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Fin de siècle dans la France religieuse
Gérard Cholvy   Yves-Marie Hilaire   Le Fait religieux aujourd'hui en France - Les trente dernières années (1974-2004)
Cerf 2004 /  38 € - 248.9 ffr. / 412 pages
ISBN : 2-204-07488-8
FORMAT : 13x20 cm

L'auteur du compte rendu: Gilles Ferragu est maître de conférences à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.
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A l’heure où l’on commémore la Séparation des Eglises et de l’Etat, l’avènement d’une France laïque et d’une société sécularisée, il n’est pas inutile de se pencher sur la religiosité contemporaine, ne serait-ce que pour mettre en perspective la crise du siècle passé et l’indifférence actuelle, la hargne d’un Combes et la catholicité affichée d’un Sarkozy.

Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire, respectivement professeurs d’Histoire à Montpellier et à Lille, sont les auteurs d’une série d’ouvrage de référence – L’Histoire religieuse de la France (Privat) – qui entreprend de retracer deux siècles d’histoire des Eglises en France. Il était tout naturel qu’ils achèvent ce grand tableau avec la fin du XXe siècle. Certes, on change d’éditeur et de format, mais la méthode est identique, qui avait fait le succès mérité des volumes précédents : un tableau à la fois riche et synthétique de la France religieuse, explorant les divers aspects d’une culture, d’une pratique et des institutions religieuses.

L’ouvrage commence – assez classiquement pour la période (on retrouve les mêmes prémices dans l’ouvrage récent de M. Albert, L’Eglise catholique en France sous la IVe et Ve République) – par le constat d’une crise, crise des institutions ecclésiastiques comme de la communauté croyante en général. Dans les années 70, l’heure est à la déploration. La déchristianisation, héritée des Lumières, est incontestable, critère d’une modernité déjà séculaire. Du reste, faut-il encore parler de crise, ou bien plutôt du long affaiblissement d’une certaine manière de pratiquer ? Certes, les malheurs des temps sont nombreux : effondrement de la pratique (quelles que soient les confessions), des sacrements, des vocations sacerdotales, des patronages... Les signes sont patents, comme le choix des prénoms des nouveaux-nés (l’invasion des Jennifer a déjà commencée !). L’anticléricalisme est d’ailleurs passé d’une idéologie de combat à une forme de culture, voire une mode (le populisme démagogique des Guignols de l’info s’en délecte !). Les Eglises elles-mêmes ne sont pas épargnées par la crise : en particulier l’Eglise catholique, frappée par le coup de tonnerre de Vatican II. Si la plupart des fidèles et du clergé se réjouissent de l’aggiornamento du «bon pape Jean», il y en eut quelques uns qui choisirent de s’opposer, par la discussion puis par le schisme, aux décrets du concile. Dans la foulée de Mgr Lefebvre, les divisions ont subsisté, alors même qu’avec Jean Paul II, un certain rigorisme, incarné par l’influence croissante de l’Opus Dei dans les cercles du Vatican et la canonisation de son fondateur, Mgr Escriva di Balaguer, est parvenu au faîte de l’Eglise. Inversement, l’encyclique Humanae vitae de Paul VI avait également plongé certains fidèles dans l’interrogation, et notamment les troupes réputées les plus fidèles, les femmes. D’où qu’il vienne, le débat est là, et trouve des médiateurs actifs, comme la revue Golias.

Les auteurs remarquent toutefois l’élan de spiritualité qui agite la société française, élan qui se matérialise dans une certaine fascination pour les novations religieuses, de la réforme des pratiques aux croyances les plus actuelles. Ainsi les auteurs soulignent l’ampleur des «germinations» nouvelles : la jeunesse chrétienne explore de nouvelles voies, où l’intellect fait place à l’émotion, au sentiment (schéma proche de celui de la religion romantique du XIXe s). De la redécouverte du chant sacré au rock chrétien, de la nouvelle évangélisation au renouveau charismatique, des congrégations récentes à l’enthousiasme renouvelé des laïcs (et des intellectuels chrétiens notamment, sans doute lassés du compagnonnage de route) : les croyants évoluent, et témoignent, dans ce qui ressemble à une reconquête de la société. Du reste, la religion même est revenue au devant de la scène, par des moyens détournés et sous la forme d’opinion : le fondamentalisme et ses menaces, les mouvements de conversion ou encore la question laïque dans son exception française et ses ambiguïtés légales (la question du foulard). En se penchant sur ces problématiques religieuses devenues «questions de société», les auteurs nous découvrent les sinuosités de la spiritualité contemporaine, ainsi que «l’homo religiosus» du XXIe siècle au cœur d’une religion festive.

En conclusion, on retiendra que cette étude complète et achève fort bien L’Histoire religieuse de la France : dans ce tableau très documenté de trente années d’évolution des mentalités et des faits religieux, on retrouve l’art de la synthèse ambitieuse qui avait fait le succès des ouvrages précités. Ce titre reprend également une tradition ancienne, celle de la géographie religieuse du chanoine Boulard : dans un tour de France religieux, les auteurs entreprennent – à la suite d’un tome précédent de leur histoire religieuse – un tableau de la France (principalement catholique, du fait des sources utilisées). Certes, le texte tend parfois au catalogue ou à l’énumération, et le lecteur peut avoir l’impression que les analyses s’effacent devant les faits : il faut considérer la multitude des exemples cités comme autant de pistes de réflexions et de recherche. Ainsi, l’ouvrage, outre qu'il offre un tableau convaincant de la religiosité contemporaine, s’avère un instrument efficace et précieux pour les chercheurs et les enseignants, agrémenté par une bibliographie actualisée par chapitres et un index. Un ouvrage de référence, pour entrer dans le XXI siècle. Qui avait dit qu’il serait spiritualiste ou ne serait pas ?


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 17/01/2005 )
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  • L'Eglise catholique en France sous la IVe et la Ve République
       de Marcel Albert
  • La Crise catholique
       de Denis Pelletier
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