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Histoire & Sciences sociales -> Temps Présent |
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Des grandes luttes syndicales de l’après-guerre à la recherche d’un nouveau syndicalisme | | | René Mouriaux Le Syndicalisme en France depuis 1945 La Découverte - Repères 2004 / 7.95 € - 52.07 ffr. / 122 pages ISBN : 2-7071-4229-8 FORMAT : 11x18 cm
Lauteur du compte rendu : Éric Alary, agrégé dhistoire, docteur ès Lettres de lIEP de Paris thèse sur la ligne de démarcation publiée en 2003 chez Perrin -, est professeur en Lettres Supérieures et en Première Supérieure au lycée Camille Guérin de Poitiers ; il est également chercheur associé au CHEVS/ FNSP et au CRHISCO/ Université Rennes II. Imprimer
Suivre lhistoire syndicale nest pas toujours aisé tant les courants, les divisions et les stratégies ont été diverses, ce depuis que le droit de grève existe (1884). Nombre détudes existent sur le syndicalisme depuis la fin du XIXe jusquà la fin de la IIIe République. Les années doccupation ont également été étudiées, notamment lengagement résistant de certains syndicats contre la Charte du travail de Vichy. Depuis 1945, le syndicalisme a connu plusieurs mutations que le politologue René Mouriaux, lun des grands spécialistes de la sociologie du salariat et de lhistoire des idées politiques dans le monde syndical, se propose de rendre claires et de synthétiser dans un court ouvrage de 122 pages. La réédition est heureuse avec des parties neuves sur les dernières luttes sociales.
Se livrer à ce genre dexercice de vulgarisation nest pas toujours facile, car il faut tout traiter sans pour autant avoir la place dapprofondir. Heureusement, le point bibliographique permet daller plus loin pour qui le souhaite. Cet ouvrage se destine à des étudiants, à ceux qui sintéressent à la fonction publique et à lhistoire rapide du statut des fonctionnaires, aux chercheurs qui veulent faire un vif tour dhorizon sur le sujet ou encore aux lecteurs soucieux de comprendre les grands enjeux des luttes sociales et syndicales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il permet de très utiles mises en perspective sur la situation des années 1990-2000, notamment lannée 1995, ce jusquà 2003. Une liste de sigles permet aussi de se repérer rapidement. En revanche, on peut regretter labsence dune chronologie sélective.
Tous les aspects du syndicalisme sont abordés en sept parties. Le plan choisi est chronologique, ce qui se justifie pleinement pour ce type douvrage. Les coupures historiques sont classiques : 1948, 1962, 1968, 1977, 1986 et 1994. Ainsi défile une histoire inédite du syndicalisme qui épouse les soubresauts des époques, tant économiques que sociaux et politiques. Les divisions syndicales prennent une large place, ce quexplique lauteur, en montrant que nombre doccasions de mener à bien des projets sont restées lettres mortes. Tous les critères dexplication sont envisagés, même si cela reste bref, à savoir les causes internes aux syndicats comme les facteurs externes. Après une phase dépuration au sortir de loccupation, qui a touché des personnalités syndicales de premier plan, tel René Belin devenu ministre du maréchal Pétain une Commission nationale de reconstitution des organisations syndicales des travailleurs sest chargée de juger près de 320 membres -, lhistoire du syndicalisme sengage dans une voie qui est celle de revendications de survie pour les Français, comme les salaires et le retour à un ravitaillement décent.
Après le départ des ministres communistes, la CGT durcit ses positions à partir de 1946 : des grèves sont organisées contre la vie chère, par exemple. Un éclairage sur les différentes tendances de la CGT aurait été le bienvenu, mais aurait peut-être déséquilibré lensemble. Les années daprès-guerre sont celles de droits sociaux à conquérir avec le rétablissement des délégués du personnel et des comités dentreprise, la naissance de la sécurité sociale, le statut de la fonction publique ; le rôle des syndicats dans luvre de nationalisation nest bien sûr pas omis, pas plus que les temps très difficiles des grèves de 1947 et 1948 ou les grandes phases des scissions au sein de la CGT avec la naissance de Force Ouvrière. Bref, la reconstruction du pays se fait dans un contexte de luttes syndicales acharnées, mais aussi de revendications constructives pour lensemble de la société.
Puis, viennent des années difficiles sous les IVe et Ve Républiques où le syndicalisme a du mal à se penser, notamment à partir de 1958. Mais les années cinquante sont aussi celles des mouvements de grèves de 1953 et 1955 (à Saint-Nazaire, par exemple), ce qui oblige le patronat à négocier sur les salaires, sans que les revirements soient rares. De même, le syndicalisme nest pas uniquement ancré à gauche. Le RPF a tenté de construire une organisation syndicale avec lAction ouvrière, mais son succès fut maigre avant la «traversée du désert» du général de Gaulle. Les gaullistes se raccrochent au courant «indépendant». Globalement, les centrales syndicales (CGT, CFTC, etc.) sopposent au binôme « capital-travail » et les divisions réduisent souvent le poids de leurs revendications. La FEN se bat aussi contre le gaullisme. Les syndicats participent activement aux débats pour lindépendance, notamment en Algérie. Après 1962, le CNPF contrarie les ambitions de grandeur du général de Gaulle. Les patrons français ont pour objectif de libéraliser au mieux léconomie. Les mineurs se mettent en grève en 1963-1964 ; ils ne se sentent plus reconnus. Le mouvement dure plusieurs mois et reçoit le soutien de la SFIO et du PCF. Le gouvernement riposte par des réquisitions. Finalement, le gouvernement lâche du leste avec, entre autres mesures, une quatrième semaine de congés payés.
René Mouriaux égrène ainsi lhistoire syndicale jusquen 2003 avec létude des stratégies, des accords, des contextes et des camps qui se font face : la déconfessionnalisation de la CFTC, les événements de mai 1968, le conflit Renault de 1975, les conséquences de larrivée de la gauche au pouvoir en 1981 ; les années du premier septennat de François Mitterrand semblent tarir la source de recrutement du syndicalisme avec un PCF qui ne cesse de chuter dans les élections. La désyndicalisation marque les années 1990. Les syndicats ont du mal à se rapprocher des salariés. Malgré les réveils de 1986 et de 1995, les syndicats éprouvent moult difficultés à se recomposer.
A lentrée du XXIe siècle, René Mouriaux conclut à laffirmation des associations et de laltermondialisation. Le syndicalisme tente de se donner de nouveaux objectifs pour sortir dun marasme sans précédent. A lévidence, les lecteurs qui recherchent lexhaustivité devront se reporter à la bibliographie pour prolonger leur exploration du syndicalisme. En revanche, ceux qui veulent lire une synthèse soignée et très accessible seront comblés.
Eric Alary ( Mis en ligne le 13/02/2004 ) Imprimer
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