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Tradition biographique
Jean-François Solnon   Histoire des favoris
Perrin 2019 /  24 € - 157.2 ffr. / 448 pages
ISBN : 978-2-262-04200-4
FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général honoraire du Patrimoine et a enseigné l’histoire moderne à l’Université Paris I. Elle a récemment publié Rendez à César. L'Eglise et le pouvoir (Flammarion, 2017), Une brève histoire de l’Église. Le cas français (Flammarion 2019), ainsi que Le Parlement de Paris. Histoire d’un grand corps de l’État (avec Monique Morgat-Bonnet, Champion, 2018).
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On ne peut que rendre hommage au talent et au métier de Jean-François Solnon, ce maître ès histoire politique et sociale de l’Ancien Régime, qui nous a introduits au monde de la cour, à la connaissance de grandes familles telles les Ormesson ou encore de la région franc-comtoise. Autant dire immédiatement que les seize chapitres qui constituent son dernier ouvrage sont autant de biographies bien informées et formellement parfaitement maîtrisées, à travers lesquels le lecteur pourra s’ébattre avec un plaisir immédiat et constant. C’est une vulgarisation de qualité, autour de la question du favori, d’une histoire récit déjà écrite par ailleurs (et on ne saurait dans ces conditions parler d’une «histoire inédite»). Le lecteur pourra éprouver l’émoi de pénétrer dans les coulisses des cours européennes et de vivre dans l’intimité des souverains.

En fait et très loin de toute caricature, il s’agit d’un rôle complexe : les souverains européens se sont temporairement dotés d’une sorte de second en la personne d’un conseiller privilégié diversement désigné (favori, valido, principal ministre…), que les historiens désignent ordinairement sous l’appellation de «conseiller favori». Prolongement de la présence dans l’entourage du roi d’ecclésiastiques, voire de la tradition des maires du palais, ils ont souvent été de véritables hommes d’État reconnus comme moteurs de l’action politique, ayant endossé le rôle de mise à niveau de l’appareil d’État, et assumé les mécontentements qui en ont résulté. Ce qui n’exclut point l’existence souvent rivale de favoris au sens traditionnel, exprimant une sexualité royale plus ou moins refoulée. En France, la prise de pouvoir de Louis XIV a affirmé la fin de leur temps, mais on constate à travers l’Europe une réapparition de la fonction au XVIIIe siècle et son prolongement au XIXe, appelant les études comparatistes souhaitées naguère par Jean Bérenger («Pour une enquête européenne : le problème du ministériat au XVIIe siècle», Annales ESC, 1974, pp.166-192).

Les choix effectués par Jean-François Solnon (successivement les mignons d’Henri III, les favoris d’Elizabeth Ière, Buckingham, Marie de Médicis et les Concini, Louis XIII, Luynes, Cinq-Mars et Richelieu, Mazarin, Olivares, Menchikov, Bühren et Razoumovski, Potemkine, Struensee, Godoy, Louis XVIII et Decazes, Disraeli et Victoria) illustrent – un cahier d’illustrations les présentant physiquement aurait d’ailleurs été bienvenu – cette chronologie et manifestent bien le déséquilibre structurel de ces couples dont, en fin de compte, le souverain est sans conteste le protagoniste : leur histoire signifie l’évolution au fil du temps d’un des rouages majeurs de la construction et du fonctionnement de l’État moderne, mais le personnage central c’est bien le souverain qui l’autorise et l’utilise. Resterait encore à éclairer la question majeure des rapports des individus et de la collectivité, de l’inscription des initiatives personnelles dans le cadre plus large de la nécessité sociale…

En revanche, peut-on adresser un satisfecit sans réserve à l’éditeur qui a présidé à la réalisation de cet ouvrage ? On est en effet bien loin des réserves émises au siècle dernier par les maîtres de l’école des Annales à l’endroit de l'histoire-récit reléguée au niveau inférieur ou marginal de la petite histoire et du genre biographique également entraîné dans ce discrédit d'une histoire plus littéraire et artistique que scientifique. La lassitude éprouvée par le grand public et par une partie des historiens est aujourd’hui dépassée et ce type de publications révèle une tendance actuelle de l’édition du livre d’histoire qui consiste, sans doute dans la foulée des pratiques promotionnelles estivales de la presse, à concevoir des ouvrages généralement bien informés à l’usage de l’instruction et du divertissement (et de la fidélisation) de ses lecteurs. Le succès est assuré à moindre frais avec ce retour de l‘événement et de la biographie, et les favoris ici présentés auraient tout aussi bien pu alimenter un feuilleton estival avant d’être réunis sous une même couverture… La conséquence c’est l’absence de vue d’ensemble et d’analyse d’un phénomène présenté de manière morcelée sans grand lien entre les chapitres (excepté pour le XVIIe siècle français plus familier à l’auteur où est esquissée une continuité). Les 9 pages d’avant-propos sont exemptes de problématique et l’absence de conclusion en révèle le manque constitutif. Si l'on apprécie la position en bas de page de notes explicatives, on regrettera tout autant que les citations n’aient pas été systématiquement et directement référencées dans les notes de référence et que les bibliographies se limitent généralement aux biographies françaises existantes pour chaque personnage. Si la bibliographie s’ouvre bien par la citation de l’ouvrage de référence (J. H. Elliott et L. W. B. Brockliss, The World of the Favourite, Yale University Press, 1999), la prospection de la bibliographie anglo-saxonne qui n’a jamais délaissé le genre biographique n’a pas été assez poursuivie (citons simplement pour le règne de Louis XIII le bel ouvrage de Sharon Kettering, Power and Reputation at the Court of Louis XIII: The Career of Charles d’Albert, Duc De Luynes (1578-1621), Manchester University Press, 2008), pas davantage que n’a été développée ni même vraiment reprise la réflexion proposée dans cet ouvrage collectif.

La question mérite d’être posée au regard des récentes publications (autour des énigmes et secrets, de l’histoire de personnages ou de couples, de lieux ou d’années auxquelles tous les historiens ont, reconnaissons-le, peu ou prou prêté la main…) qui signifient ce retour de balancier éditorial vers une histoire événementielle vulgarisée et donc dégagée des contraintes de la recherche et de l’érudition, comme de la perspective problématique dont on avait pu considérer qu’elle constituait l’acquit le plus constitutif de la naguère «nouvelle» histoire. N’y aurait-il pas aujourd’hui pour l’édition non pas mieux, mais un peu plus à faire ? Tout simplement garder en mémoire la démarche du Luther de Lucien Febvre, autre grand historien de la Franche-Comté, qui dénonçait si bien le caractère réductif «d'un travail de fenêtres closes et de rideaux tirés» (Combats pour l'Histoire, p.6).


Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 18/11/2019 )
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