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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Les avancées de l’histoire de l’occupation dans la lignée de la «révolution paxtonienne»
 collectif   La France sous Vichy - Autour de Robert O. Paxton
Complexe - Histoire du temps présent 2004 /  24.90 € - 163.1 ffr. / 321 pages
ISBN : 2-8048-0002-4
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu : Éric Alary, agrégé d’histoire, docteur ès Lettres de l’IEP de Paris (sa thèse sur la ligne de démarcation a été publiée en 2003 chez Perrin), est professeur en Lettres Supérieures et en Première Supérieure au lycée Camille Guérin de Poitiers.
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En 1997, un colloque international s’est tenu à l’université américaine Columbia en prenant appui sur les recherches et sur les travaux de Robert O. Paxton qui, en 2004, fait encore l’actualité avec cet ouvrage, mais aussi avec Le Fascisme en action au Seuil.

C’est toujours avec une grande attention que nous découvrons les ouvrages de Paxton. Le colloque, dont les actes furent publiés pour la première fois aux Etats-Unis en 2000, permet de lire les contributions très riches de chercheurs américains, anglais et français, à partir des pistes fondamentales ouvertes par Paxton au début des années 1970, avec l’éclatant ouvrage La France de Vichy. Les Français y avaient découvert que le régime de Vichy avait mené une politique répressive et antisémite autonome. Après le film de Marcel Ophüls, Le Chagrin et la pitié, l’ouvrage pionnier de Paxton a provoqué le scandale dans une partie de l’opinion. Mais il a surtout stimulé de façon décisive les recherches des trois dernières décennies de tous les spécialistes français de l’occupation. Dans l’ouvrage issu du colloque-hommage au savant américain, des synthèses précieuses permettent de faire le bilan des recherches et apportent de bonnes mises au point sur des sujets très variés. Mais elles permettent également d’envisager de nouvelles perspectives d’investigation et de relever des lacunes, notamment dans le champ de l’histoire culturelle. Jean-Pierre Rioux note qu’il reste beaucoup à faire pour découvrir la vie quotidienne des Français à travers l’observation minutieuse de leurs pratiques culturelles.

Le champ historiographique est brossé avec grande rigueur ; c’est là le grand apport de l’ouvrage, ce qui ne dispense pas ensuite, pour ceux qui veulent encore approfondir, de se reporter aux ouvrages et aux travaux signalés dans l’appareil critique.
Découpé en quatre parties, La France sous Vichy s’ouvre sur une communication de Jean-Pierre Azéma, qui porte sur la «révolution paxtonienne» et plus globalement sur les raisons du succès d’une ère nouvelle pour l'histoire de l’occupation en France. Michael R. Marrus, John Sweets et Stanley Hoffmann se penchent sur les avancées de Paxton et sur la perception très positive des historiens français dès le début, notamment en ce qui concerne l’observation de la politique antisémite du régime de Vichy. Pour Stanley Hoffmann, il faut se méfier du mythe selon lequel les Français n’ont pas voulu regarder en face leur passé.
Dans une seconde partie, l’ouvrage montre que les recherches commencées après le livre de Paxton ont densifié la connaissance des années noires, mais elles ont aussi contribué à rendre leur lecture parfois plus complexe. Yves Durand pense que pour bien étudier la collaboration en France, il faut la penser dans un cadre européen. Philippe Burrin estime qu’il faut comparer les mécanismes de l’occupation de 1940 avec ceux de 1870 et de 1914-1918, et même avec ceux de l’occupation de plusieurs parties de l’Allemagne par les alliés, à partir de 1918 et de 1945. Car tous les aspects de la collaboration n’ont peut-être pas encore été entrevus. Nous sommes trop repliés sur une histoire franco-française. Cet ensemble d’essais est complété par l’étude des apports de Paxton pour comprendre le régime de Vichy, «singulier et pluriel», selon Denis Peschanski. Les Français n’ont pas tranché en choisissant simplement Vichy ou la Résistance, nous dit Dominique Veillon ; la palette des comportements fut bien plus compliquée et plus diversifiée. Cette partie s’achève par un regard croisé sur la France rurale pendant l’occupation, souvent mal perçue par les Français des villes.

La vie quotidienne est abordée dans une troisième partie sous les aspects suivants : la culture, les institutions, l’opinion publique. Ces sujets ont contribué à alimenter de nombreuses controverses rappelées ici. Une étude fort intéressante traite de la rhétorique anti-avortement de Vichy. Sarah Fishman relève par ailleurs le triplement de la délinquance juvénile en 1942, ce qui montre les limites de la Révolution nationale. Une nouvelle orientation doit être donnée aux recherches sur l’histoire culturelle des années d’occupation, selon Jean-Pierre Rioux. L’impact de la guerre sur l’Eglise catholique – anti-totalitaire, mais pro-autoritaire - est abordé par Wilfred D. Halls.

Le livre s’achève par une partie sur la mémoire en reconstruction permanente et toujours présente. Le cas d’Oradour-sur-Glane est évoqué pour montrer que seuls les Français ont été comptés au nombre des victimes ; un récit très bien monté sur le «village martyr» a été élaboré, rapporte Sarah Farmer. L’ouvrage se termine par une intervention magistrale de Henry Rousso qui se pose la question de «l’historien lieu de mémoire» au sujet de Robert O. Paxton. Henry Rousso et Pascal Ory offrent de réfléchir à l’influence de Paxton sur la relation entre le passé et le présent, sur la crise de l’identité «fin-de-siècle» en France, qui serait à l’origine du syndrome de Vichy, mais aussi sa solution. Les Français semblent ne pas avoir retenu toutes les leçons de l’analyse de Paxton selon Henry Rousso. La mémoire reste sélective. En fin de compte, à la lecture de cet ouvrage collectif, on retiendra aussi que Paxton a obligé les Français à dresser un bilan moral des années d’occupation.

Cet ouvrage doit être dans toutes les bonnes bibliothèques des passionnés de l’histoire des années noires de la France, mais aussi lu par les spécialistes et les jeunes chercheurs. Ce colloque fait office à la fois de bilan d’étape et d’ouverture vers de nouvelles études sur la France sous Vichy et l’occupation allemande.


Eric Alary
( Mis en ligne le 11/06/2004 )
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