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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Robert Belot Henri Frenay - De la Résistance à l'Europe Seuil - L'univers historique 2003 / 26 € - 170.3 ffr. / 750 pages ISBN : 2-02-025870-6 FORMAT : 14x21 cm
L'auteur du compte-rendu: Sébastien Laurent, agrégé et docteur en histoire, est maître de conférences à lUniversité Bordeaux III et à lIEP de Paris. Chargé détudes au Service historique de larmée de terre, il consacre ses recherches depuis plusieurs années aux services de renseignements militaires et policiers aux XIXe et XXe siècles. Il est le fondateur de la section "Histoire & sciences sociales" de Parutions.com. Imprimer
Le personnage auquel Robert Belot a consacré une très solide biographie était jusqualors un grand méconnu. Henri Frenay (1905-1988) fut le fondateur de lun des principaux mouvements de résistance, Combat. En dehors de cette période, laction du personnage demeurait totalement ignorée. Lon savait peu de choses de sa brillante carrière militaire précédant la guerre et moins encore de ce quil devint après la Seconde Guerre mondiale.
Le grand mérite de lauteur, biographe remarqué de Lucien Rebatet (Lucien Rebatet, un itinéraire fasciste, Seuil, 1994) et auteur dun très bon ouvrage consacré aux réseaux dévasion par lEspagne pendant la guerre (Aux frontières de la liberté, Fayard, 1998), est de sortir le personnage de la légende et du mythe, de le restituer à lhistoire en replaçant lépisode - qui fut aussi une épopée - de lOccupation dans une analyse historique embrassant toute sa vie.
Frenay fut pour le moins un personnage atypique. Officier brillant ceint de divers lauriers (Saint-Cyr, école de guerre), de tendance nationaliste et conservatrice, sa vie connaît un infléchissement assez net lorsquil rencontre puis séprend dune militante antifasciste, Bertie Albrecht, au milieu des années 1930. Il effectue par la suite une année détudes au Centre détudes germaniques de Strasbourg où il est sensibilisé à la menace nazie en Europe.
Lauteur insiste fortement sur les années davant-guerre, estimant que Frenay découvre la dimension totalitaire et non pas seulement militaire et expansionniste du nazisme. Peut-être Robert Belot a-t-il tendance à ce stade à survaloriser une dimension à laquelle de nombreux autres militaires furent également sensibles. Quoi quil en soit, il montre là une évolution de la «culture politique» de cet officier au profil initial fort classique.
La très consciencieuse enquête menée par R. Belot dans les fonds darchives lui permet de consacrer des chapitres complets à la période de lOccupation. Il revient sur les épisodes controversés, celui du manifeste dHenri Frenay rédigé en novembre 1940, larrestation de Jean Moulin à Caluire mais aussi lépisode du financement américain de Combat. A chaque fois, il apporte des réponses mesurées, reposant sur des découvertes darchives nouvelles, confrontées aux plus anciennes. Incontestablement, la rigueur universitaire donne là toute sa qualité à cette biographie, loin de toute approximation ou dun quelconque déterminisme psychologique.
Non-conformiste à sa manière, Henri Frenay quitte larmée au début de lannée 1941 et se consacre pleinement au mouvement de résistance Combat. Les qualités dorganisateur de Frenay font du mouvement lun des mieux structurés et lun de ceux dont lapport à la résistance va être considérable. Au début de lannée 1942, Frenay se rallie au général de Gaulle. A limage de nombreux autres responsables de la résistance, son hostilité aux partis lamène à alimenter lespoir dun renouveau de la vie politique à la Libération en dehors des formations politiques davant-guerre.
Léchec politique de la résistance est immédiat, Frenay abandonne lUDSR pour se tourner alors vers un nouveau combat, celui de lEurope. Robert Belot étudie ensuite très longuement un troisième volet de la vie de Frenay, totalement méconnu. Après sa courte expérience ministérielle à la Libération, Frenay séloigne de lexercice du pouvoir et se mue alors en homme dinfluence, diffusant ses idées nouvelles : leuropéanisme puis le fédéralisme.
Cette mue indique chez lancien officier nationaliste un abandon complet de ses convictions anciennes, à commencer par la négation de lidée nationale. Inévitablement ce nouveau chemin léloigne profondément de celui du général de Gaulle. La voie prise par lEurope à partir du traité de Rome en 1957 nest pas celle à laquelle aspirent les fédéralistes européens et en 1959, Frenay met un terme à sa campagne daprès-guerre. Lauteur excelle dans ce portrait au cordeau et montre, malgré quelques longueurs, quil na de portée que dans une perspective de longue durée.
Sébastien Laurent ( Mis en ligne le 11/09/2003 ) Imprimer
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