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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

De la fête révolutionnaire à la fête républicaine
Rémi Dalisson   Les Trois couleurs, Marianne et l'Empereur - Fêtes libérales et politiques symboliques en France 1815-1870
Boutique de l'histoire 2004 /  24 € - 157.2 ffr. / 305 pages
ISBN : 2-910828-30-1
FORMAT : 16x24 cm

Préface de Maurice Agulhon.

L'auteur du compte rendu: Natalie Petiteau, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Poitiers, est historienne de la société du XIXe siècle et de la portée des années napoléoniennes. Elle a notamment publié Napoléon, de la mythologie à l'histoire (Seuil, 1999) et Lendemains d'Empire: les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle (Boutique de l'histoire, 2003).
Elle est par ailleurs responsable éditorial du site http://www.calenda.org.

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Préfacé par Maurice Agulhon, ce livre vient combler le vide qui subsistait entre les travaux de Michel Vovelle et de Mona Ozouf, sur la fête révolutionnaire, et ceux d’Olivier Ihl, sur la fête républicaine. On disposait certes de l’ouvrage collectif sur les usages politiques des fêtes, ou encore des travaux de Jean-Pierre Bois sur les 14 juillet, mais il manquait une synthèse pour les années 1815-1870. Voilà qui est fait par Rémi Dalisson, qui nous conduit dans cette histoire au fil de quatre gros chapitres bâtis en suivant la trame chronologique du sujet.

L’ambition de l’auteur est de s’inscrire dans l’histoire des symboles politiques pour laquelle Maurice Agulhon avait déjà ouvert la voie. Il a pour cela choisi de faire l’histoire des fêtes publiques, à l’exclusion des fêtes religieuses, dans lesquelles on peut voir un outil didactique que tous les pouvoirs ont utilisé pour se légitimer. En ce domaine, la Restauration reçoit en fait un lourd héritage, tant de l’Ancien Régime que de la Révolution et de l’Empire. Mais si héritage il y avait, la Restauration n’en a pas moins commencé par orchestrer des fêtes de destruction afin de brûler en place publique nombre de symboles du régime précédent. Elle a de plus multiplié les fêtes d’expiation en mémoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette, fêtes durant lesquelles la religion joue un rôle essentiel. Parallèlement, la chaîne des temps est renouée par le rétablissement de pratiques anciennes comme les entrées royales, mais aussi par le retour des fêtes liées aux événements majeurs survenant dans la famille royale (mariages, baptêmes, décès), y compris le couronnement de Charles X en 1824. Du reste, les fêtes nationales sont désormais des fêtes faisant écho à l’un ou l’autre de ces événements (Saint-Louis puis Saint-Charles, mais aussi le 21 janvier). Toutefois, dans les préséances notamment, quelques concessions ont été faites puisque c’est l’ordonnancement orchestré par l’Empire qui est respecté, donnant à voir une hiérarchie sociopolitique qui n’est pas celle de l’Ancien Régime. L’armée cependant est rarement convoquée aux défilés, ce qui résulte de la tentative pour domestiquer les souvenirs républicains et impériaux. Sur le plan local, les adaptations se sont faites sans conflit, les autorités laissant par exemple remplacer la fête du roi par celle du saint local. Au total, les fêtes de la Restauration ont été “une tentative illusoire pour recréer un passé symbolique et absolutiste que la Charte contredisait”.

Après Juillet 1830, le régime de Louis-Philippe, dans sa politique festive, est guidé par la volonté de contenter le plus grand nombre en opérant la synthèse entre le souvenir de l’été 1789, la fête de la fédération et la commémoration des Trois Glorieuses. Il s’agit par ailleurs de donner du répondant aux bonapartistes qui relèvent la tête et aux populations rurales séduites par le mythe napoléonien. Mais le rétablissement de la statue de Napoléon Ier au sommet de la colonne de la place Vendôme, puis le retour des Cendres, ne sont-ils pas aussi et surtout un moyen pour le régime de se draper dans la gloire du Premier Empire ? Tout cela, en tout cas, s’opère sous le contrôle d’une législation extrêmement précise, qui a pour but de veiller à ce que les fêtes ne soient pas l’occasion de proférer des paroles hostiles au régime. Les préfets n’ont en revanche pas pu éviter que les fêtes commémoratives de Juillet se fassent plus rares dans les régions légitimistes comme la Bretagne. Quant aux fêtes locales, elles sont plus fréquentes et plus variées que sous la Restauration : si elles ne se tiennent pas sans l’autorisation des préfets, elles ont généralement lieu à l’initiative des maires. Elles sont l’occasion de faire l’apologie des valeurs civiques et elles mettent en scène la garde nationale en présence systématique d’un personnage devenu essentiel dans la vie politique : le maire. Pour certaines, par leur position dans le calendrier, ces fêtes locales laissent s’établir une confusion entre fêtes de la monarchie et fêtes rurales. Elles demeurent des espaces de liberté où la parole contestataire est intervenue parfois aux côtés de la parole officielle. Mais apparaissent aussi des fêtes d’un type nouveau, que Rémi Dalisson regroupe sous le terme de “ fêtes progressistes ” : elles honorent les chemins de fer nouvellement construits, ou bien encore le canal Rhin-Rhône. Pourtant, la fête de la monarchie de Juillet ne parvient finalement pas à opérer la synthèse initialement désirée, elle a en revanche réinterprété des codes anciens (garde, messe), réintégré des héritages (arbres de la liberté, colonne de Juillet à l’emplacement de la Bastille), et imposé des images symboliques durables (les trois couleurs, le coq).

