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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Au cœur des ambivalences de la Restauration | | | Emmanuel de Waresquiel Un groupe d'hommes considérables - Les pairs de France et la Chambre des pairs héréditaire de la Restauration (1814-1831) Fayard 2006 / 32 € - 209.6 ffr. / 502 pages ISBN : 2-213-62839-4 FORMAT : 15,0cm x 23,5cm
L'auteur du compte rendu : Agrégé, Pierre Triomphe vient de soutenir une thèse sur «Les mises en scène du passé au Palais-Bourbon (1815-1848). Aux origines dune mémoire nationale». Il a publié LEurope de François Guizot (Privat, 2002). Imprimer
Après avoir publié en 2005 son habilitation de recherche, LHistoire à rebrousse-poil, Emmanuel de Waresquiel nous livre dans cet ouvrage une version remaniée de sa thèse, soutenue en 1996.
Un groupe dhommes considérables, Les pairs de France et la Chambre des pairs héréditaires de la Restauration, 1814-1831 se consacre à la seule Chambre haute de notre histoire contemporaine fondée sur lhérédité. Louvrage sappuie sur les nombreux Mémoires et récits laissés par les pairs, sur le dépouillement de débats et fonds darchives divers, parfois inédits. La réflexion de lauteur, qui a consacré des travaux à deux pairs éminents, le duc de Richelieu et Talleyrand, senrichit de références aux ouvrages récents relatifs à lhistoire des institutions et des représentations politiques au cours de cette période, notamment les uvres de P. Rosanvallon et M. Gauchet. Ce spécialiste reconnu de la Restauration, coauteur avec Benoît Yvert du manuel de référence sur la période, vise à réhabiliter une assemblée, souvent délaissée par les spécialistes de lhistoire politique, notamment à cause de sa totale inconsistance lors de la révolution de Juillet.
En outre, la condamnation à mort du maréchal Ney a associé limage des pairs à la mémoire noire de la «terreur blanche». Louvrage dE. de Waresquiel met en évidence lampleur des enjeux liés à la constitution et à la composition de la pairie, élément central du dispositif institutionnel de la Restauration. Il se révèle aussi dun grand intérêt pour toute étude des pratiques parlementaires en France, dont les origines remontent à la monarchie représentative, comme la récemment montré A. Laquièze. Les mécomptes de la pairie sont particulièrement révélateurs : la publicité très restreinte des débats, la méfiance envers les clivages politiques dominants attestée par un positionnement en séance qui ne répond à aucune logique partisane permettent ainsi de mettre en perspective des interprétations souvent focalisées sur le Palais-Bourbon. E. de Waresquiel souligne aussi à juste titre la qualité des débats qui se sont tenus au Luxembourg de 1814 à 1830.
Louvrage suit un plan chronologique. Après un rapide parcours des débats sur le bicamérisme depuis 1789, il en vient à la Charte de 1814, qui crée la Chambre des pairs sur les débris du Sénat impérial. Dès lorigine, son rôle pluriel reflète les ambivalences de la Restauration. Emanation de la couronne, qui en nomme librement et à volonté les membres, elle se veut également un instrument de compromis politique et social entre les deux France. En effet, ses rôles législatif, équivalent en principe à celui du Palais-Bourbon, et judiciaire en font un acteur politique essentiel, alors que sa composition reflète la volonté den faire le sommet dune pyramide sociale à recréer après la Révolution. Jusquen 1820, et malgré les contrecoups des Cent-Jours, la Chambre apparaît comme «linstitution par excellence de la fusion des anciennes et des nouvelles élites», issues de lAncien Régime ou de lère révolutionnaire.
Ainsi, les premiers pairs de 1814 sont issus en nombre presque égal de la noblesse dAncien Régime et du Sénat impérial. Après la réaction engendrée par lassassinat du duc de Berry, principalement sous le ministère Villèle, les nouveaux pairs sont essentiellement tirés de la noblesse provinciale fortunée et ultra, ce qui constitue lélément-clé de la déconsidération de cette Chambre dans lopinion publique selon lauteur. Cest pourtant par leur opposition à ce même ministère, en faisant échouer le rétablissement du droit daînesse ou le durcissement du régime de la presse, que les pairs connurent brièvement une certaine popularité, et contribuèrent par là même à léchec et à la chute de ce ministère en 1827.
Cet épisode excepté, le rôle politique de la Chambre haute peut apparaître secondaire, même si les analyses dE. de Waresquiel laissent parfois entendre le contraire. Les velléités des pairs de sopposer au ministère en place sachèvent, en 1827 comme en 1819, par la nomination dune fournée de pairs qui ramène la Chambre à plus de circonspection. Dans lensemble, lassemblée se caractérise donc par un conservatisme, anti-révolutionnaire mais modéré, qui ne la prédispose guère à laction lors de la crise ouverte par la formation du ministère Polignac. Son effacement de la scène politique est accentué par la révolution de Juillet et ses suites, avec la suppression de lhérédité de la pairie en 1831, ce qui ne fait que la rendre plus dépendante du trône, et traduit léchec de ce groupe dhommes considérables, comme Chateaubriand, Decazes, Molé, Pasquier, Talleyrand
à se constituer en corps politique influent.
Agrémenté dune iconographie originale, plus de deux cents portraits de pairs dessinés par le comte de Noé, louvrage se termine par de riches annexes, qui comprennent un index et une bibliographie fournie, et surtout un dictionnaire de tous les pairs de la Restauration.
Pierre Triomphe ( Mis en ligne le 11/01/2007 ) Imprimer
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