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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

L’Etat c'est eux !
Françoise Dreyfus   L’Invention de la bureaucratie - Servir l’Etat en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis (XVIIIè-XXè siècles)
La Découverte - Histoire contemporaine 2000 /  23.66 € - 154.97 ffr. / 287 pages
ISBN : 2-7071-3200-4
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L’ouvrage de Françoise Dreyfus se propose d’étudier les conditions de désignation des fonctionnaires en France, en Angleterre et aux Etats-Unis de la fin du XVIIIè siècle à nos jours. Précis et bien rédigé, il possède une ampleur incontestable et présente avec clarté des sujets aussi divers que le saint-simonisme ou l’essor des méthodes de management dans l’administration depuis les années 1960. Il manque pourtant de fil directeur et passe en partie à côté des objectifs ambitieux que s’est fixé son auteur.

Dans une longue première partie, Françoise Dreyfus examine, à partir d’une bibliographie parfois ancienne, quoique toujours valable, l’administration de la France, de l’Angleterre et des Etats-Unis à la fin du XVIIIè siècle. Son propos s’inscrit dans la lignée de l’ouvrage de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, dans lequel il s’efforçait de montrer l’importance des éléments de continuité liant, par-delà la Révolution, le XVIIIè et le XIXè siècle. Françoise Dreyfus étend cette conclusion tout en la retournant habilement : c’est, d’après elle, en opposition aux systèmes existant dans ces trois pays à la fin du XVIIIè siècle, que s’est développée leur administration au XIXè siècle.

En France, l’abolition des privilèges, la nuit du 4 août 1789, amène à proclamer l’égalité d’accès à la fonction publique et à prôner, à la suite de Condorcet, le critère de compétence pour le recrutement des fonctionnaires. La mise en oeuvre de ce dispositif entraîne le développement de pépinières de fonctionnaires efficaces, les "grandes écoles", dont les origines remontent pourtant à l’Ancien Régime. Aux Etats-Unis, les institutions fédérales résultant de la Révolution, Congrès et Président, se méfient des fonctionnaires, symboles de l’administration corrompue mise en place au XVIIIè siècle par l’Angleterre dans ses colonies. Les fonctionnaires sont donc placés sous l’autorité directe du Président et, dans une moindre mesure, du Congrès, ce qui débouche rapidement sur un autre excès : le spoil system, dans lequel les hauts fonctionnaires sont remplacés à chaque changement de majorité gouvernementale.

En Grande-Bretagne, le système du patronage, consistant à acheter des voix aux élections par des postes de fonctionnaires, qui caractérise l’action de Walpole et des Whigs au début du XVIIIè siècle, sert de repoussoir : progressivement, se met en place une fonction publique dont la neutralité est exigée. A la différence de la France, où les milieux politiques sont envahis par les fonctionnaires, aucun fonctionnaire ne peut être élu à la chambre des Communes.

Si Françoise Dreyfus réussit ainsi à définir avec beaucoup de talent un modèle cohérent valable dans chacun des pays qu’elle étudie, elle le développe, surtout pour la France, de façon parfois décevante : détaillant les lois électorales des monarchies constitutionnelles et faisant grand cas de ce qu’elle considère comme l’institution d’un modèle de patronage à l’anglaise à la fin de la monarchie de Juillet, elle évacue en quelques lignes des questions du même ordre qui paraissent pourtant autrement plus importantes, comme celle du rôle politique des hauts fonctionnaires (préfets, sous le Second Empire, et directeurs d’administration centrale, au début de la IIIè République, quand Mac-Mahon désigna un "gouvernement de fonctionnaires"), pourtant à l’origine des mesures d’épuration de la fin des années 1870, qu’elle étudie sans les replacer dans leur contexte.

L’évolution comparée des trois fonctions publiques à la fin du XIXè siècle et au XXè siècle a beau être illustrée de développements pertinents, on a du mal à voir la cohérence entre la critique à laquelle l’auteur se livre de l’introduction des méthodes "managériales" dans l’administration, l’affirmation qu’ "en France, on considère que pour gouverner, il est nécessaire d’avoir été formé à bien administrer" et les considérations qui concluent l’ouvrage sur le thème de la mort de l’Etat et de la fin de l’Etat-providence.

Alors même qu’en France, l’imbrication de la haute fonction publique et du Parlement dans la deuxième moitié du XXè siècle, telle que l’a bien rappelé l’auteur, semblerait logiquement l’amener à conclure à la neutralisation réciproque de l’exécutif et du législatif, et donc à l’impossibilité, dans les conditions actuelles, de réformer l’Etat, il paraît surprenant que les dernières pages de l’Invention de la bureaucratie soient consacrées à la déconstruction de l’Etat-providence, hypothèse étrangère au reste de l’ouvrage et qui va à l’opposé de la thèse principale de son auteur. Paradoxalement, la maîtrise incontestable dont Françoise Dreyfus fait preuve dans de nombreuses matières semble l’avoir entraînée dans des digressions certes brillantes, mais qui l’empêchent de construire, sur un sujet aussi vaste dans un volume finalement assez court, un traité à la hauteur de ses ambitions.


Jean-Philippe Dumas
( Mis en ligne le 26/05/2000 )
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