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Les mécanismes de l’étrange défaite | | | La Campagne de 1940 Tallandier 2001 / 24,70 € - 161.79 ffr. / 608 pages ISBN : 2-235-02312-6
Dirigé par Christine Levisse-Touzé. Imprimer
Combien de livres, de mémoires, détudes, darticles sur la défaite française de 1940 ? Des dizaines dimportants, des centaines dutiles, des milliers daccessoires. Au milieu de cette profusion, le sentiment demeure pourtant que lessentiel nest pas éclairci. Il manque aussi un grand livre, un livre définitif, sur le désastre national. Toujours évoqué, toujours invoqué, de manière parfois un peu trop révérencieuse ou incantatoire, LEtrange Défaite, de Marc Bloch, est un témoignage de prix, une réflexion dune grande hauteur de vues, non une étude exhaustive et savante. Les ouvrages les plus répandus sur la guerre de 1939-1940 ne sont pas non plus luvre duniversitaires. À quelques exceptions près, la recherche en histoire contemporaine a évité le cadavre de la IIIe République, comme si son autopsie devait révéler quelque vérité par trop nauséabonde.
Si le soixantième anniversaire de 1940 na pas permis de combler cette lacune, il a donné loccasion de dresser le bilan des connaissances et des débats, et de proposer quelques grandes directions de recherche. Le présent volume, qui contient les actes dun colloque tenu au musée de larmée du 16 au 18 novembre 2000, est un des plus solides résultats de cette commémoration. Il faut en féliciter les éditeurs, qui ont respecté lapparat critique des communications, restitué les débats souvent animés, comme le sujet y conviait, ajouté des cartes et un index. Les contributions, toutes intéressantes mais quon ne peut mentionner ici dans le détail, sont rassemblées dans quatre grandes subdivisions : la stratégie, les opérations, larrière, la défaite. On signalera parmi les études particulièrement séduisantes ou inattendues pour le lecteur français, celle sur le rôle de larmée belge (Jan Vanwelkenhuyzen), sur le renseignement français au printemps 1940 (Olivier Forcade), sur la surprise allemande devant la défaite française (Dominic Pedrazzini). Les discussions sont notamment revenues sur la notion de Blitzkrieg, récemment remise en cause par lhistorien allemand Frieser.
Paradoxalement, le grand absent de louvrage est le pouvoir politico-militaire français, gouvernement et haut-commandement, dont le fonctionnement ou plutôt le dysfonctionnement mériterait une anatomie scrupuleuse. Le généralissime Gamelin, évidemment très coupable, est un peu larbre qui cache la forêt. Une ample carrière souvre là aux jeunes historiens de ladministration et de lÉtat, dautant plus passionnante quelle pourrait nêtre pas sans implications sur lorganisation actuelle de nos systèmes de commandement.
La Campagne de 1940 sera un bréviaire de ces travaux futurs. Avec ce volume et quelques autres publications du soixantième anniversaire, une étape décisive est franchie. Lhistoriographie est passée de la recherche des responsabilités de la défaite à celle, plus utile et plus gratifiante, de ses mécanismes.
Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 29/05/2002 ) Imprimer
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