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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Contribution à l’anthropologie de la mémoire russe actuelle
Elisabeth Gessat-Anstett   Une Atlandide russe - Anthropologie de la mémoire en Russie post-soviétique
La Découverte - Recherches 2007 /  25 € - 163.75 ffr. / 298 pages
ISBN : 978-2-7071-5306-7
FORMAT : 13,5cm x 22cm

L'auteur du compte rendu : agrégé d’histoire, Nicolas Plagne est un ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure. Il a fait des études d’histoire et de philosophie. Après avoir été assistant à l’Institut national des langues et civilisations orientales, il enseigne dans un lycée de la région rouennaise et finit de rédiger une thèse consacrée à l’histoire des polémiques autour des origines de l’Etat russe.
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Déjà étudiée pour d’autres périodes dans la littérature et le folklore, la mémoire russe et post-soviétique fait l’objet désormais de travaux inspirés par la réflexion de M. Halbwachs et par Les Lieux de mémoire de P. Nora. Des lieux de mémoire géographiques viennent de sortir dirigés par G. Nivat. E. Gessat-Anstett a publié en 2007 à La Découverte une étude sur le cas de la ville de Mologa au coeur de la Russie centrale après y avoir mené une enquête de terrain, qui, au-delà de sa dimension locale, est une contribution à la recherche sur la mémoire sociale de l’époque soviétique tardive et post-soviétique.

Au trauma de l’écroulement de l’Union soviétique s’ajoute ici celui d’un événement fondateur de la mémoire collective locale : l’engloutissement d’une ville sous les eaux d’un lac artificiel de barrage hydro-électrique. Dans les années trente, l’Etat soviétique décide, dans le cadre de ses plans quinquennaux du développement stakhanoviste de la production et de l’industrialisation, de s’équiper de barrages hydro-électriques puissants, capables d’alimenter de vastes combinats industriels. L’enjeu est de créer le socialisme mais aussi de procéder à la modernisation accélérée du pays, de le doter de la classe ouvrière nombreuse qui sera le soutien du régime : si le tournant a lieu à la fin des années vingt, la crise de 1929 et la montée du fascisme rendent ce projet plus urgent car la perspective de la guerre avec le monde impérialiste bourgeois prend tournure.

L’URSS, entre grands travaux, pression sur la population, purges à bouc-émissaires des retards et goulags à main d’oeuvre corvéable et nombreuses, entame une phase intense de transformation, parfois chaotique. En 1935, un arrêté décide de construire des complexes hydro-énergétiques dans la région d’Ouglitch et Rybinsk, à une quinzaine de kilomètres en aval de Mologa. Un immense chantier de construction s’y établit de 1936 à 1941, dont la main d’oeuvre est fournie par un camp du Goulag. Étant donnée la topographie de la grande plaine russe, il faudra un lac artificiel ennoyant une vaste zone, mais des défauts de calculs font sous-estimer la zone qui devra être inondée pour que le barrage possède la capacité énergétique attendue. Finalement, Mologa devra être sacrifiée. En avril 1941, la guerre avec l’Allemagne semble imminente et l’on procède à l’engloutissement de Mologa (et de 700 villages) en déplaçant la population. Avec celle-ci, un camp de «l’archipel du Goulag» disparaît. C’est le point de départ d’une dynamique de la mémoire.

L’auteur souligne les différents aspects de ce sujet : le traumatisme de la perte des repères anciens d’une population enracinée et la formation d’une communauté soudée par cet événement ; la disparition des cimetières (des lieux de mémoire à eux seuls) avec la dimension psychique qui s’attache à la relation de piété envers les morts ; le développement d’un imaginaire et de rites de compensation ; sans oublier l’oubli dans cette mémoire du Goulag voisin. Les thèmes mis en jeu sont la stratégie de la mémoire sociale dans un régime autoritaire à censure (totalitaire, dit l’auteur) et la difficulté pour l’Etat de contrôler cette mémoire ; mais aussi la vie propre de celle-ci avec ses focalisations qui valident parfois des formes de pensée et des pratiques du régime (le tabou du Goulag). La référence par les sujets du mythe de l’Atlantide permet aussi de penser dans un cadre comparatiste ce qu’il en est de la formation des légendes nécessaires à un peuple. Ce genre d’étude pourra être mené en Chine un jour à coup sûr.


Nicolas Plagne
( Mis en ligne le 16/09/2008 )
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