C’est de nouveau l’ambition de la synthèse qui anime la Seconde République, afin de préserver les avancées de la fête libérale opérées sous la Monarchie de Juillet - le respect des trois couleurs en est une illustration - “tout en définissant un modèle festif qui incarnait une République sociale”. On organisa donc une fête de la fraternité le 20 avril 1848, une autre dédiée à la proclamation de la République, le 4 mai, une troisième vouée à célébrer à la fois la concorde et l’Assemblée nationale, le 21 mai. Mais lorsque le 6 juillet, la République conservatrice rend hommage aux morts de juin 1848, la cérémonie est glacée, le peuple en est absent. Toutefois, l’exaltation républicaine s’est exprimée durant au moins six mois dans les fêtes locales autour des arbres de la liberté, permettant d’établir une continuité avec 1789 et 1830. Après l’élection du 10 décembre 1848, ne subsistent que deux fêtes. La première, le 24 février, commémore les journées révolutionnaires, mais elle a rapidement perdu ses caractéristiques civiques et démocratiques, et elle s’est faite de plus en plus discrète. La seconde, se voulant plus pacifiée, commémorait la proclamation de la République, le 4 mai. Peu à peu, de surcroît, l’Eglise reprend sa place dans les cérémonies publiques, tandis que chants républicains et symboles constitués notamment par les premières Marianne, disparaissent peu à peu. Après le coup d’Etat, on s’employa à célébrer la proclamation du président de la République, en des fêtes où les églises redeviennent des lieux essentiels, au détriment des mairies. La symbolique festive a ainsi entériné le passage d’une République sociale à une République conservatrice puis à la restauration impériale.

Finalement, c’est au Second Empire qu’il revient d’enraciner le modèle composite des fêtes libérales esquissé dès la Restauration, puis précisé lentement après 1830. Le régime de Napoléon III s’est dans un premier temps employé à dépolitiser l’héritage de 1789 tout en faisant naître les premières fêtes véritablement nationales et, en grande partie, libérales. Les décors sont alors “ré-impérialisés”, et dès 1852, seule est reconnue la fête nationale du 15 août, instituée à cette date mariale qui est aussi jour de la fête de l’empereur, et déjà célébrée comme telle sous le Premier Empire. Pour le reste, seuls les grands événements survenus dans la famille impériale où les grandes victoires sont sources de festivités occasionnelles. En revanche, le régime laisse s’épanouir les fêtes locales : ce sont elles qui deviennent les matrices de la fête libérale en laissant les spectateurs s’exprimer de plus en plus librement et en proposant, après 1860, “des objets de célébrations originaux et sociétaux”, dont certains ont toutefois déjà été rencontrés sous la Monarchie de Juillet, comme les inaugurations de chemins de fer. Les inaugurations d’œuvres caritatives, plus souvent présidées par l’impératrice que par son époux, jouent également un rôle à la fin du régime. Surtout, ce sont les associations, notamment les sociétés musicales ou gymniques, mais aussi les amicales de pompiers, qui favorisent localement l’émancipation des fêtes

Si l’on peut regretter que ce livre fort riche soit présenté sous ce titre maladroit, on peut aussi être gêné par le défaut de présentation de la méthode et le refus d’aller observer dans une démarche de microstoria les fêtes au village. On aimerait en effet savoir comment a été sélectionné le corpus de sources sur lequel est fondé ce travail, quels sont les lieux d’observation choisis et pourquoi, quelles sont les sources de certains graphiques, au demeurant fort intéressants, montrant la répartition chronologique des incidents survenus durant les fêtes (pp.59,125,209,275). Mais c’est en fait tout au long du livre que l’on bute sur la trop fréquente absence de mentions de sources. Enfin, certaines d’entre elles sont trop peu exploitées, car ce qui est épisodiquement cité témoigne de la richesse du matériau accumulé, qui aurait permis une réflexion beaucoup plus poussée sur les voies de la politisation. Par ailleurs, les travaux déjà menés sur l’Empire ont montré combien est féconde, pour la connaissance des mentalités politiques, l’analyse des processus suivant lesquels les Français et les Françaises du XIXe siècle se sont appropriés les fêtes locales, ou bien ont spontanément inventé des modes nouveaux d’expression collective dans une ambiance festive mais dans des buts de contestation : sur de tels sujets, ce travail aurait grandement bénéficié d’une démarche variant régulièrement de focale pour aller observer les logiques à l’oeuvre dans telle ou telle commune qui aurait été le cadre de ces fêtes déviées. Reste que l’ouvrage de Rémi Dalisson est fort précieux puisqu’il permet entre autres de connaître l’un des cadres de la vie politique française. Il sera désormais indispensable, pour tout chercheur souhaitant adopter un angle de vue autre, de passer d’abord par ce livre qui fournit une première grille d’analyse fort claire.


Natalie Petiteau
( Mis en ligne le 09/04/2004 )
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