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Dossier : GUERRE D'ALGÉRIE
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Chronologie de la Guerre d'Algérie

Paroles de soldats
Jean-Charles Jauffret   Soldats en Algérie 1954-1962 (nouvelle édition) - Expériences contrastées des hommes du contingent
Autrement - Mémoires/Histoire 2011 /  25 € - 163.75 ffr. / 383 pages
ISBN : 978-2-7467-1613-1
FORMAT : 15cm x 23cm

L'auteur du compte rendu : Gilles Ferragu est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.
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1,2 millions de soldats sont passés par l’Algérie des années 1954/62 et sa guerre sans nom, une guerre qualifiée jusqu’en 1999 d’opération de police, et qui alterne pourtant les phases de pacification, combat et guerre «psychologique» contre la «subversion»… jusqu’à la «corvée de bois» et autres formes de terreur, subie ou appliquée. Bref, une guerre… coloniale, idéologique, menée non pas uniquement par des professionnels, les fameux «centurions», mais également, et même surtout, par des appelés (ainsi que des rappelés), eux-mêmes fils de la Seconde Guerre mondiale et déjà marqués par l’après guerre.

Aux lendemains du traumatisme indochinois, et dans un contexte de guerre froide qui, pour la France, vire au complexe obsidional du fait de la décolonisation, l’expérience de l’Algérie fut, pour une génération de conscrits, à la fois éprouvante et déterminante. Du premier conseil de révision jusqu’à la quille et les traumatismes (physiques, psychologiques) ramenés en métropole, cette expérience est ici présentée chronologiquement, à partir de témoignages mis en perspectives. Réédition augmentée d’un ouvrage publié en 2000, ce Soldats en Algérie se place donc au confluent de deux problématiques historiques, une histoire du conflit algérien mais également une histoire de l’institution militaire.

La méthode choisie est à la fois simple et efficace : suivre le conscrit dans toutes les étapes de son parcours, distribué par chapitres chronologiques. Conseil de révision d’abord, avec ses tests divers, ses tentatives d’échapper au service, puis les classes, la formation, l’appel (plus ou moins bien entendu, plus ou moins bien accepté), le paquetage, le départ (non sans regrets ni réactions de refus ou de colère), le voyage puis l’arrivée en Algérie : dans une atmosphère parfois tendue (manifestations pacifistes, intimidation des conscrits eux-mêmes, voire sabotage léger), la transformation du jeune civil en soldat n’est pas une affaire simple, même si la mécanique est rodée (et la République, dans le besoin, recrute à tout va).

On découvre alors quelques réalités, à commencer par les servitudes de la fameuse vie militaire. Mais pour tous, le débarquement en Algérie est tout de même un moment fort (avec ses vahinés et ses colliers de fleurs même !). Toutefois, c’est aussi le premier pas dans la guerre. Les expériences sont très diversifiées, et de ce fait, chacun eut «sa» guère d’Algérie, plus ou moins exposée, plus ou moins risquée, plus ou moins enviée par d’autres (le débat, récurrent, sur les planques de guerre, n’est pas prêt de s’achever).

Pour rendre compte de cette diversité, l’auteur balaie large, observe le contexte, le regard des pieds noirs confronté à celui des métropolitains, les rapports à l’Arrière (la métropole, la famille, la fiancée). On cause matériel, équipement, cadre de vie et ordinaire. On évoque une «culture de guerre», la vie au poste, les méthodes de la pacification (y compris la torture et ses diverses déclinaisons) : la réalité du terrain, sans tabou (y compris, et la réflexion est bienvenue, la question de la misère sexuelle, les excès de bière), ni reconstruction a posteriori. Enfin, la question du retour, abordée dans un chapitre conclusif, est l’occasion d’une esquisse de bilan : bilan des victimes, des traumatismes divers et d’une «faim de mémoire» qui ne fait que croître, et dont cet ouvrage, indirectement, rend compte éloquemment.

L’expérience de la guerre est probablement indicible : on peut s’en approcher, par les mots, mais il reste un dernier obstacle, une réalité qui demeure inaccessible. C’est cette réalité que le professeur Jauffret, de l’IEP d’Aix en Provence, tente de restituer par le biais de témoignages (textes et iconographie) collectés par lui et son équipe de jeunes chercheurs, et synthétisés dans cet ouvrage très dense et riche. S’inscrivant dans une perspective anthropologique du conflit, sans s’appesantir sur un discours de la méthode réduit au minimum, l’auteur opte pour une approche toute d’humilité, qui interroge, laisse parler les témoins et œuvre, en arrière plan, à l’indispensable mise en contexte, ainsi qu’à une mise en récit qui découle de l’approche chronologique.

L’Algérie des conscrits, une alternative bienvenue à la «nostalgérie» pied noir. Et si tant est que la mission de l’historien soit d’expliquer les faits, et de donner à comprendre les représentations des hommes d’un temps passé, alors cet ouvrage offre de la guerre d’Algérie, du point de vue des soldats, un regard juste, qui sait prendre sa distance avec les stéréotypes. Un ouvrage très réussi, bien documenté et illustré (on apprécie notamment la masse de photographies, documents divers ainsi que les annexes), écrit d’une plume à la fois souple et toujours à l’écoute (du témoin mais aussi du lecteur et de ses questions informulées) : un excellent ouvrage sur le sujet, qui, sans défendre une thèse, propose un regard. Une étude essentielle pour saisir la singularité de l’expérience combattante en Algérie, mais également pour comprendre en quoi cette expérience est un marqueur générationnel.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 29/11/2011 )
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