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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Les identités de genre à l’épreuve des deux guerres mondiales | | | Luc Capdevila François Rouquet Fabrice Virgili Danièle Voldman Hommes et femmes dans la France en guerre - (1914-1945) Payot 2003 / 22.50 € - 147.38 ffr. / 362 pages ISBN : 2-228-89771-X FORMAT : 14x23 cm
Lauteur du compte rendu : Éric Alary, agrégé dhistoire, Docteur ès Lettres de lIEP de Paris thèse sur la ligne de démarcation publiée en 2003 chez Perrin-, professeur en Lettres Supérieures et en Première Supérieure au lycée Camille Guérin de Poitiers, est chercheur associé au CHEVS/ FNSP. Imprimer
Les auteurs partent dun constat : «la guerre, haut lieu de la différence sexuelle.» Lobjet du livre est bien de dévoiler, grâce à une démarche historique et anthropologique neuve, lhistoire de la société française à travers lobservation de lévolution des identités masculines et féminines. Le genre a son histoire entre 1914 et 1945, avec ses ruptures et ses continuités. Pour mener à bien un tel projet, le choix chronologique est essentiel puisquil permet dapprécier les dynamiques et les comparaisons. Trois parties suffisent à convaincre le lecteur de la pertinence de lessai. Après une belle introduction problématique sur le genre comme identité et le genre face à la guerre, les auteurs nous entraînent vers la place accordée aux hommes et surtout aux femmes dans lentrée en guerre de la France, tant en 1914 quen 1939.
Pendant la Grande Guerre, dans les états-majors militaires, la femme est pensée comme le genre qui ne peut pas prendre les armes. Cela reste lattribut par excellence de lexpression virile ; seul lhomme est le guerrier. En revanche, lors des deux conflits, lensemble de la nation, hommes et femmes, ont contribué à leffort de guerre. Dans les années vingt et trente, par expérience, les hommes politiques et les militaires ont préparé les civils à la défense de larrière, car nul nest à labri de la nouvelle arme que constituent les bombardements. Les dynamiques sociales de la différence des sexes sont analysées : les rôles des hommes et des femmes ont été révisés entre les deux guerres mondiales. La mobilisation nest plus seulement affaire dhommes en 1939, comme ce fut le cas en 1914. Lenrégimentement des femmes devient concevable dans la résistance, notamment communiste, à partir de lentrée de lURSS en guerre. Les Français libres commencent aussi à entrevoir la possibilité denrégimenter des femmes dans le cadre de la reconstruction dune armée de masse. Ce disant, en 1944, la femme combattante reste très rare. Lorganisation sexuée de la société a été incontestablement modifiée sous loccupation : les femmes sont désormais associée à la production nationale et au combat collectif pour recouvrer la liberté.
La deuxième partie de louvrage est une fine étude du rôle et de limmixtion de lEtat dans lorganisation des genres. LEtat-chaperon, lEtat-démographe, lEtat-père, lEtat-gendarme sont autant de facettes dun contrôle social des hommes et des femmes, notamment en période de guerre. Les auteurs reviennent bien sûr sur les femmes seules, dont les époux sont faits prisonniers. La cellule familiale est fissurée pour plusieurs années. LEtat de Pétain réglemente alors les cadres de la vie privée des femmes seules qui ne doivent en aucun cas profiter de labsence du mari pour senticher du premier venu. Laction du voisinage est dès lors un levier de contrôle. La séparation physique est gérée par lEtat. Ce dernier, dans les deux guerres, doit prendre des mesures préventives pour empêcher lexacerbation des pulsions sexuelles de la soldatesque. Evidemment, létude de la prostitution est incontournable. Des mesures prophylactiques sont prises partout dans les campements militaires. Les soldats français font un usage modéré du préservatif. Le sexe devient affaire dEtat et lorganisateur des murs des hommes et des femmes. La question des enfants illégitimes est également posée.
Enfin, louvrage est complété par une interrogation sur limpact des guerres totales sur les identités masculines et féminines. Les guerres ont brouillé les frontières entre les assignations féminines et masculines. Il est clair que les identités ont connu des transformations même si lacceptation dune nouvelle participation des femmes dans le fonctionnement du pays reste ambivalente dans les esprits. Les mentalités changent très lentement et les stéréotypes ont la vie dure. Un appareil critique pertinent, une bibliographie qui renouvelle la connaissance de lhistoriographie sur le genre et un index complètent louvrage.
Eric Alary ( Mis en ligne le 07/11/2003 ) Imprimer
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