’Orsay, qui se voulait un «anti-Talleyrand». Il ne pouvait pas si bien dire !


Jean-Philippe Dumas
( Mis en ligne le 13/10/2015 )
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