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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Les origines du totalitarisme
Domenico Losurdo   Le Révisionnisme en histoire - Problèmes et mythes
Albin Michel - Bibliothèque Histoire 2006 /  24 € - 157.2 ffr. / 279 pages
ISBN : 2-226-15885-5
FORMAT : 14,5cm x 22,5cm

Traduction de Jean-Michel Goux.

L’auteur du compte rendu : Philippe Poirrier est Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne. Il est notamment l’auteur de plusieurs ouvrages d’historiographie : Aborder l’Histoire (Seuil, 2000) et Les Enjeux de l’histoire culturelle (Seuil, 2004).

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La collection Histoire de chez Albin Michel publie, grâce au travail de traduction de Jean-Michel Goux, la version française de l’ouvrage du philosophe marxiste italien Domenico Losurdo, volume publié en 1996 sous le titre Il Revisionismo storico. Problemi e miti. Le maintien du titre original dans la version française, trop large et ambivalent, n’aide pas le lecteur, qui n’est pas forcément au courant des reclassements intellectuels qui affectent le mouvement communiste en Italie.

Domenico Losurdo, professeur d’histoire de la philosophie à l’Université d’Urbino, membre de Rifondazione Comunista, poursuit une réflexion sur les origines du totalitarisme ; analyses déjà présentes dans quelques livres disponibles en français : Hegel et la catastrophe allemande (Albin Michel 1994), Heidegger et l'idéologie de la guerre (PUF, collection Actuel Marx, 1998), Démocratie et bonapartisme (Le Temps des cerises, 2003). En 1998, l’auteur a également publié chez Laterza un court essai, Il peccato originale del Novecento afin de répondre au Livre noir du communisme dirigé par Stéphane Courtois.

Le présent volume, dense et touffu, vise à dénoncer les apories du «révisionnisme historique» ; c’est-à-dire des approches qui font de la tradition révolutionnaire la matrice des totalitarismes du XXe siècle. La méthode retenue relève essentiellement d’une histoire des idées de type comparatiste à partir de la mobilisation d’une très large bibliographique qui convoque des auteurs de nature et de statuts divers : idéologues, publicistes, hommes politiques, philosophes, historiens. Trois auteurs sont particulièrement discutés : Carl Schmitt, Ernst Nolte et François Furet — celui du Passé d’une Illusion (1995).

Les meilleures pages sont celles où l’auteur, qui embrasse l’histoire mondiale des deux derniers siècles, souligne combien l’analyse du totalitarisme sous le signe de la seule relation dialectique entre l’URSS et le IIIe Reich est réductrice. Il montre que les tenants du «révisionnisme historique» font l’impasse sur la question coloniale. Les analyses qui portent sur les questions indienne et noire (de la traite à la ségrégation) aux Etats-Unis ; sur les pratiques des britanniques en Irlande sont particulièrement stimulantes. Il en ressort que la terreur de masse, qui peut mener au génocide, est liée à la manière dont les démocraties ont conçu et développé leurs rapports avec les peuples «autres». La négation de l’universel humain et la racisation de l’ennemi sont très présentes au sein des théories et des pratiques des démocraties libérales. Les limites de la méthode de Furet et Nolte est également pointée. Domenico Losurdo ne nie certes pas le poids de l’idéologie dans la Terreur jacobine ou le goulag soviétique, mais il regrette que les révisionnistes en restent là et ne tiennent pas compte des «circonstances» et du décalage entre le projet politique et la situation historique.

L’ouvrage ne manquera pas d’interpeller les historiens, et devrait susciter le débat. Il a le mérite de réinsérer des questions rarement évoquées lorsque l’on s’interroge sur les origines des totalitarismes du XXe siècle. On peut cependant regretter que les principales lignes de force de la démonstration ne soient pas assez soulignées, ce qui nuit à la nécessité de la synthèse. Les limites de la démonstration sont aussi liées à une approche qui privilégie une forme d’histoire des idées politiques — perspective que certains historiens avaient d’ailleurs reproché en son temps à François Furet — qui n’est pas assez attentive aux phénomènes de circulation et aux modalités sociales de réception des idéologies.

Ajoutons qu’il est possible, avec Enzo Traverso (Le Passé, mode d’emploi, 2005), de préconiser un usage modéré de la notion de «révisionnisme historique». Le risque de produire une histoire téléologique, sinon officielle, est toujours présent. La posture critique de l’historien doit rester au cœur de la déontologie du métier.


Philippe Poirrier
( Mis en ligne le 13/03/2006 )
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